Elise B. 25/03/2019

Je ne me suis jamais sentie aussi femme qu’avec le crâne rasé

tags :

À Berlin, un jour de 2016, Elise a laissé sa coloc lui raser le crâne. Un changement de coupe qui l'a aidée à s'épanouir.

J’ai rasé mon crâne pour la première fois en mai 2016. C’est ma coloc qui l’a fait. J’ai pris cette décision de manière un peu impulsive, sans trop me faire de nœuds au cerveau. J’étais dans ma chambre, en plein délit de rêvasserie alors que j’étais censée travailler. Je pensais au piercing que je voulais me faire à l’oreille - un conch -, à mes cheveux longs qui ne le mettraient pas assez en valeur, et l’idée m’est venue de les raser pour résoudre le problème. Ni une, ni deux, j’ai déboulé dans la chambre de ma coloc, Edith, et je lui ai demandé si elle avait le temps de le faire. Elle m’a répondu un grand : « OUIIIIII ! »

Elles m’ont convaincue en deux secondes

Elle en rêvait depuis des mois. Quand elle est venue me chercher une dizaine de minutes plus tard, mon élan de témérité s’était transformé en des : « Tout compte fait, je sais pas », « Bon, peut-être pas trooop court non plus ». Je ressentais un mélange de peur face à ce changement radical d’apparence et d’appréhension que ça ne m’aille pas, que la forme de mon crâne ne soit pas si gracieuse que ça. Pour le reste, je m’en foutais un peu. Quitte à susciter des réactions négatives, je me disais que ça ferait plus vite le tri entre les haters et les autres. 

Elle a mis deux secondes à me convaincre, avec quelques-unes de ces phrases dont elle avait le don et qui dédramatisaient tout : « Allez, tu m’as fait venir, maintenant, c’est trop tard », « Quitte à couper court, autant y aller à fond ». La minute d’après, on était dans la salle de bain, ma tête dans une de ses mains, la tondeuse dans son autre main, réglée au cran quatre ou cinq millimètres. Elle était aux anges, en me disant que ce n’était pas tous les jours qu’elle avait l’occasion de faire tomber sur le carrelage une trentaine de centimètres de cheveux ! Mon autre coloc, Anne-Marie, arrivée au milieu de la scène, s’est mise à pousser des cris en filmant avec son téléphone. Edith et Anne-Marie qui exultaient, mes cheveux par terre… J’avais l’impression de vivre un moment spécial, un rite de passage entre les mains de deux femmes hyper inspirantes.

Le lendemain, je suis sortie dehors pour la première fois avec ma nouvelle coupe. Je sentais le vent qui caressait mon crâne et le soleil qui le chauffait en pédalant. C’était complètement nouveau et c’était grandiose ! C’est difficile à expliquer et ça semble exagéré dit comme ça mais, dans la rue et sans cheveux, je me suis sentie renaître.

« Fous-toi la paix ! »

À ce moment-là, j’avais 23 ans, je vivais à Berlin depuis un an et demi et dans une colocation queer depuis six mois. En y aménageant, mon environnement et mon entourage ont beaucoup changé, et moi avec. Jusqu’en 2015, j’étais une étudiante un peu réservée, qui cherchait à s’affirmer, mais timidement : cheveux longs avec un quart du crâne rasé à 20 ans, le même sidecut sur coupe au carré à 21 ans, et frange dessinée jusque derrière les oreilles jusqu’à ce jour de mai 2016. J’aimais jouer avec mon style et mes cheveux, mais j’y allais à petits pas. Autour de moi, je n’avais pas trop de modèles de femmes qui sortaient de l’ordinaire, mis à part une amie qui me fascinait ou des inconnues aperçues sur Tumblr mais qui me semblaient bien loin de mon quotidien.

