Benoît M. 05/10/2021

2/5 « Augmente tes notes, ton harcèlement on verra plus tard ! »

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Les profs de Benoît étaient au courant du harcèlement qu'il subissait, mais lui ont fait comprendre que ce n'était pas la priorité.

Un jour, ma mère m’a dit : « En octobre, on part vivre en Vendée, dans notre maison de vacances… » Moi, j’ai entendu : « C’est bon, tu te barres de cet enfer ! » 

Une cité, cinq blocs tout blancs de quatre étages très étendus, des terrains vagues et de foot, des tables de ping-pong délabrées en pierre, et un parking. J’ai grandi dans une cité sans nom à Argenteuil dans le Val-d’Oise. C’est dans cet environnement oppressant que j’ai vécu jusqu’à mes 13 ans, et que j’ai voulu fuir. J’ai subi des persécutions tout au long de ma scolarité. J’étais constamment stressé d’être dans un environnement que je qualifiais d’« hostile », étant souvent seul, me faisant insulter, voire frapper.

Les autres me voyaient différemment, à cause de mon style vestimentaire poussé sur le métal (chaîne au jean, bracelet en cuir, cheveux un peu longs et t-shirt noir, chaque jour d’un groupe différent). Je n’écoutais pas le même genre de musique qu’eux : j’écoutais – et j’écoute toujours – du métal, comme Amon Amarth, Bullet for My Valentine, Rhapsody Of Fire ou bien du Slayer. Eux écoutaient du rap. Ils me voyaient d’un mauvais œil, ils me faisaient comprendre que j’étais bizarre et différent. Ils me prenaient pour un fou qui n’écoute que des musiques « gueulardes ». De ce fait, ils me rejetaient.

Et puis, j’étais enrobé, « gros » comme m’appelaient les autres enfants. Un groupe d’élèves m’a aussi bloqué dans un coin de la cour, juste pour se moquer de mon strabisme.

Les maîtresses étaient au courant de mon harcèlement

Mes notes n’étaient pas bonnes. Alors, en CM1, j’ai demandé à mes parents de me changer d’école pour ne plus subir tout ça. Ils ont accepté, mais ma nouvelle école était aussi à Argenteuil et le harcèlement a continué. Les maîtresses étaient au courant. Elles ont bien tenté d’en parler devant toute la classe pour dire que « le harcèlement c’est grave » ou encore mettre des mots dans les carnets, mais ça n’a jamais vraiment amélioré ma situation.

Comment expliquer la stagnation des cas de harcèlement scolaire malgré la prise de conscience collective ces dernières années ? Quelles mesures sont mises en place par l’Éducation nationale ? Le Monde s’est penché sur la question dans son podcast d’actualité L’Heure du Monde.

Je m’étais dit qu’en rentrant au collège cela changerait, mais c’était pareil. Aucun répit. Les moqueries et les insultes étaient toujours là, mais plus violentes encore. Même si je ne connaissais personne, les autres me connaissaient. Le collège étant collé à mon école primaire, ils savaient qu’ils pouvaient m’insulter ou me frapper et que je ne répondrai pas. Ils me voyaient comme une « victime ». Les profs aussi s’en prenaient plein la tronche, entre insultes et cours interrompus. Du coup, ils mettaient un peu tout le monde dans le même sac. Il y en avait bien deux qui m’écoutaient mais comme je n’avais pas de bons résultats, ils me disaient : « Augmente tes notes, le reste on verra plus tard ! »

J’ai explosé de joie à l’idée d’avoir trouver quelqu’un comme moi

Mes notes n’ont fait que descendre. Puis, un jour, on a déménagé à Saint-Jean-de-Monts. J’avais 13 ans et je ne connaissais absolument personne. Je me suis dit : « C’est bon, tu repars à zéro, tu vas peut-être pouvoir te faire des potes. » Au début, c’était bizarre de me faire accoster. J’avais toujours le réflexe de me renfermer sur moi. Je croyais qu’ils avaient l’intention de se moquer. Du coup, les autres pensaient que je ne voulais pas leur parler, alors que j’étais juste dans ma défense.

Certains élèves ont fini par lâcher l’affaire, d’autres ont continué pour me mettre à l’aise. En tout cas, mon poids et ma musique ne semblaient absolument pas les déranger, même s’ils n’écoutaient pas la même chose que moi. Ces personnes sont devenues des amis proches, mais je n’avais toujours pas de « meilleur ami ». Jusqu’au jour où j’ai croisé un élève que je n’avais jamais vu avant dans le bus.

Ça m’a fait bizarre de l’accoster, je ne l’avais pratiquement jamais fait auparavant. Il avait les cheveux longs et noirs. Il m’a dit qu’il écoutait principalement du métal. À l’intérieur, j’ai explosé de joie à l’idée d’avoir trouvé quelqu’un comme moi, un métalleux. Nous sommes devenus meilleurs amis. Cela fait onze ans qu’on se connaît et rien n’a changé.

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Mon déménagement a été la meilleure chose qui aurait pu m’arriver. Cela m’a permis de me faire des amis, de prendre confiance en moi. Entre mon ancienne vie et maintenant, j’ai changé de ville mais pas de personnalité. Je suis resté moi-même, malgré les coups et les insultes à cause de mes « différences ».

 

Benoît, 24 ans, en formation, Saint-Jean-de-Monts

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

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