J’ai réussi à sortir d’une amitié toxique
C’est difficile de s’attacher à quelqu’un, puis de couper les ponts du jour au lendemain. C’est ce qui s’est passé pour moi. Je me suis rendu compte après trois ans d’amitié que j’étais dans une relation amicale toxique.
Je redouble ma terminale L en 2015, tous mes amis ont leur bac et la plupart partent faire leurs études dans les quatre coins de la France. Je me retrouve « seule » dans ce petit lycée hors-contrat à Versailles. C’est une période assez difficile car mon père est décédé et je n’arrive pas à m’en remettre. C’est dans ce lycée que je rencontre Charlotte. Elle est dans la même situation que moi. Elle habite pour l’année scolaire chez son père avec qui elle ne s’entend pas très bien. On passe notre temps ensemble. Je vais chez elle après les cours et le week-end, on va à Paris, on se fait des cinés, des restos. Elle me fait du bien, elle me sort de mon cocon. On se confie, on se parle tout le temps par messages. Je me sens importante, je suis là quand elle a besoin de moi et vice-versa. Je me sens moins renfermée. Bref, on devient très vite meilleures amies.
Été 2016, on a enfin toutes les deux notre bac. Je passe le mois d’août à Cannes dans l’appartement de famille. Sa mère décide de prendre un hôtel pour une semaine à côté. On se voit toute la journée à la plage, on est enfin libérées du lycée.
Dans Respire de Mélanie Laurent, deux jeunes filles à l’amitié passionnelle finissent par se faire souffrir. Un écho à la beauté et aux dangers de l’amitié. (Dispo sur Netflix !)
À la rentrée, Charlotte déménage à Paris pour ses études, c’est plus pratique pour elle. Moi, je rentre en première année de lettres modernes à l’université de Nanterre, mais je suis encore à Versailles. Petit à petit, on fait de nouvelles rencontres et on se voit de moins en moins. Mais, on se parle quand même tout le temps par messages. En fait, je me rends compte qu’on se voit seulement lorsqu’elle n’a pas d’autres plans. Même quand je suis avec elle, j’ai l’impression qu’elle s’intéresse moins à moi. L’important, c’est de parler d’elle. Et puis, il faut toujours que je fasse comme elle veut et que j’aille dans son sens, sinon elle s’énerve. Je prends sur moi parce que c’est ma meilleure amie.
On va enfin retrouver notre complicité !
Jusqu’au moment où j’en ai marre. On est au mois de mai et je me dis que ça suffit. Je décide de ne plus répondre à ses messages et de prendre mes distances. La voir m’énerve plus qu’autre chose. Je suis triste et elle ne comprend pas. Elle continue à m’envoyer des messages, me dit que je lui manque et je culpabilise de ne pas répondre, j’ai peur de lui faire du mal. C’est dur parce qu’au fond, moi aussi elle me manque. Je ne peux pas couper les ponts comme ça ! Alors au début de l’été, je craque. On se revoit et cela redevient comme avant. Du coup, sur un coup de tête, je l’invite à Cannes trois semaines. On va enfin retrouver notre complicité !
Au début, à Cannes, tout va bien, on sort, on rigole… Mais, très vite, je me rends compte que mes parents l’énervent et quand on passe des moments avec eux, elle devient irritante et froide. Elle plombe clairement l’ambiance. Je commence à regretter de l’avoir invitée. Un jour, on va à Saint-Tropez et mon beau-père lui fait une remarque qu’elle n’aime pas. La journée est plombée à cause d’elle. Quand on rentre, je prends son portable pour regarder les photos de la journée pendant qu’elle prend sa douche et je vois apparaître un message de sa mère marqué « c’est à cause de sa mère ». Je suis intriguée et je décide d’aller voir la conversation. Et là, gros choc. Elle se plaint de ne pas être assez libre, de ne pas aller à la plage, elle parle mal de mes parents et me critique. Sur le moment, je ressens du dégoût, de la haine. Elle est en vacances à Cannes et elle se plaint auprès de sa mère. J’hallucine. Comment elle peut être aussi hypocrite ? Et surtout, comment réagir ? M’énerver ? Faire comme si de rien n’était ? On doit passer encore trois semaines ensemble et on a déjà pris nos billets pour Perpignan. Je prends encore sur moi. Je ne dis rien.
Avec du recul, je ne sais pas comment j’ai fait. Elle a foutu en l’air mes vacances d’été. Ça a été un déclic. Elle n’était pas sincère et profitait de moi. J’ai ressenti ça comme une trahison. À la rentrée, elle a essayé de me reparler mais je ne répondais plus à ses messages. Après deux mois, je suis allée la voir : je ne pouvais pas garder tout cet énervement en moi. J’ai décidé de rompre cette amitié qui me rendait plus triste qu’heureuse. Couper les ponts a été dur parce que on a passé de bons moments ensemble, mais je n’ai pas digéré cette trahison. Depuis lors, je ne lui parle plus, je ne la vois plus. Je me sens comme libérée.
Eleonore, 21 ans, étudiante, Versailles
Crédit photo © Jérôme Plon et Alice Dardun – MOVEMOVIE // Respire de Mélanie Laurent (film, 2014)