Dans mon nouveau chez moi en revanche, l’exception était devenue la règle. Mes nouvelles colocs étaient différentes de la plupart des femmes que j’avais eu l’habitude de côtoyer de près jusqu’alors. Toutes les deux avaient des personnalités très affirmées. Edith avait les côtés et l’arrière de la tête rasés et les cheveux un peu plus long au sommet, elle ne s’épilait pas et portait des vêtements de cycliste de toutes les couleurs. Elle était rentre-dedans et très à l’écoute en même temps. Anne-Marie était une femme trans, elle venait d’arriver à Berlin pour commencer son traitement hormonal et était en pleine période de chamboulement. Elle avait des cheveux mi-longs teintés blond, portait du rouge à lèvre rouge et peignait ses longs ongles en noir. Comme Anne-Marie était étudiante, Edith à mi-temps et moi en freelance, on passait toutes une bonne partie de notre semaine à la maison et on a fini par se connaître par cœur et à tout débriefer en permanence.

Super docu sur le sujet ! De jeunes femmes féministes et rasées racontent leurs expériences. English only !

Edith m’a permis de comprendre qu’une femme arborant des attributs communément associés à la masculinité n’était pas masculine pour autant, mais tout aussi féminine qu’une femme qui laissait pousser ses cheveux et portait du rouge à lèvres. Et surtout, que ce qui comptait dans le manière d’exprimer son genre, c’était son propre ressenti.

Et puis au-delà de nos quatre murs, Edith m’a fait découvrir le Schwuz, le mythique club queer de Berlin, et j’allais de temps en temps, avec elle ou des ami.e.s, au Silver Future et au Südblock, deux bars queer et lesbiens. À côté du comptoir du Silver Future, il y a une pancarte sur laquelle on peut lire : « Congratulations, you just left the heteronormous sector. » 

Je sortais beaucoup et dans ces bars, dans ces soirées et dans la rue, je voyais des femmes aux cheveux rasés ou qui dansaient torse nu, des hommes avec du vernis, des paillettes et des talons, et des drag-queens et drag-kings qui jouaient de tout ça. Tout semblait possible. Dans une de ces soirées, j’ai rencontré un mec bi et féministe qui a achevé de me convaincre moi-même de m’exprimer comme je l’entendais. Trois semaines après notre rencontre, on est partis en Grèce faire du camping. Avant de prendre l’avion, je ne savais pas si je pouvais prendre un rasoir dans mon bagage à main pour m’épiler là-bas et ça me travaillait. Il m’a dit que si je m’en préoccupais pour lui, je pouvais laisser tomber. À l’aéroport pour rentrer à Berlin, il m’a dit au détour d’une conversation : « Fous-toi la paix ! » Une fois chez moi, je ne me suis pas épilée et une semaine plus tard, je me rasais la tête.

Ce corps, c’est vraiment le mien

On m’a plusieurs fois demandé pourquoi j’avais fait ça, mais sur le moment, je ne savais jamais trop quoi répondre à cette question. Je disais simplement que je trouvais ça beau et que je me préférais comme ça qu’avec des cheveux. Plus que le « pourquoi », ce sont les effets que ce changement a eu sur moi qui m’ont semblé fous et inattendus : je me sentais plus rayonnante et puissante avec cette apparence, et comme j’étais mieux dans ma peau, j’avais plus de confiance en moi. Plus besoin de penser à mes cheveux le matin en me préparant, je me suffisais à moi-même, sans eux. Et, dans le miroir, je découvrais une forme de mon corps que je n’avais jamais vue et que je trouvais belle et harmonieuse. Je connaissais désormais mon corps dans son intégralité et ça m’a fait dire : « Ok, je le maîtrise complètement, jusqu’à mes cheveux. Ce corps, c’est vraiment le mien. » Et puis, se promener avec le crâne nu me semblait être un symbole tellement fort d’affirmation d’une féminité différente de celle attendue que la peur du regard des autres que je pouvais encore avoir se réduisait comme peau de chagrin ; en accéléré. 

Bien sûr, ça ne laissait pas tout le monde indifférent. Certains m’ont abordée pour me dire qu’ils adoraient, d’autres pour me demander si j’avais une maladie (dans une station de métro !) ou si j’étais lesbienne (de but en blanc, alors que je n’avais rien demandé et que ça ne les regardait pas). Mais la majorité des gens semblaient n’en avoir rien à faire ou ne laissaient rien paraître.

