Handicap : silence ça baise !
Je viens de passer les concours d’éducateur spécialisé. Cela fait deux ans que je suis sûre de vouloir faire ce métier. J’ai fait mon premier stage en IME (Instituts Médicaux Educatifs) avec un public ado atteint d’un handicap mental plus ou moins sévère. J’avais 20 ans et je ne savais pas encore comment me placer en tant que stagiaire, comment me présenter. J’avais la chance d’avoir un caractère plutôt social et de n’avoir pas peur de poser beaucoup (beaucoup, beaucoup) de questions. Mais il y a un sujet qui semble tabou : la sexualité !
Comment expliquer la sexualité à une personne en situation de handicap?
Une des premières choses dont on m’a parlé a été de faire attention à ce qu’un garçon ne parte pas dans les toilettes avec une fille, car il y avait des histoires d’attouchements. On ne leur en parle pas, on ne leur explique pas, parce qu’ils sont « différents »… Alors ils explorent par eux-mêmes et souvent, de la mauvaise manière. Mais comment expliquer la sexualité ? Déjà à un ado c’est compliqué, mais quand en plus ils sont en situation de handicap et que toi-même tu ne sais pas vraiment encore te l’expliquer… Au secours ! Comment aborder une ado de 15 ans qui a une grosse tâche de sang due à ses règles parce qu’elle n’est pas autonome sur l’hygiène ? Comment expliquer les différences de sexes et d’orientation sexuelle ? Ou tout simplement ce qu’est un couple ?
Deux ans plus tard, j’ai été animatrice en séjour handicap adultes. Je suis partie deux semaines. En amont, nous avons participé à une journée de formation. Nous avons abordé la question de la sexualité et des couples. J’y ai appris que les couples sont autorisés, mais ne dorment ensemble que sur autorisation des parents. Si un couple se forme sur un séjour, il est interdit pour eux de dormir ensemble. Je ne comprends pas.
Normaux… sauf au lit
Dans le handicap, la sexualité et les relations intimes sont des sujets tabous. On nous dit que ce sont des personnes comme tout le monde, qu’il ne faut pas marquer la différence, mais on le fait quand même parce que vous comprenez, si la jeune femme tombe enceinte… Eh bien c’est pour notre gueule.
On ne leur explique pas. Ils sont dans l’incompréhension et moi aussi.
Posty aussi aimerait des explications ! Lycéen, il aimerait parler de sexe plus sérieusement avec quelqu’un d’expérimenté comme un sexologue.
J’estime qu’ils ont le droit à la prévention et que non, la sexualité n’est pas un sujet tabou dans le handicap, bien au contraire.
On est confronté à beaucoup de choses durant ces séjours, on voit des amourettes, les premiers émois et c’est beau. On se retrouve aussi face à des choses un peu plus intimidantes comme la fois où un jeune adulte se masturbait dans la rue. On ressent aussi le regard des autres sur ces personnes… et les moqueries. Et on éprouve de la colère.
Je conseille à tous ceux qui hésitent à faire des séjours de sauter le pas, car je n’ai jamais autant appris sur l’humain et sur moi-même qu’à ce moment-là.
Rose, 22 ans, volontaire en service civique, Perpignan
Crédit photo Adobe Stock
tout d’abord bon raisonnement beau sujet c’est effectivement anormal d’interdire à deux humain de s’aimer (hormis la pedophilie)
pour en conclure @pierre je suis moi même handicapé physique j’ai 17 ans et je t’emmerde cordialement
Bonjour Rose et merci pour ce témoignage ! Avec mes camarades de l’Ecole de journalisme de Grenoble, nous avons réalisé un webdoc sur les accompagnants sexuels des personnes en situation de handicap (https://www.vice.com/fr/article/ywgvmm/avec-les-accompagnants-sexuels-francais). L’objectif était de se confronter aux tabous qui entouraient ce thème : la sexualité bien sur, mais aussi le handicap et les relations tarifées entre autres.
Si le coeur t’en dit, peut être que tu trouveras quelques pistes pour aborder la question 🙂
Bonne lecture !
Marie-Amélie
@Light dys : bonjour, je fais partie de la rédac’ de la ZEP et on serait super intéressés d’avoir ton/tes histoires à toi si le coeur t’en dit !
Si ça t’intéresse, on peut échanger par mail : elliot@la-zep.fr
N’hésites pas !
Salut !
Si le cœur t’en dit, pour te rendre compte de la réalité à l’extérieur des institutions, tu peux aller voir sur internet: de nombreux forums de discussions sur le handicap permettent de communiquer avec des personnes handicapées et beaucoup sont contents de dialoguer avec qui s’intéresse à leur quotidien. Il y a aussi des chaînes Youtube. Bonne continuation à toi aussi !
Salut, merci de vos réactions à mon article. Je ne m’y attendais pas.
Pour répondre à ton commentaire light dys, pour l’instant je ne connais que les institutions mais j’espère pouvoir voir d’autre chose au cours de ma carrière 🙂
En tout cas ta réaction m’a beaucoup plu et je t’en remercie.
Je pense encore et j’espère que cela évoluera dans le futur mais pour l’instant je pense que les gens ont du mal à accepter les différences. Comme ils la voient et la ressentent, ils ne cherchent pas forcément à trouver des solutions. J’ai pris l’exemple de la sexualité mais il n’y a pas que cet exemple.
J’espère encore voir les choses évoluer et te souhaite une bonne continuation. 🙂
Pierre, elle est bizarre ta phrase, je sais pas si tu t’en rends compte… 😉
Il faut beaucoup aimer le bonheur pour aimer le bonheur des autres…
Alors pour aimer le bonheur des handicapés…
Salut !
D’abord, bravo pour ton projet !
Ton témoignage m’interpelle car je suis handicapée mais je n’ai jamais été dans une institution spécialisée (heureusement!), j’ai fait toute ma vie au milieu des valides (études, sport…enfin tout).
Et j’en suis très heureuse, car, je ne sais pas si tu le sais, mais pour la majorité des personnes handicapées qui ont eu la chance et les capacités d’y échapper, l’institution représente un ghetto . Oui, je sais, ça fait caricatural dit comme ça. Mais ton témoignage en est la preuve ; là-dedans, on ne tolère même pas la sexualité et l’amour des personnes. Et je ne parle même pas du fait que c’est totalement stigmatisant que les personnes restent toujours entre elles. Je ne parlerai pas non plus du fait que les progrès scolaires et les études sont gravement compromis dès que tu te retrouve dans ces structures, ni du fait que plein d’enfants qui auraient la capacité de rester dans le cursus « normal » y sont envoyés de manière totalement abusive ,juste parce qu’on ne veut pas s’adapter et qu’on trouve normal qu’ils restent à l’écart. C’est dégeulasse mais ce n’est pas le sujet.
Ce qui m’étonne, en revanche, c’est que les éducatrices spécialisés ne semblent avoir qu’une vision partielle du handicap. Je veux dire, as-tu déjà rencontré des personnes handicapées hors des institutions? As tu déjà vu comment vivait les personnes handicapées hors de ces ghettos? Parce que, dans ce cas là, ça peut être très différent. Il y a pas mal de personnes handicapés en dehors des murs de l’institution qui peuvent avoir une vie amoureuse et sexuelle relativement plus épanouie.