Sur la plage… avec les migrants
J’avais 10 ans lorsque j’ai posé ma première question sur la situation migratoire à mes parents. Nous étions en vacances dans un lieu très symbolique : Pozzalo, ville d’arrivée des bateaux de fortune.
J’allais souvent en vacances en Sicile avec ma famille. Mes parents adorent cette région, mes deux sœurs et moi y étions donc déjà allées, notamment à Lampedusa quand nous étions plus petites. La première étape de notre voyage, c’était Pozzalo. Avec ma famille, nous dormions dans un hôtel en dehors de la ville. Nous allions en ville le soir, pour dîner.
C’est le second soir que j’ai aperçu des migrants dans la rue. J’en avais déjà vus dans quelques vidéos à la télévision locale, mais en vrai, c’est différent. Ils marchaient mais ils n’avaient pas l’air d’être là en vacances. Ils avaient des habits abîmés, pas d’affaires, ils n’étaient pas lavés et avaient l’air fatigués. Au début, je croyais que c’était des SDF. Mais je trouvais ça étonnant qu’ils soient en famille. Il y avait le père, la mère, les enfants et même une grand-mère. Et en France, les SDF que je vois sont plutôt tout seuls dans la rue.
Une ville coupée en deux
Le lendemain, j’ai vu des bateaux orange, comme des bateaux de sauvetage. Ils étaient au loin, en train d’arriver. On est partis du restaurant avant qu’ils ne se rapprochent pour accoster. Dans la voiture en rentrant à l’hôtel, j’ai demandé à mes parents qui étaient ces gens dans le bateau. Ils m’ont expliqué que c’était des migrants, des gens qui venaient en Italie parce qu’il y avait des problèmes dans leurs pays.
Quand j’y repense aujourd’hui, je comprends un peu mieux cette « situation ». Ce qui me frappe surtout, c’est les deux côtés de cette petite ville sicilienne. D’un côté, il y a la station balnéaire où je passais mes vacances et de l’autre, il y a les migrants, qui arrivent peut-être d’un pays en guerre et qui ont traversé la mer pour être ici.
Mon regard a changé depuis ce voyage. Pour moi, cette ville était un lieu de repos, de vacances et de détente. Pour ces gens, c’était le commencement. Le point de départ de leur nouvelle vie, d’où tout allait partir. D’un côté, c’était aussi un point de départ pour moi, la première fois que je commençais à comprendre cette situation.
Après mes vacances, de retour en France, j’ai vu à la télévision un reportage sur Pozzalo et l’arrivée des bateaux de fortune. J’ai reconnu la plage où, quelques mois plus tôt, je me baignais avec ma famille.
Alix, 14 ans, collégienne, Paris
Crédit photo Flickr // CC Oxfam International