Sofiane L. 05/10/2021

3/5 La violence pour me faire justice

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Face aux violences qu'il a subi à l'école, Sofiane a commencé à se battre. Pour lui, c'est le seul moyen de se défendre.

Mon frère était parti au collège et n’était plus là pour me défendre. Alors ils m’insultaient de « gros lard », de « bon à rien », ne me laissaient pas jouer au foot avec eux, me laissaient de côté…  Les animateurs me disaient : « Laisse-les, ignore-les. » Tous les adultes de mon école me disaient de ne pas y prêter attention, mais ça ne changeait rien. Je me suis mis à la boxe pour me faire justice seul.

C’était un jour d’hiver, un jour où je me suis battu à cause des moqueries. J’étais gros, disons plutôt en surpoids. Et on se moquait de moi pour ça. C’était des plus grands que moi. J’avais 8 ou 9 ans. Ils étaient trois. Ils m’ont bien cassé la gueule et j’ai perdu. Le soir, quand je suis rentré, je me suis dit que c’était fini. Il était temps de me mettre à la boxe. Pas pour maigrir, mais pour me défendre.

Après le harcèlement, il faut vivre avec les dégâts qu’il laisse. Perte de confiance en soi, dépression, anxiété sociale…. Les violences répétées exercées en pleine période de construction de soi laissent des traces irréversibles. Slate a rencontré des adultes anciennement harcelé·e·s pour comprendre les conséquences sur leur vie des années plus tard.

Au début, c’était très dur. Comme je n’étais pas un sportif, mon cardio était mauvais. Mais j’ai travaillé et j’ai appris à mettre ma garde, à envoyer des patates, à bien les placer, à mettre la bonne force. Je suis devenu de plus en plus violent à l’école, je me battais pour un rien. Plusieurs fois, j’ai été exclu : trois fois de mon école primaire et une dizaine de fois de mon collège.

Je n’avais pas le réflexe d’aller voir les adultes

Ça a tué mes années de primaire parce que je me faisais virer souvent, et ça ne s’est pas amélioré au collège. J’ai décidé d’arrêter la boxe en sixième pour me mettre au full-contact, mais un an après, j’ai arrêté tous les sports de combat. Ça n’a rien changé à mon comportement. Je frappais que les élèves par contre. Avec des profs, j’étais violent mais qu’avec la parole et je leur manquais beaucoup de respect. Je n’ai jamais rien regretté et ça ne commencera pas maintenant. On m’a trop hagar, on m’a trop mis à l’amende. Je n’avais pas le réflexe d’aller voir les adultes. Je me faisais justice seul et je me faisais beaucoup sanctionner. J’ai pourtant été suivi deux fois par des éducateurs parce que j’étais exclu.

Série 4/5 – Pour sensibiliser au harcèlement scolaire, la classe de Jenny a eu une séance de prévention. Cela ne l’a pas empêchée d’en être victime…

Jeune fille devant son téléphone avec un serpent enroulé autour de son cou

Aujourd’hui, je ne me bats que dans de grandes occasions. La dernière fois, c’était l’année dernière, parce qu’il y avait un mec qui foutait la merde dans mon bâtiment. Il criait, il crachait, donc je suis parti le voir et il m’a manqué de respect en me disant que ce n’était pas le bâtiment de ma mère. Je lui ai mis direct une tate-pa puis je l’ai pris en corps à corps et son pote nous a séparés. Le gars a eu un cocard. La violence, il ne faut pas trop l’utiliser, il ne faut se battre que par nécessité. Si on peut l’éviter, on l’évite. En réglant par la parole, comme me disent mes éducateurs.  Pour les personnes qui ne me connaissent pas, mon blaze c’est Bigshow. C’est le nom d’un catcheur. C’est de la fiction, alors que moi, ce que je vis, c’est réel.

 

Sofiane, 15 ans, lycéen, Aulnay-sous-Bois

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

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