Pour Raki, pouvoir changer de coupe comme elle le souhaite c’est une forme de liberté, et un moyen d’exprimer sa personnalité ! « Mes cheveux c’est un jeu »

L’absence de jugement dans le regard de la plupart de ces inconnu.e.s et de mes proches qui vivaient à Berlin (mes colocs, mes ami.e.s, mes amours, mon oncle) a été extrêmement libérateur : je pouvais faire mes choix personnels, sans me prendre la tête, et je n’avais plus besoin de me poser mille questions sur mon apparence, mes vêtements, ma manière de m’asseoir ou de parler. C’était en fonction de mes goûts, et non de mon genre et de mon orientation sexuelle. Je suis restée rasée plus d’un an et aujourd’hui je dépasse rarement les 3-4 centimètres de cheveux.

Quand, avec mon oncle, on se retrouvait pour dîner, il me disait quelques fois : « Tu te plais beaucoup à Berlin, n’est-ce pas ? » Parce qu’il me voyait changer et remarquait qu’à travers ces changements, je m’épanouissais.

Elise, 26 ans, volontaire en service civique, Paris

Crédit Photo © OMG SHE’S BALD – Charnah Ellesse

Partager

9 réactions

  1. Coucou les filles,

    J’avais très envie de revenir vous partager un peu mon expérience, je suis entièrement avec vous et je vous souhaite vraiment de pouvoir au moins oser une fois pour se sentir bien, complètement assurée, et se sentir Belle quoiqu’on fasse, les filles !
    Moi, ça va mieux maintenant mais je suis toujours un peu masculine évidemment malheureusement, ça ne change pas.., mais comme je suis une jolie soumise au crâne rasé, attachée.., je ne changerai plus jamais.
    J’ai par moment quelques petits cheveux blonds courts qui repoussent, j’aime bien aussi mais non, ça ne m’intéresse pas trop, bizarre, non?

    Si vous êtes entièrement prête et sure de ne pas regretter, envie d’être beaucoup plus simple, libre, oui alors n’hésitez pas les filles.
    Et n’écoutez pas les autres, commentaires ridicules !, on se fait plaisir, nous !

    Petit mot personnel, vivi, moi aussi j’ai hésité évidemment comme toi,je te comprends entièrement, je n’ai jamais regretté, tu sais !
    Si tu veux, si tu trouves une personne sérieuse pour en parler et aider, ça fait beaucoup de bien .

    Biz à toutes
    À une prochaine fois ??
    Clara

  2. Bonjour moi j’aimerais bien sauter le pas de me rasé totalement la tête mais j’ai un peu peur car j’aurais peur de regretter après

  3. Salut les filles,

    Je suis bien contente de revenir laisser un petit mot pour dire quoi et de lire vos histoires!
    Je vous comprends tout à fait et je suis à 100% avec vous.
    Moi, c’est encore autre chose, je suis vraiment heureuse et Clara depuis quelques années et c’est comme si je l’avais toujours été!
    Mais je n’ai plus d’entourage, sauf de très bons et bonnes amies!
    Je sais, la decision est parfois difficile et donne des réactions speciales, on peut comprendre, je l’ai vécu. Mais une fois décidée, on peut s’en f… .
    C’est comme ça comme vous que j’ai trouvé Elise et que je lui ai dit quoi un jour, ravie de voir que vous êtes la.
    Je suis seule, mais un jour peut être?? Et ce jour là, je compte bien ne pas oublier et ne pas changer, remarque ou pas, on me prendra comme ça!
    Je suis très agréable, patiente, tolerance, mais j’ai très peu de…pour les mauvais commentaires, vous avez bien raison!

    Moi aussi je te rassure, on m’a plusieurs fois déjà pas reconnu, Rose!

    J’ai toujours mon crâne rasé, je laisse parfois un petit peu repousse pour voir et par plaisir petit look! Mais je préfère a nouveau rasée.

    Je préfère toujours utiliser mon ancien profil et prénom pour encore mieux profiter tranquille maintenant, pas grand monde ne sait, mais avec plaisir de discuter avec des filles qui connaissent l’histoire.
    Bonne continuation à vous.
    A …?
    Bisous
    Clara

  4. Bonjour Élise,

    J’aime beaucoup ton témoignage, je cherchais sans doute du réconfort car je me suis rasée le crâne pour la deuxième fois et la réaction de mon compagnon à été horrible.

