Bryan B. 30/09/2019

En chimio, ma jeunesse sous perfusion

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J'ai un cancer de l'os du tibia alors, toutes les deux ou trois semaines, je fais ma chimio à l'hôpital, toujours accompagné de mon fidèle pied à perfusion.

Chaque fois que je suis en chimio, je vis H24 avec un pied à perfusion. La première fois que j’y ai été branché, c’était en février 2019. Normalement, je suis à l’hôpital toutes les deux semaines, mais ça fait deux fois où il y a trois semaines d’intervalle, car je tombe en aplasie [forte diminution des globules blancs]. Une fois sur deux, j’y reste trois jours. Autrement, cinq. Il y a la douleur quand on me branche et quand on me débranche. Quand on me place l’aiguille au niveau du torse, près de l’épaule, ça fait assez mal. La première fois, on m’avait pas mis de patch, c’était assez douloureux. Les infirmières m’ont dit que j’allais avoir le pied à perf’ pendant toute la durée de la chimio. Ça m’a pas dérangé plus que ça.

Dans les pochons qui sont branchés sur moi, il y a la chimio, l’hydratation, le produit de rinçage et les anti-nauséeux. C’est tout. Remarque, c’est déjà pas mal. La chimio fait diminuer la tumeur que j’ai à la partie supérieure du tibia. Le produit de rinçage sert à rincer la tubulure – le tuyau -, ça permet de bien faire passer tous les produits de la chimio. Et vu que je prends pas de poids assez vite, les infirmières me rajoutent de la nutrition artificielle. C’est de l’alimentation liquide, d’où le tuyau que j’ai dans le nez. Quand je parle beaucoup, le tuyau bouge dans ma gorge et ça me gêne.

Je suis toujours en train de demander : tu peux m’apporter ci, vider ça ?

Le pied à perfusion, c’est gênant quand t’as des béquilles parce que tu peux pas te déplacer comme tu veux : il faut pousser la perfusion ET marcher avec les béquilles… Quand t’as les deux, c’est compliqué ! Donc quelqu’un m’accompagne dans chacun de mes déplacements.

Quand tu vis un cancer, ça peut être difficile d’en parler à des amie.s qui ne sont pas malades. L’association On est là met en relation des jeunes atteint.e.s d’un cancer pour leur permettre de se soutenir mutuellement.

Crédit photo © Association On est là

Je suis toujours en train de demander : « Tu peux m’apporter ci, vider ça ? » Les infirmières doivent tout le temps se déplacer pour changer un produit, une seringue, pour gérer les bulles d’air, les occlusions et tout ce qui touche à la machine. Quand t’as pas l’habitude d’être dépendant des autres… Ça met un coup au moral, ça touche ton amour-propre. C’est un peu chiant, on va pas se mentir. J’ai toujours tout fait par moi-même, du coup je me suis habitué à jamais avoir d’aide. De moi-même, je demanderais jamais à quelqu’un d’aller m’acheter une canette !

Des fois, j’essaie de me déplacer sans l’aide des autres : j’essaie de pousser la perf’ avec mon pied. Ça prend du temps mais bon. De ma chambre à la salle des jeunes, ça me prend cinq minutes pour 20 mètres de marche. Quand il y a des gens dans le couloir à ce moment, ils viennent m’aider. J’accepte leur aide parce qu’au final, c’est toujours plus simple que de pousser au pied… Une fois, j’ai essayé de marcher sans mes béquilles en poussant le pied à perf’ et l’animatrice m’a expliqué qu’il fallait que je garde les béquilles. Et elle m’a aidé à retourner dans ma chambre. Avec la maladie, ça a fragilisé l’os et avec l’appui, le tibia peut casser. C’est pour ça que je porte des béquilles, pour éviter que j’appuie sur ma jambe gauche.

Je regarde des films, ça m’évite d’entendre le bruit de la chimio

Le bruit aussi, ça m’embête toujours. C’est un bruit strident quand il sonne, mais le reste du temps, il est régulier et il donne l’impression d’aspirer quelque chose. Il est chiant. Le « Crrrr » quand ça aspire… C’est super dérangeant. J’essaie d’écouter un maximum de musique ou alors je regarde des films, ça m’évite de l’entendre. Et puis ça sonne tout le temps ! Ce sont les produits de chimio ou les produits de rinçage qui sont finis, ou c’est quand il y a des bulles d’air, des occlusions (quand ça passe plus, en fonction de ta position). D’habitude, quand je m’endors, c’est le silence complet. Là, le sommeil est moins facile à trouver, comme il y a du bruit tout le temps. Je m’endors tard volontairement, pour pas que les sonneries me dérangent. Généralement vers minuit car, vers 22h, les chimios sont finies.

Quand, au lycée, le diagnostic est tombé, le regard des gens a changé, entre pitié et dégoût. Imane voulait juste mettre le lycée et mon cancer derrière elle.

La machine me dérange pas, c’est juste le bruit et quand je dois me déplacer. Quand on me retire l’aiguille et le pied à perf’, je peux me déplacer seul, j’ai plus besoin de demander aux gens de m’aider pour aller aux toilettes, de m’apporter quelque chose, etc. Je me sens mieux : quelle sensation de liberté !

 

Bryan, 21 ans, en formation, Nemours

Crédit photo Wikimedia Commons // CC Glogger

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