J’avais un « job à la con », j’ai voulu donner du sens à ma vie
Depuis quelques temps, les témoignages de reconversion sont partout. Des jeunes qui, souvent après un bac +5, travaillent quelques années en entreprise et finissent par craquer car ce n’était absolument pas comme cela qu’ils imaginaient leur vie. Mon parcours ressemble aux leurs.
Bonne élève, je me destinais (forcément) à la classe prépa. Deux années B/L (littéraire avec des maths et de l’éco) au lycée Thiers à Marseille et une grippe H1N1 plus tard, je suis partie en licence d’éco à l’université Aix-Marseille. Mon master en marketing et gestion de projet en poche, les voiles de l’illusion sont tombés lors de mon premier job d’assistante commerciale dont j’ai rompu la période d’essai. Je passais mes journées à faire des devis sur Excel et à regarder l’heure tourner ; je m’ennuyais terriblement.
Les CDD se sont enchaînés, à Mâcon, à Marseille et à Paris. Des postes où j’ai pu faire mes armes en gestion de projet, mais dans lesquels je ne me retrouvais pas et où mon caractère rebelle ne faisait pas l’unanimité. Mes premières réflexions sur le monde du travail ont germé face à des processus de décision toujours plus longs, face aux « strates » hiérarchiques toujours plus nombreuses. Certains aspects de mon travail me paraissaient absurdes : je passais mes journées à écrire des mails et des courriers et à les envoyer à des gens qui n’allaient jamais les lire. Quel gâchis et quel temps perdu !
Après avoir côtoyé le monde de la banque-assurance-mutuelle, je suis partie dans une start-up dans le sport. Je pensais devoir changer de secteur pour m’épanouir. En plus ça tombait bien : j’étais sportive. Très rapidement, les mêmes questions sont arrivées : quel est le sens de ce que je fais ? Je perdais la tête à lire des centaines de pages d’appels d’offres.
Après le déclic, la libération
Je ne remercierai jamais assez le petit square qu’il y avait en face de mon bureau à ce moment-là. C’était le mois de mai, il faisait beau et ce square m’appelait. J’ai réalisé alors que je n’étais pas à ma place. Pourquoi est-ce que j’étais assise derrière un écran toute la journée alors que dehors, il faisait beau ? Pourquoi sur 52 semaines, on avait seulement cinq semaines de congés ? À quoi cela rimait-il de travailler 40, 50 ou 60 heures par semaine avec plus de deux heures de trajet quotidien ? Ma vie devait-elle se résumer à cela ? Et puis je suis tombée sur la théorie des jobs à la con de David Graeber et j’ai compris que je n’étais pas seule, ouf !
Les « bullshit jobs » ou boulots à la con, David Graeber les a théorisés dans son livre en 2018. Depuis, le concept fait son chemin, y compris sur les réseaux. Une émission France Culture aborde ce sujet à travers l’exemple des influenceurs.
On connaissait les CEO, owner (en fait « patron de moi-même »), le tout travaillant pour du « networking enhancement », pour faire du « innovative strategies » et produire du « transition transformation ». Influenceur : ultime déclinaison des « bullshit jobs » https://t.co/dtl1OtBRWi pic.twitter.com/Z7ZWxvNxmm
— France Culture (@franceculture) 16 septembre 2019
Alors, depuis septembre, je prends du temps pour moi. Chose que je ne me permettais pas. J’ai pu négocier une rupture conventionnelle et quitter mon job fin août. Quand je suis partie, j’ai ressenti un immense soulagement : ma nouvelle vie commençait. Ça a été une renaissance. J’avais besoin de faire des choses que j’aimais ou de ne rien faire du tout, et ça m’a fait un bien fou.
Cette période d’introspection m’a permis de me poser des questions que je ne m’étais jamais posées auparavant : qu’est-ce que j’aime ? Qu’est ce qui me fait vibrer ? Qu’est-ce-que je fais quand je ne vois pas le temps passer ? Des questions auxquelles on ne nous invite pas à réfléchir lors de notre parcours scolaire. Bonne élève = classe prépa et puis c’est tout.
Donner du sens à ma vie : une reconversion dans l’écologie ?
Après mûre réflexion, je veux apporter ma contribution dans la transition écologique. J’ai découvert via des articles, des émissions radio ou des reportages ce qui se jouait vraiment au niveau de notre planète. J’ai envie d’apporter ma pierre à l’édifice et je me suis aperçue que quand je prenais soin de moi, je contribuais forcément à prendre soin de la planète. Par exemple, quand je choisis de consommer des aliments sains (bio ou raisonnés, locaux et de saison), je ne participe pas à l’agriculture intensive qui détruit nos sols, ni aux émissions de CO2 des serres qui font pousser des fraises en hiver ou des avions qui transportent des champignons d’Argentine. Mais surtout, je ne donne pas à mon corps des aliments bourrés de pesticides dont les effets néfastes sur la santé ne sont plus à prouver.
Les carrières multiples, c’est de plus en plus commun ! Restauration, ferroviaire, études de psychologie… Samy a mis huit ans à trouver sa voie avant de s’épanouir dans les réseaux sociaux !
Je me cherche toujours, j’ai des projets plein la tête et cette période de reconversion est la plus belle période que je me suis autorisée à vivre. Et pour l’instant, j’écris. J’ai publié trois articles sur Médium et l’objectif, c’est d’en publier de nouveaux sur cette période de reconversion qui m’a tellement appris. Peut-être permettre à certains qui ne s’autorisent pas à quitter un job de franchir le cap ? C’est grâce à des articles que j’ai pu franchir le mien.
J’avais mis le travail au centre de ma vie sans me poser de questions. À quoi cela sert-il de se rendre malade pour une présentation Powerpoint, pour des mails non envoyés ou auxquels on n’a pas répondu ? Se souvient-on de la racine du mot, « tripalium », qui signifie torture ? Je remercie ce square, ce petit espace de nature de m’avoir fait réaliser que je faisais fausse route.
Anna, 29 ans, en reconversion, Colombes
Crédit photo Unsplash // CC Johnny Cohen
Je suis bien contente d’avoir cliqué sur le lien qui m’a conduit à ton article qui m’est très utile en ce moment. Merci ^^
Bel exemple de reconversion ! Nombreux sont ceux qui se sentent mal au travail et qui n’ose pas se lancer. C’est grâce à ces témoignages que l’on peut y croire et avancer alors merci Anna !