Romain E. 19/04/2021

Je préfère les amendes au confinement

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Durant les confinements, impossible de rester enfermé chez lui. Résultat : Romain s'est pris des amendes et a décroché du lycée.

Je sors tout le temps, dès que j’en ai l’occasion. Je ne peux pas rester chez moi, alors quand on nous a annoncé qu’on était confinés, je n’ai pas pu changer du jour au lendemain mes petites habitudes, je me suis donc pris des amendes.

La première, je l’ai prise en allant au terrain de foot en pleine journée. Avec trois potes, on y allait tous les jours entre 13 heures et le soir. On y passait tout l’après-midi. Mes parents me disaient de ne pas sortir. Ils étaient en télétravail. Mais moi, je sortais quand même. Les premiers jours, on n’a pas vu la police. Mais un jour, on s’est fait contrôler. On n’a rien dit, on ne pouvait rien faire, et on savait qu’on avait tort. 135 euros. Celle-là d’amende, elle était justifiée. Mais les autres, non.

Je rentrais chez moi quand je voulais me reposer

Ma deuxième amende : j’étais chez un ami à moi. Tout le monde squattait chez lui. Je rentrais rarement chez moi. Lui avait une trentaine d’années donc il vivait seul. Il n’y avait pas ses parents. À mes parents, je disais juste que j’étais chez un pote à côté de la mairie.

Ils ne me disaient rien, ils ne sont pas chiants pour ça. Ils m’appelaient juste tous les jours pour savoir si ça allait et je rentrais de temps en temps, quand j’étais trop fatigué et que je voulais me reposer. Là-bas, on passait nos journées et nos nuits à… vous ne voulez pas savoir. Faut pas savoir.

Un jour, les gendarmes ont débarqué parce qu’on avait fait beaucoup de bruit la veille. Tapage nocturne. J’étais tout seul avec mon pote, les autres étaient partis. Je leur ai dit que j’étais confiné là. Ils n’ont pas cherché à comprendre : « Rentrez chez vous. » Bam, amende (comme c’était la deuxième, c’était plus de 200 euros). Le gendarme était tout content de m’en mettre une, ça se voyait. Je suis rentré chez moi mais, le lendemain, je suis reparti chez mon pote.

Ils ne m’ont rien dit, j’allais recommencer

Pour payer les amendes, mes parents ont pris les sous sur mon compte. Ils m’ont dit que ce n’était pas bien. Je me suis fait engueuler. Mais ils ne m’ont pas dit de rester à la maison. Ils savaient que je me serais barré quand même.

La fin du premier confinement a été un soulagement. Il faisait beau. C’était l’été. On se mettait au port. Alors quand ils ont annoncé le deuxième confinement, je me suis dit : « Ah noooon ! » Et je me suis tout de suite reconfiné chez mon pote. Je préférais ça à rester tout seul chez moi.

Confinements, couvre-feux, restrictions. Depuis le 15 mars 2020, l’État français a pris de nombreuses mesures pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. Dans une infographie, Les Décodeurs du Monde reviennent dessus.

J’ai une sœur, mais elle est petite, quatre ans de moins que moi. Je ne m’entends pas très bien avec. C’est une petite peste. Dès qu’elle peut rapporter quelque chose, elle le fait. En plus, elle a commencé sa crise d’ado il n’y a pas longtemps. Elle veut trop faire la femme. Donc impossible de rester enfermé avec elle.

Pendant le deuxième confinement, j’ai décroché

Au début du premier confinement, j’ai essayé de suivre les cours, mais ce n’était pas intéressant en visio. Autant qu’ils te donnent un livre ! Je n’ai même pas tenu une semaine. En septembre, je suis quand même rentré en première, mais j’ai lâché pendant le deuxième confinement même si il y avait cours au lycée.

Je restais avec mes potes plus âgés. Ils n’ont plus cours et, comme c’était le confinement, ils n’avaient plus de travail. Je les connais de la rue. Les jeunes de mon âge ne m’intéressent pas. Je suis bien avec les grands.

Ma troisième amende, je l’ai prise à même pas dix minutes derrière chez moi. Les policiers sont passés une première fois en me disant bonjour, du coup je me suis fait une attestation sur mon téléphone. Sauf qu’elle ne voulait pas se télécharger. Puis, ils sont repassés peu de temps après et m’ont mis une amende malgré mes explications. Plus je leur parlais, plus ça m’énervait.

Ils n’arrêtent que les jeunes

D’habitude, ils étaient sympas. Mais pas là. Tout ça crée beaucoup d’angoisse. Dès que tu sortais, fallait faire attention. Regarder constamment toutes les voitures sur la route.

Vers chez moi, ils n’arrêtent que les jeunes, alors qu’il y a plein de vieux dehors. Et c’est elles, les personnes qui peuvent être les plus touchées par le Covid-19. Aucune logique. Et puis ils n’ont que ça à faire à la campagne, à Libourne. Alors qu’en ville, c’est sûrement dix fois pire.

Abdel habite dans un cinquante mètres carrés avec sa famille, qui compte six personnes. Alors, pour ne pas étouffer, il considère que braver le couvre-feu est une nécessité.

Depuis la rentrée de janvier, j’ai repris les cours. Le pote qui m’hébergeait est en taule. Je ne le vois plus du tout. Je dors chez moi. Mais rentrer au couvre-feu, c’est trop tôt ! Vivement que tout ça se finisse.

 

Romain, 17 ans, lycéen, Libourne

Crédit photo Unsplash // CC Kate Kalvash

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