Chaque été, je renoue avec mes racines
Tous les étés, on part tous ensemble avec ma famille à Zarzis, en Tunisie. On part en voiture, huit heures de route, et après on prend le bateau. Et chaque été depuis que j’ai 4 ans, j’ai l’impression que je retourne chez moi. Pendant la traversée en bateau, mes parents dorment. Avec mon frère et ma sœur, on se balade sur le pont et on y retrouve nos amis, nos cousins et nos tantes. En tout, on est une vingtaine. Les filles vont de leur côté, les petits aussi et moi je vais avec les garçons de mon âge. Des fois, on est dans la piscine en haut, sinon on va au restaurant manger des trucs de fast-food, dans la salle des jeux vidéo ou la salle de cinéma. C’est le début des vacances.
La première journée, quand on est encore en France, je me sens comme si j’étais encore français et quand on passe la frontière en bateau, je me sens tunisien. Il y a la chaleur, la mer est bleu clair et de loin, on voit qu’il y a que des maisons et pas d’immeubles. Les trottoirs, ils sont aux couleurs du drapeau : rouge et blanc. On se met sur le pont du bateau pour avoir l’impression d’arriver plus vite. Et quand on débarque à Tunis, y a toujours plein de gens pour nous souhaiter la bienvenue. Souvent, c’est les copains de mes parents qui prennent une heure à parler entre eux, avant qu’on puisse enfin prendre la route.
« C’est un mélange de nostalgie joyeuse et douce-amère qui fait remonter à la surface les souvenirs d’une époque. Un road trip dans l’histoire des Maghrébins de France. » Arte Radio – La route du bled (Podcast)
En Tunisie, tout le monde se connaît même quand on n’habite pas dans la même ville. Ça, ça me plaît. On arrive souvent vers midi et on mange dans un resto de Tunis. Ça fait des tablées immenses de vingt personnes. Des fois, sur les aires de repos, on fait des échanges entre les voitures, pour faire le trajet jusqu’à Zarzis. Dans les voitures on chante, on rigole et on dort la tête sur l’épaule de l’autre, sauf le conducteur qui doit rester éveillé pour nous conduire tous jusqu’à notre petite ville du sud, à 600 km de la capitale.
Zarzis, c’est un petit village de la taille d’un quartier à Paris mais sans les immeubles ! Y a que des maisons colorées, jaunes, rouges, bleues, avec du sable autour. Ça rend plus joyeux que des barres d’immeubles. Là-bas, on habite dans une maison marron et beige, c’est la maison que mon père et ma mère ont construite quand ils se sont mariés. Ils sont tous les deux nés à Zarzis. Mon père est venu en France en 1998 avec son frère et quand il a rencontré ma mère dans son village natal, il l’a ramenée avec lui en 2002. Je suis né deux ans après.
Je me sens moi-même à chaque fois que je retourne en Tunisie
Dans la maison de mes parents, je me sens chez moi, plus que dans notre appart dans le 19e. En plus on a de la chance parce qu’il y a la mer à 200 mètres. Le matin, avec mes cousins, on reste souvent assis, on parle. Les grands boivent du thé. L’après-midi on va jouer au foot ou à la plage jusqu’à 15h. Le soir, on va dans des mariages. Y a souvent des mariages l’été dans les villages aux alentours et comme y a pas besoin d’être invité pour y assister et que tout le monde se connaît, on en profite !
Dans notre partie du village, on fait ce qu’on veut. Mais dans les autres parties, il faut se tenir à carreau… Là-bas, si tu fais des bêtises, tout le monde sait qui tu es. On est les « fils de », les adultes du village nous appellent pas par nos prénoms. Ça m’est déjà arrivé quand j’étais petit, je jetais des bouteilles en verre dans des maisons inhabitées, mais j’ai vite arrêté.
Dans le village, y a des regroupements de maisons qui appartiennent à des vieilles familles du village. Une fois par semaine, on se met dans la plus vieille maison. Les femmes font à manger, les vieux parlent et nous on se bat dans les chambres de nos parents, pour rigoler. À la fin du repas, les vieux nous réunissent tous et on parle de la semaine, de ce qu’on a fait, si on a bien aimé, si les autres familles nous ont pas dérangés. Les vieux, ils prennent ça en compte et après ils vont voir les autres vieux des autres familles.
Un retour à ses origines c’est aussi par le sport ! Franco-péruvien, Jeymar est fan de foot. La dernière Coupe du Monde a mis en avant la confrontation entre ses origines mais aussi leur complémentarité.
Chaque année, je suis tout excité de revoir la maison. Mon père rentre en hiver et il l’améliore pour qu’en été elle soit encore plus grande, plus belle et avec toujours plus de végétation. Je me sens moi-même à chaque fois que je retourne en Tunisie car chaque été les gens du village nous accueillent avec un grand sourire et nous font des compliments. C’est ça qu’on aime ma famille et moi. À Paris, c’est carrément tout l’inverse, y a pas toute cette ambiance, tous ces moments de partage. C’est pour ça que je ne changerais mes vacances d’été en Tunisie pour rien au monde.
Mohammed-Ali, 14 ans, collégien, Paris
Crédit photo Unsplash // CC Adrian Dascal