Jules J. 02/01/2020

J’ai préféré m’engager en banlieue plutôt qu’à l’autre bout du monde

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En école d'ingénieur, j'ai ressenti le besoin de mettre mes études sur pause et de m'engager. Et pour aider les autres, il y a beaucoup à faire juste à côté de chez soi...

Seize ans que j’étais assis sur des bancs d’école. Seize ans que je suivais un système scolaire assez général, jusqu’à l’école d’ingénieur. Seize ans que j’étais ni bon, ni mauvais, ni passionné, ni désintéressé. Je voyais la fin de mes études arriver, plus que six mois de cours et six mois de stage, avant d’être diplômé et sûrement de trouver un premier emploi. Mais j’avais envie de mettre tout cet engrenage sur pause, pendant un an. Un an pour me poser des questions, réfléchir à mon avenir, changer de voie, m’engager.

Je suis parti avec cette seule envie et beaucoup de questions. Où ? Comment ? Quoi ? Avec qui ?

J’étais persuadé que je pouvais être utile chez moi

Je connaissais déjà l’association Saint-Denis Ville au Cœur dans laquelle je m’étais déjà investi. C’est un très bon ami à moi qui a participé à sa création il y a trois ans. Je trouvais ça vraiment fort pour des étudiants de monter un projet, sans aucun but lucratif, avec comme seul objectif d’aider une ville et ses habitants. Cette ville, c’est Saint-Denis, une ville de banlieue populaire comme il en existe beaucoup, avec ses problèmes, souvent médiatisés, et ses charmes dont on entend moins parler.

On intervient dans les milieux scolaires pour parler de sexisme, de questions de genre, et par des événements comme une semaine sportive pour les jeunes ne partant pas en vacances, ou une marche des fiertés de banlieue. Le but ? Lutter contre toutes les discriminations qui existent en banlieue et d’offrir une égalité des chances entre jeunes populations dionysiennes et parisiennes.

Le 9 juin 2019 a eu lieu la première édition de la marche des fiertés de banlieue à Saint-Denis. Une pride qui a rassemblé un millier de personnes dénonçant les LGBTQI+ phobies et la stigmatisation des quartiers populaires.

En janvier 2019, j’ai donc décidé de monter un projet de césure juste avant ma dernière année et de le présenter à mon école. Beaucoup de mes camarades en année de césure sont partis au bout du monde suivre un projet humanitaire. Moi, j’étais persuadé que je pouvais être utile chez moi. J’habite à Paris, à deux pas du 93, et j’ai passé beaucoup de temps en banlieue plus jeune, chez des amis, la famille ou encore au sport. J’ai aussi vu la chance que j’avais d’avoir une bonne situation, stable, sans trop de problèmes financiers, de ne pas avoir souffert du racisme ou de quelconques discriminations, et je trouvais injuste que mes voisins, eux, ne puissent pas avoir les mêmes chances que moi.

J’en ai parlé avec les contacts que j’avais dans l’asso. Ils cherchaient des gens motivés pour y développer une thématique environnementale. Moi, l’environnement, c’est le domaine qui me plaît le plus dans mes études. Je leur ai parlé du service civique et on a vu ce dispositif comme une opportunité, pour eux de faire grandir l’association, et pour moi de la rejoindre dans un cadre sécurisant pour mon école et ma famille. On a travaillé chacun de notre côté. Eux, pour obtenir l’autorisation d’accueillir des volontaires ; et moi, pour que mon année de césure soit acceptée. Quelque semaines plus tard, le projet était validé, et j’étais prêt à m’engager dans une année pas comme les autres.

M’engager, c’était pas pour rien

En septembre 2019, pas de rentrée classique, pas de salles de classe, mais une première réunion avec l’asso. On a monté plusieurs projets, dont une intervention pour parler d’écologie et d’environnement aux collégiens qu’on va bientôt présenter. On a créé des événements à but environnemental et social, comme une collecte de vêtements qu’on va redistribuer pour l’hiver à des gens dans le besoin, ou encore un « clean challenge » ; un événement qui invite des habitants à nettoyer leur quartier pendant une après-midi.

C’est un peu dur de devoir tout gérer (financements, relations avec la mairie, réseaux sociaux…). Mais une fois que le projet est terminé, qu’on a reçu des sourires, des encouragements, des « bravo pour ce que vous faites », c’est vraiment gratifiant et on se rend compte qu’on n’a pas fait ça pour rien.

Ce service civique, c’est aussi beaucoup d’échanges, de rencontres, d’entraide. Ça va d’un gosse qui nous demande de revenir proposer des activités toutes les vacances et tous les week-ends, « parce que c’est trop cool », à une mère de famille qui, après avoir écouté d’une oreille méfiante notre projet de collecte de vêtements, avant de nous dire avec un sourire : « C’est une belle idée ça, surtout que c’est froid en ce moment. » En plus de ça, j’y trouve des compétences qui seront forcément utiles dans ma vie pro ou perso plus tard, et qu’on ne travaille pas sur un banc d’école. La gestion de projet, la communication, le relationnel. C’est que du positif pour le futur.

Léa aussi s’est engagée à deux pas de chez elle. C’est ce qui lui a permis de tenir pendant ses années fac. « Jongler entre la fac et le bénévolat, ça a été sport ! »

J’ai pu réfléchir à mon avenir : je vais finir mes études à l’étranger, en lien avec l’environnement. Même si je serai un peu déçu de m’éloigner de chez moi et de l’association l’année prochaine, j’aurai toujours plaisir à suivre son évolution. J’espère qu’en service civique, j’aurais planté des petites graines qui pousseront même après mon départ. J’espère que l’association continuera de grandir et c’est sûr que je continuerai à m’y impliquer du mieux que je peux dès que je serai de retour dans le quartier.

 

Jules, 22 ans, volontaire en service civique, Saint-Denis

Crédit photo Pexels // CC Kaique Rocha

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1 réaction

  1. Intéressant forcément mais persiste toujours la question de qui fait un service civique avec quel niveau d’études ….on est un peu loin du projet initial de ce dispositif….alors oui c’est dans les conditions décrites un projet intéressant mais est-ce vraiment le dispositif adapté ???

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