Samaa M. 08/06/2020

Étudiante étrangère, financièrement je galère

tags :

Pendant ses études, Samaa doit gérer son argent. Malgré ce que lui envoie son père elle doit travailler, mais c'est pas simple pour une étudiante étrangère.

En vivant chez mes parents, l’argent n’était pas un sujet qui me venait à la tête. Mes parents, croyant que ce n’était pas ma responsabilité, géraient tout pour moi. Je gérais seulement mes sorties avec mes potes. Un grand privilège que je ne connaissais pas. Jusqu’à ce que je quitte l’Égypte pour faire mes études supérieures en France.

Ma famille est toujours là-bas, et comme on peut l’imaginer, c’est cool d’être indépendante, de vivre à l’étranger et de devenir adulte. Ce qui n’est pas du tout cool, c’est de gérer mon budget pour la première fois de ma vie.

Mon père me paye le loyer (ce qui est le plus important, on est d’accord) et me verse en moyenne 200 euros chaque mois. Je suis vraiment reconnaissante que mon père m’aide et fasse de son mieux, mais en réalité, ce n’est pas du tout suffisant.

Je dois me priver de certaines dépenses

Depuis presque quatre années, je vis en Ile-de-France mais, jusqu’à aujourd’hui, je ne comprends pas le système d’électricité. Les factures varient entre 20 euros et 100 euros par mois. Pour un studio de moins de 20 mètres carrés. J’avoue que, pendant ma première année, j’ai utilisé le chauffage tout le temps, mais quand même ! Ce qui est vraiment étonnant c’est que si on paye des mensualités de 25 euros par exemple, à la fin de l’année on peut payer une différence de 400 euros. Bref, je fais tout pour comprendre, j’ai même installé une appli pour regarder au fur et à mesure ma consommation. 

Depuis dix ans, la France voit chuter son nombre d’étudiants étrangers sur le territoire. Et avec la crise du coronavirus, les universités craignent une « catastrophe ».

 

Il y a aussi les mensualités de mon portable qui coûtent environ 50 euros ; vu que je ne pouvais pas payer 300 euros tout d’un coup pour l’acheter, et l’engagement internet et appels.

La sécurité sociale, c’est 9 euros par mois. Les livres pour la fac, environ 50 euros par semestre, et les vêtements ça dépend du mois et des saisons. En hiver, et comme je suis frileuse, je dépense plus d’argent pour acheter plusieurs pulls, sweats et chaussettes. Ce qui veut dire que je dois me priver d’autres dépenses. En payant tout ceci, il me reste environ 100 euros pour la nourriture, ce qui n’est pas assez pour un régime alimentaire équilibré. 

Et pour le divertissement, s’il ne me reste pas d’argent, je me prive de ces activités que j’aime, comme les livres, le cinéma, les restaurants, voyager dans les pays voisins en bus. J’essaye d’économiser, mais ce n’est pas toujours évident.

Tout cela est plus ou moins constant. Et puis, de temps en temps, je me trouve face à des urgences financières. Payer une centaine d’euros pour une radiographie, attendre au moins un mois pour être remboursée, acheter un nouveau chargeur, 49 euros de frais de renouvellement du titre de séjour, ou bien même 8 euros de frais de perte de ma carte de transport qui me coûte déjà 38 euros par mois. 

Pour les étudiants étrangers, ce n’est pas si simple de bosser

La solution évidente c’est de chercher un job étudiant, mais ce n’est pas si simple. Travailler à temps plein pour les étudiant.e.s étranger.e.s est illégal. Et même si c’était légal, avec les longues heures de cours et les révisions, c’est impossible. 

J’ai quand même tenté ma chance et j’ai cherché des jobs étudiants. La loi française autorise les étudiant.e.s étranger.e.s à travailler 60 % de la durée légale du travail, soit 964 heures dans l’année, ce qui fait environ 20 heures par semaine. Puisque je n’ai pas d’expérience dans les domaines des services et de la restauration, et qu’en plus je suis voilée, la majorité des offres ne me convenaient pas. Plusieurs commerces sont clairement contre le « couvre-chef » dans leurs offres ou bien leur réglementation.  

L’année dernière, j’ai réussi à faire un service civique dans une association interconvictionnelle de jeunes. Donc, mes expériences étaient pertinentes et mon voile ne posait pas problème. L’indemnité, avec les aides de mon père, était suffisante. Temps partiel, avec une possibilité de travailler à distance. Parfait non ? 

Avec la pandémie, j’ai dû m’adapter

Pas tellement. Le job durait huit mois seulement, non renouvelable. Dommage. Il fallait recommencer la quête. J’ai réussi à trouver un travail à distance à temps partiel, que j’ai toujours actuellement. Les heures sont flexibles, et donc j’arrive à m’organiser entre cours et révisions. En addition, j’ai travaillé l’été dernier, en profitant d’être chez moi en Égypte.

Mais ma situation a changé en 2020, vu que le salaire de mon père a été réduit à cause de la pandémie. Donc je dois aussi m’adapter. Je suis toujours en Île-de-France parce que j’ai trop peur de rentrer chez moi et de ne pas pouvoir revenir en France pour finir mes études. C’était un grand dilemme, mais je ne regrette pas ma décision de rester.

Depuis le lycée, Riad travaille pour aider financièrement ses parents. Il est livreur, et jusque là il arrivait à jongler entre les études et le travail. Mais en entrant à la fac, il s’est demandé si les deux étaient compatibles.

Un homme vêtu d'un casque est debout le long d'un mur et les bras croisés. Devant lui, il y a son vélo posé sur le mur et son sac de livreur. Il attend en regardant un autre livreur devant lui, qui a les yeux rivés sur son téléphone qu'il tient dans la main gauche tout en tenant son vélo de la main droite.

J’ai soumis mon dossier pour des aides sociales via la fac, et j’ai reçu des tickets restos d’une somme de 200 euros ; ce qui est bien, mais aussi ponctuel. Les autres aides sociales ne convenaient pas à ma situation : c’était pour les étudiant.e.s ayant perdu leur emploi ou leur stage, ou les ultramarin.e.s. Dans ma résidence, heureusement, ils ont été compréhensifs par rapport au loyer.

La galère est un peu toujours là, mais je m’en sors.

Samaa, 22 ans, étudiante, Paris

Crédit photo CC Authority Dental

Partager

Commenter