Notre amour tient la distance
Notre histoire a commencé sur un jeu vidéo, à l’âge de 13 ans. J’habitais à Perpignan, et lui à Strasbourg.
Au-delà du jeu, nous avions tissé des liens avec les autres joueurs de la communauté. C’était courant de faire des appels de groupe sur Skype pour rigoler, parler de nos vies… Il m’avait donc ajouté à ses contacts. Il m’a recontacté trois ans plus tard pour prendre de mes nouvelles sur les réseaux sociaux.
Nous avons commencé à nous parler tous les jours, pour finalement nous mettre en couple deux mois plus tard, sans jamais se voir « IRL » [ndlr : in real life]. Les six premiers mois de la relation, nous ne nous voyions que par photos ou en face cam’ sur Skype.
Tout l’argent du CROUS passe dans les transports
Nous avons dû faire face à la distance géographique. Plus de huit heures de train nous séparaient. Nous étions en classe de première, et je pouvais seulement le voir pendant les vacances scolaires. Étant tous deux mineurs, nos parents ont longtemps participé aux frais pour les billets de train, allant de 130 euros à 200 euros en moyenne. Depuis un an et demi, je vis à Rennes et nous ne sommes plus qu’à quatre ou cinq heures de train. Tout l’argent du CROUS que je touche depuis que je suis en études supérieures passe dans les transports pour nous voir.
Une relation à distance c’est particulier : nous nous voyons intensément pendant quelques jours, puis plus du tout pendant des semaines. Et dès que nous nous retrouvons, nous savons que nous devrons nous quitter. Dès la première rencontre, et les premiers au revoir, j’ai réalisé que ce n’était pas un jeu : nous étions dans la vraie vie. J’ai regardé plein d’articles sur des blogs, des forums, lu des témoignages, des conseils sur comment gérer et mieux vivre sa relation à distance, s’il était possible que ce type de relation puisse marcher… Je voulais vraiment me rassurer.
Aujourd’hui, je n’ai pas pris l’habitude de le quitter, mais je m’y fais. Mon partenaire, lui, a directement mieux supporté et accepté la relation telle quelle. J’ai douté, pleuré, été contrariée et je me suis disputée avec lui. Mais avec beaucoup de patience de sa part, de réconfort et de communication, je n’ai plus de doutes. Et même si on n’a pas beaucoup d’argent, quand nous sommes ensemble nous essayons de faire des activités, d’aller au moins une fois par séjour au restaurant… de partager des moments comme un « couple normal » quoi !
« Votre relation, ça marchera jamais »
À l’annonce de cette relation à distance, et du fait que nous nous connaissions via les jeux vidéo, ma famille a d’abord été réticente ; particulièrement ma grand-mère et ma grande sœur. « Il peut mentir sur son identité ! […] Ce n’est peut-être pas lui sur les photos ! […] C’est dangereux ! », me disaient-elles. Mais leurs doutes se sont effacés dès qu’elles ont pu communiquer avec les parents de mon copain.
À l’inverse, malgré trois ans de relation, ses parents ne comprennent pas ce type de relation. Ils n’ont pas grandi avec internet, ni les réseaux sociaux. Ma mère, qui trouvait ma relation bizarre au début, vit elle aussi une relation à distance depuis quelques mois. Elle comprend désormais que ce n’est pas si étrange que ça à notre époque !
Par ailleurs, c’est aussi « compliqué » d’assumer notre relation avec certains de nos amis. C’est toujours un peu tabou. Et c’est déplaisant de devoir expliquer comment nous nous sommes rencontrés et de dévoiler que nous sommes à distance ; on a l’impression d’être des bêtes de foire écrasées de questions, jugées ou moquées. On nous a déjà dit que notre relation était « bizarre », qu’on n’était pas un « vrai » couple. Désormais, nous nous contentons de dire qu’on s’est connus dans la même ville, mais que l’un de nous a dû déménager à cause des études. Ainsi, plus de jugements et plus d’explications à donner.
Grâce à internet, il y a plein de manières de construire des relations amoureuses. Djamel, c’est sur un site de rencontres qu’il a matché avec sa copine.
Donc oui, la relation à distance, ça a un prix, financier et émotionnel. Mais si on veut, on tient. La clé, c’est la communication, l’amour que nous nous portons l’un pour l’autre, et l’espoir qu’un jour nous mettrons fin à cette situation. J’ai pour projet d’aller le retrouver à Strasbourg à la rentrée.
Emma, 19 ans, étudiante, Rennes
Crédit photo Unsplash // CC Cassie Lopez