À l’hosto pour ados, des amies pour la vie
J’avais 13 ans quand j’ai attrapé la tuberculose. À l’époque, je ne connaissais même pas cette maladie. Quand le diagnostic est tombé, j’ai cru que j’avais une sorte de cancer vu le regard inquiet du médecin. Comment j’ai fait pour attraper cette maladie qui n’existe pratiquement plus en France ? Aucune idée. Tout ce que je sais, c’est que j’ai passé un an de ma vie à l’hôpital.
J’ai d’abord passé un mois à l’hôpital Trousseau à Paris, dans le 12e arrondissement. C’est un hôpital pour enfants, mais comme j’étais contagieuse, je n’avais personne à qui parler, sauf les médecins et les infirmières qui me réveillaient à 6h pour me donner dix comprimés infects, me faire des prises de sang ou me peser.
Je n’avais qu’une envie, c’était de partir. Mais dans cet hôpital, j’ai rencontré une autre fille, Clotilde, avec qui je m’entendais bien. Rapidement, elle a été transférée dans une clinique pour adolescents dans le 16e arrondissement. Hors de question que je reste seule à Trousseau, j’ai donc demandé à la suivre.
Faire des activités pour ne pas penser à la maladie
Là-bas, il y avait une salle où tous les ados se réunissaient, pour jouer au billard, au babyfoot, à la PlayStation. C’est là que je me suis fait des amies. Les ados venaient de partout : de Dijon à la Réunion, en passant par Tahiti. On avait des pathologies différentes : insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, obésité, diabète, cancer, leucémie, accident de voiture. Il y avait de tout. La plus jeune avait 10 ans, elle avait un cancer. Malgré ça, je ne l’ai jamais vue se plaindre. Ses parents lui avaient acheté une perruque qu’elle ne quittait jamais. Après avoir vu toutes ces maladies, je ne me suis plus jamais apitoyée sur mon sort.
Le soir, il y avait aussi des sorties organisées par les animateurs (laser game, cinéma…) après les cours. Car oui, j’avais des cours, dans un autre bâtiment, certes petit, mais suffisant pour faire lycée, collège et exceptionnellement, primaire.
Garder confiance, ensemble
On était une bande de jeunes, une famille qui ne voulait pas être considérée comme malade. On n’avait pas besoin de la pitié des gens. On vivait notre maladie et notre quotidien à notre manière : courses-poursuites de chaises roulantes, conflits, couples, amitiés… On ne se sentait pas à l’hôpital, on rigolait ensemble, on mangeait ensemble, on sortait ensemble.
On était tous égaux et rien ne ressemblait à un hôpital. Les choses qui nous faisaient revenir à la réalité, c’était la mort d’une amie. C’était brutal, mais on devait continuer à vivre nos vies pleinement pour eux, et garder confiance.
Je suis restée un an à l’hôpital et j’en ai vu passer des gens, des parcours, des histoires… Cette expérience m’a fait grandir, je me suis forgé un caractère, et je me suis fait des amies pour la vie. Encore aujourd’hui, malgré la distance, on reste unies.
Deborah, 19 ans, étudiante, Paris
Crédit photo © Margaret Nagle, Albert Espinosa // Red Band Society (série, 2014)