Deux ans sans réseaux sociaux, ça m’a fait du bien !
Ce matin, je me suis connectée sur Facebook. Un acte quotidien qui n’a pas besoin d’être mentionné pour la plupart des personnes de ma génération. Mais moi, cela faisait à peu près deux ans que je vivais sans réseaux sociaux. On se sent libre, un peu original et on a beaucoup plus de temps libre. Cependant, force est de constater que ça crée aussi un décalage et une sorte d’isolement.
Cette remarque s’étend également à Snapchat, Twitter, Instagram et toutes les applications que je ne connais pas encore. J’ai adoré ma vie en dehors de celles-ci, mais ce ne fut pas facile tous les jours.
Ce matin, je me suis connectée sur Facebook, par nécessité. Actuellement étudiante, j’entends profiter pleinement de ces années qui s’annoncent inoubliables. Pour cela, j’ai décidé d’intégrer des associations dont les activités correspondent à mes centres d’intérêts. Et devinez quoi ? Comment les membres de ces assos communiquent-ils entre eux ? Comment les événements sont-ils organisés ? Par les réseaux sociaux. Lors de la réunion de rentrée, la directrice de l’une de ces fameuses assos nous a fait circuler une feuille où nous devions inscrire nos comptes Facebook afin de nous ajouter au groupe. J’étais gênée. Je ne me voyais pas lever la main devant tout le monde et « faire la relou » avec une question du type : « Comment vous faites pour ceux qui n’ont pas Facebook ? » Comme s’il était impensable pour un jeune de ne pas être connecté. Alors, il y aurait sûrement eu un moyen de me tenir au courant différemment, par SMS notamment. Mais cela aurait été beaucoup plus compliqué pour tout le monde.
Sans réseaux sociaux, l’interaction est moindre
À vrai dire, cela faisait déjà quelques temps que ce « come back » me traversait l’esprit. Même si je préfère voir mes amis en vrai que de recevoir leurs photos, celles-ci peuvent amener à des conversations, et donc à la création de souvenirs, bien que virtuels. L’un de mes amis a dû être hospitalisé (rien de grave) mais je l’ai appris plus tard par d’autres qui avaient vu la vidéo qu’il avait postée depuis l’hôpital. J’ai vraiment eu l’impression d’être nulle comme amie. Il n’en avait parlé à personne et c’était son moyen de le faire, moyen auquel je n’avais pas accès. Sans réseaux sociaux, l’interaction est moindre. C’est évident mais parfois pesant.
Même si mes amis sont des personnes géniales, ils ont leur vie, leurs occupations et il leur est arrivé de me demander pourquoi je n’étais pas venue à une soirée à laquelle personne n’avait pensé à m’inviter. Dans ces cas-là on se sent à part. Au début je leur en voulais, ça blessait mon ego de me dire qu’ils n’avaient pas pensé à moi. Mais depuis que je refais partie des gens connectés, je me suis rendu compte que, la plupart du temps, ces soirées s’organisaient totalement à l’improviste. Souvent sur une invitation lancée quelques heures avant par un membre du groupe qui s’ennuyait un vendredi soir. Rien de planifié, ceux qui voient le message répondent et c’est tout.
Dans une société ultra connectée, lâcher les réseaux est, pour certains, un acte politique, une forme d’engagement. Un ancien ingénieur de Google, Tristan Harris, en a même fait un business ! Une interview à lire dans Le Figaro.
Tristan Harris est l’ex-ingénieur de Google le plus connu de la Silicon Valley. Il a fondé Time Well Spent, une initiative qui pousse à la déconnexion des réseaux sociaux, et qui intéresse…les réseaux sociaux eux-mêmes. @ElisaBraun l’a rencontré ➡ https://t.co/eZGELb2Vc5
— Lucie Ronfaut (@LucieRonfaut) May 31, 2018
Au-delà des débriefs de soirées, on peut aussi se sentir à part dans de nombreuses discussions. « C’est quand que tu vas mettre des paillettes dans ma vie Kévin ?! », cette phrase je l’ai beaucoup entendue et c’est sur les réseaux que je l’ai comprise. La prochaine fois que vous échangez avec des personnes de votre âge, dressez l’oreille et notez les références. Il y aura vraisemblablement une référence à la dernière vidéo postée par untel sur Twitter, ou sur une personnalité que seuls les instagrammeurs aguerris connaissent. Devant mes regards interloqués, je me prenais des remarques du type : « Ah non mais tu ne peux pas comprendre ! » Création d’un fossé avec l’interlocuteur et mépris au rendez-vous.
Je pourrais également parler de l’intérêt des « groupes de classe » qui permettent de ne pas être la seule personne pas au courant de l’absence du prof de littérature le lundi matin ou des réseaux comme Linkedin pour étendre son carnet d’adresse et donc faciliter son insertion professionnelle. Les exemples se multiplient au fur et à mesure que j’écris ces lignes mais je pense que vous avez compris l’idée. Liberté et solitude sont les deux mots que je garde de cette expérience.
Ça m’a permis de prendre un recul nécessaire
Avant de quitter les réseaux, j’y passais beaucoup trop de temps. J’avais développé un certain côté voyeuse. J’errais d’un compte à l’autre et il m’arrivait de finir en scrollant sur le compte de l’ami du cousin de la voisine de ma grand-mère. Je me comparais constamment même à des inconnus.
Il avait réussi à faire ça et pas moi, j’étais donc nulle. Elle avait l’air si douée en tel sport et pas moi, j’étais donc encore plus nulle. Même si je savais qu’on ne met bien souvent que le positif en ligne, je n’arrivais pas à me raisonner.
A l’image de beaucoup de jeunes aujourd’hui, Yvan et Mariam utilisent les réseaux sociaux. Mais ces deux collégiens ont des utilisations et opinions très différentes des réseaux. Depuis leur ville de Clichy-sous-Bois, ils nous en parlent : « Y a pas de frontières sur les réseaux. »
Depuis que je suis revenue sur les réseaux, je suis la première à divulguer toutes les informations sur les groupes de classe. Je peux reparler avec mes amis et réagir aux photos qu’ils partagent, des conversations certes futiles mais qui m’avaient manquées. Je partage ce qui m’intéresse avec ceux à qui ça pourrait plaire. J’ai surtout fait un gros tri dans ma liste d’amis afin de voir la vie des personnes qui m’intéressent vraiment.
Aujourd’hui, je suis plus mature et cette période blanche m’a permis de prendre du recul, un recul nécessaire sur l’utilisation que j’en avais auparavant. Il est tout à fait possible de vivre sans réseaux sociaux en 2019, mais cela demande de l’organisation et le renoncement à certaines opportunités. Cette expérience me permet de les aborder différemment. De les utiliser à ma manière.
Elodie, 20 ans, étudiante, Nanterre
Crédit photo Unsplash // CC Elexey Elfimov
Je trouve ça vraiment intéressant comme expérience, j’y ai beaucoup pensé pendant ces derniers mois,je veux faire un break, me déconnecter et bien utiliser mon temps. Mais,bizarrement, ça me fait peur,après tant d’années à passer le plus clair de mes journées sur Instagram, j’ai peur de ne pas pouvoir le faire,pourtant ce n’est pas l’envie qui manque,mais ton histoire m’a vraiment inspirée et je vais peut-être me lancer!