Diego Y. 28/02/2018

C’est la juge qui décidera de mon avenir

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Quand Diego été placé en foyer, il a dû changer de collège. Fini le XVIIIème, direction le XVIème. Il fait tout ce qu’il faut pour rentrer chez lui. Mais pour ça, il lui faut l’autorisation du juge.

J’habitais avec mes parents à Paris dans le 18ème. Ça m’arrivait souvent de sécher les cours pour rester chez moi. Je disais à ma mère, avant qu’elle parte au travail : « Je commence à 9h » et bien sûr, elle répondait : « Je te fais confiance » . Mais je n’y allais jamais. Je détestais les cours, surtout les profs.

Quand elle s’apercevait que j’avais menti, alors j’y allais… Je n’avais pas envie qu’elle appelle mon père pour lui dire. Sinon ça aurait bardé. Ils ont divorcé quand j’étais petit et il est parti s’installer ailleurs… C’est là que j’ai commencé à faire ce que je voulais : jouer à mes jeux vidéo et rester à la maison.

C’est à cause de mes problèmes scolaires que, pour me faire peur, ma mère m’a dit : «  Si tu n’y vas pas, tu iras à l’internat ! »  Mais elle ne savait pas que le foyer c’était comme ça, elle pensait que c’était surtout de l’aide aux devoirs. Mon père, lui, n’était pas d’accord.

L’année dernière, je suis allé voir le juge des enfants et, pour la première fois, il n’y avait pas mon père ni l’éducatrice qui me connaissait bien. Il y avait juste ma mère et une remplaçante que je n’avais jamais vue de ma vie. Ce jour-là, la juge a décidé de me mettre dans un foyer. Elle m’a dit que c’était provisoire, pour six mois. Ça fait déjà un an…

Je suis rentré chez moi, j’étais triste et en colère, les deux à la fois. Je ne voulais pas y aller ! Je ne pensais qu’à ça et j’avais plein de questions.

Tout a changé en très peu de temps : j’ai changé de lieu où je dormais, je ne voyais mes parents que le week-end, j’ai changé de collège… La seule chose que je voulais, c’était rentrer chez moi ! Avec du recul, j’ai essayé de me dire que c’était juste pour m’aider.

Là-bas, il y a plein de règles, il faut tout faire bien : il faut se coucher à l’heure, il faut pas faire de bêtise, il faut respecter les autres.

Et je continue à aller au collège, mais dans le 16ème arrondissement !

Je ne dis à personne que je suis là

Dans le 18ème, j’aimais bien car j’étais avec mes potes et on s’amusait. Mais je faisais n’importe quoi. Dans certains cours, je parlais, j’étais sur mon téléphone, je criais. Je commençais à me battre, dehors.

Au début, dans le 16ème, c’était un peu pareil qu’avant : je continuais à faire des bêtises. Mais dans ce nouveau collège, la discipline est beaucoup plus stricte. Les profs sont chiants, pas tous mais la majorité, ils parlent en ancien français ! Les élèves ont beaucoup d’argent donc ils se la pètent.

Un gars il a une veste PJS à 900 €, un IPhone X à 1000 €, une Apple Watch, des Vapor Max. Mais au fond, c’est une chochotte qui se cache derrière son fric et qui traine qu’avec des riches. Au lycée Molière, on est 1700. Dans l’ancien, on était 300. Y avait plus de gens que je connaissais.

Le passage du 18ème au 16ème m’a un peu forcé à me calmer car je veux rentrer chez moi. Au collège, ça se passe bien mais à la MECS (Maison d’Enfants à Caractère Social) y’a encore des problèmes…

Je fugue pour aller voir mes potes ou aller faire du vélo, j’ai envie de sortir, manger dehors, pas tout le temps manger à la MECS ! Quand je sors du foyer, je retrouve ma vie normale ! D’ailleurs, je ne dis à personne que je suis là. Mes potes du 18ème, mes cousins, je leur dis pas. Je dis juste que ma mère m’a placé dans un collège un peu éloigné et que j’ai plus trop le temps de me connecter sur les jeux vidéo.

Au foyer, on me dit : « Comporte-toi bien au collège » , mais ce n’est pas eux qui décident quand je vais rentrer chez moi. C’est le juge pour enfants. Elle peut tout changer quand elle veut. Je vais la revoir bientôt. Je ne sais pas trop ce qu’elle va me dire : peut-être que je pourrai rentrer chez moi, peut-être que rien ne changera, peut-être que y’a des jours où je serai au foyer et d’autres à la MECS. Tout ce que je sais maintenant, c’est que le juge décidera de mon avenir.

Diego, 13 ans, collégien, Paris

Crédit photo Allociné // © Wild Bunch Distribution

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