Chef d’entreprise, c’était trop de sacrifices

Fin 2014, à la fin de mes études et après avoir rencontré des difficultés pour trouver mon premier emploi, j’ai décidé de créer mon entreprise. Mon rêve était alors d’ouvrir sur Lille un lieu convivial, hybride, qui réunirait deux de mes passions : une librairie-salon de thé.

Je n’ai pas vraiment rencontré de difficultés pour réaliser ce rêve. Tout est allé très vite (moins d’un an !) et en septembre 2015, Andy & Marcel a ouvert ses portes.

Créer son entreprise, c’est aussi créer son emploi. La question de la rémunération était donc très importante pour moi, d’autant plus qu’un tel projet implique nécessairement un certain engagement financier.

De mon côté, j’ai contracté un prêt bancaire et deux prêts d’honneur, ce à quoi il a fallu ajouter un apport personnel.

J’espérais donc que le concept marche et que je puisse me rémunérer et embaucher à la fin de la première année d’activité. C’était mon objectif.

Un démarrage en trombe

Andy & Marcel, à son ouverture, a tout de suite reçu un accueil favorable. Le concept intriguait, j’étais très sollicitée à droite et à gauche pour de nombreux événements (dédicaces, événements hors les murs). Je n’ai reçu que des avis positifs sur les réseaux sociaux. Les clients aimaient la sélection des titres de littérature graphique, l’ambiance du lieu… Ce qui m’a le plus étonnée, c’est la relation qui s’est tout de suite instaurée avec les clients. J’avais beaucoup d’habitué(e)s qui pouvaient venir plusieurs fois par semaine. Certains venaient aussi me présenter leur famille, les parents, les cousins. Les relations étaient très fortes.

C’était véritablement la folie !
 Au bilan des six mois d’activité, j’étais ravie.

Mon expert-comptable m’annonçait des petits bénéfices, ce qui me rassurait beaucoup dans l’optique d’atteindre mon objectif !

Pourtant, j’ai découvert le métier de chef d’entreprise, de libraire et de commerçant sur le tas. Je n’y connaissais au départ pas grand-chose.

Ayant étudié l’histoire de l’art à l’université, j’ai beaucoup travaillé pour rattraper mon retard.

Ce que je pensais être un inconvénient s’est au final révélé être une force. J’avais un regard différent sur le métier, ce qui m’a sans doute permis de proposer des choses inhabituelles aux clients, comme la fois où l’on a proposé une « Silent Reading Party », concept de lecture original tout droit venu de NYC !

Une réalité bien plus compliquée qu’espéré !

Mais en mai 2016 : retour sur la planète terre. J’étais littéralement épuisée. Je me rendais compte que je sacrifiais énormément pour l’entreprise et que malgré moi, mon entourage en était impacté.
Je pensais qu’on pouvait créer son entreprise toute seule, mais la réalité est toute autre. Je demandais beaucoup à mes proches et à mon copain tout particulièrement, car en travaillant six jours sur sept, je n’étais absolument pas présente. Impossible de se prévoir des journées pour visiter des expositions ou pour partir à la mer comme on en avait l’habitude. Nous n’avions aucun jour de repos en commun !

Sans parler du fait de rentrer complétement épuisée, incapable de sortir voir des amis ou de se rendre au cinéma…

C’était très difficile. Alors j’ai commencé à remettre beaucoup de choses en question, notamment ce fameux bilan des six mois qui s’est révélé avoir été enjolivé. L’objectif de la rémunération et de l’embauche : subitement envolé. Premier coup dur.

Je me suis alors posé cette question : « Est-ce que l’on m’a bien conseillée lors de la mise en place de mon projet ? »

Je n’y connaissais pas grand-chose alors évidemment, en préparant l’ouverture de ma librairie, j’ai eu l’impression d’apprendre beaucoup, car tout était nouveau pour moi. Je me sentais pleine de force. Et pourtant…

J’ai rencontré de nombreux entrepreneurs après m’être lancée et aucun d’entre eux ne pouvait se verser de rémunération. Certains étaient pourtant dans leur quatrième année d’exploitation !

Tous cherchaient des conseils, des astuces pour faire baisser les charges, et notamment ce fameux RSI…

Enceinte et chef d’entreprise ? Impossible…

De mon côté, en juillet 2016, j’ai décidé de changer d’expert-comptable sur les conseils d’autres entrepreneurs (le premier m’avait été conseillé par les conseillers d’aide à la création) et j’ai fait appel à un cabinet de conseils pour m’aider à développer mon entreprise, à prendre les bonnes décisions, à recentrer mes efforts.

J’étais donc pleine d’espoir pour cette deuxième année d’activité, qui s’est révélée être pleine de surprises, car en septembre 2016… J’ai appris que j’étais enceinte !

Aujourd’hui, je suis à deux semaines de mon accouchement et Andy & Marcel est fermé depuis fin février 2017… définitivement.

Gérer toute seule son entreprise en étant enceinte est évidemment très compliqué. Je ne pouvais plus ouvrir six jours sur sept, je ne pouvais plus non plus multiplier les événements, ni porter les gros cartons de livres. Servir les clients, faire les courses pour le salon de thé, tout cela est devenu très compliqué au fil des semaines, d’autant qu’il était aussi très important de faire diminuer le stress. Et puis, il y avait la question de la rémunération… Plus importante que jamais.

Je me suis renseignée auprès du RSI, pour savoir si j’avais le droit à des aides pour me faire remplacer, si j’avais le droit à un congé maternité. Il s’est révélé que je n’avais le droit… à rien. Enfin, presque rien. Comme l’entreprise ne pouvait pas me rémunérer, le RSI ne pouvait pas m’indemniser au-delà du plafond minimum (un peu moins de 400 euros) et il se trouve que je n’avais pas le droit non plus à des indemnités pour me faire remplacer.

La fermeture… et le soulagement

En sachant cela, il était compliqué d’envisager un avenir pour mon entreprise. J’ai donc fait le choix d’arrêter, de vivre pleinement ma grossesse et d’envisager une nouvelle vie professionnelle après la naissance.

Je ne sais pas encore ce vers quoi je vais me diriger, mais je pense que rien n’arrive par hasard alors qui sait ? Je ne suis peut-être pas au bout de mes surprises.

Aujourd’hui, la procédure de fermeture est en cours et j’ai pu pouvoir dire « stop » sans que cela n’implique beaucoup de choses de mon côté.

Je suis fière de mon parcours et je ne regrette pas d’avoir lancé Andy & Marcel. Je pense que cette expérience sera très positive pour la suite, même si je ne souhaite pas me relancer dans la création d’entreprise.

Fermer la boutique a été un véritable soulagement, le plus dur a été de l’annoncer aux habitués… Je me sens un peu égoïste aujourd’hui, car je suis heureuse de cette fermeture. J’ai l’impression de m’être extirpée d’un univers impitoyable où l’on ne maitrise finalement pas grand-chose…

Marie-Charlotte, 27 ans, Lille

Crédit photo Gratisography