    Je me suis entendue dire, pourquoi tu as fait cela ? Je suis déçu, tu aurais dû m’en parler avant , ça ne te vas pas, c’est moche !
    Il m’a ignoré toute la soirée.
    Nous sommes invités à un mariage dans deux mois et ll se demande pour qu’elle raison j’ai fait cela.
    J’ai répondu que j’en ai eu envie tout simplement que je me fiche du qu’en dira-t-on !
    Ma fille de 10 ans , a mieux réagit que mon compagnon, elle m’a fait plein de caresses sur le crâne et on a beaucoup rit ensemble.
    Bref ! J’adore la sensation que ça fait au toucher, c’est doux , agréable sous la douche,
    Paradoxalement je me sens très féminine avec le crâne rasée.
    Mon compagnon me fait toujours la gueule mais je me sens plus forte et j’assume mon nouveau look.
    L’important c’est que ça me plaise à moi même !
    Les hommes veulent toujours nous dicter leur désirs.
    Avoir les cheveux rasés n’a jamais ôté la féminité d’une femme. En Tanzanie c’est même un critère de beauté.
    Bonne continuation Élise.

    Biz

  5. Rose / 07/01/2022 ♥️
    Bonjour à vous toutes,
    Merci beaucoup pour le partage,
    L année 2021 à été très difficile pour moi et pour m exprimer j ai donc décidé en janvier 2022 de me raser le crâne!!! ( en me disant sa va repousser) c est fait !!! J ai eu du mal à accepter, ( heureusement que je suis en arrêt) pendant 2 semaines je sortais toujours avec un bonnet, et puis j avais un RDV avec mon gynécologue, en salle d attente il ne m’a pas reconnu ah j étais gêné, du coup je me suis dit c est bon allé assume !!! J’assume…
    Ah sa change, la boule à zéro…
    Léger au touché, très jolie, souple…
    J aime trop, je me suis vidée la tête ! Mon entourage ne laissait rien paraître, de toute façon je n ai pas le temps pour sa, c est pas grave.
    En plus de sa je me suis rendu compte qu’il y a économie shampoing sèche cheveux pince à cheveux élastique à cheveux. Tous sa pour dire que j aime ma coupe de cheveux. Merci.
    À bientôt.

  6. Super les filles possible de vous voir raser

  7. Bonjour Élise.
    Je viens de me raser le crâne et cherchant je ne sais quoi sur Google je suis tombé sur ton article et je me suis reconnu… mon ressenti a été le même! Je me trouve désormais plus belle, je m’accepte, j’ai totalement confiance en moi, je me sens libre et femme plus que jamais! Je suis enfin devenu celle que j’ai toujours voulu être!
    Je te souhaite d’être heureuse autant de fois que possible!
    Biz

  8. Bonjour Élise,

    Je suis ravie de t’avoir trouvée et lue.
    A part la colocation, ton histoire me correspond tout à fait, j’ai aussi beaucoup changé de style et de coiffure !!
    Ce serait bien trop long à expliquer et à écrire ici mais j’ai beaucoup eu de problèmes, beaucoup voyager et j’ai décidé il y a quelques temps de faire qqch que je voulais depuis tout petit.
    Je suis devenu la fille que je voulais depuis toujours !
    Avec ce changement et enfin heureuse, j’ai donc décidé moi-même et comme toi, et comme j’avais déjà essayé avant !, de me raser la tête.
    Tu as raison, on se sent belle et on ne fait pas attention aux autres et aux remarques !
    Excellente continuation pour tout à toi et plein de bonnes choses là-bas Élise.

    Biz

  9. Bonjour Élise

    Je découvre le site et ton témoignage vraiment par hasard en surfant sur le sujet.
    Je suis entièrement d’accord avec toi et j’ai eu la même histoire sauf la colocation !
    J’ai eu aussi toutes les têtes possible !! J’ai eu plein de remarques, de problèmes, je m’en fous.
    Je suis tellement heureuse comme ça depuis.
    Je te souhaite évidemment donc plein de bonheur et de bonnes choses Élise.
    Ravie de t’avoir trouvée en tout cas!

    Pour le mail, ne t’étonne pas, je n’utilise pas le mien.

Voir tous les commentaires

Commenter