En première année, ma rentrée universitaire annulée
Pendant l’été, j’ai appris que ma rentrée universitaire se ferait en distanciel. Je venais d’obtenir mon bac en contrôle continu suite au confinement alors, comme les autres inscrits en L1 de psychologie à l’université de Paris, ça m’a fait réfléchir. Nous avons tous eu beaucoup de mal à travailler pendant le confinement et il y a eu beaucoup de décrochage scolaire.
Cette fois, je suis inquiète parce que nous entrons seulement dans les études supérieures ! Nous devons être autonomes et travailler de manière efficace, seuls. Il va falloir réussir en arrivant dans un domaine d’étude que nous n’avons encore jamais vu : la psychologie.
Je savais que rentrée universitaire rime souvent avec problèmes administratifs, et cela n’enlève en rien la qualité des enseignements, mais j’étais bien loin d’imaginer ce qui m’attendait.
Les cours en ligne… ça se passe comment ?
Même si l’envie et la motivation sont là, je sais déjà que cette première année va être encore plus difficile que pour les promos d’avant. Surtout si elle se passe 100 % en distanciel. L’université nous a promis qu’elle allait faire des efforts pour les L1. Au final, nos cours magistraux se font à distance et mes TD en hybride : des groupes divisés en deux avec une semaine de devoirs à faire chez nous et l’autre semaine avec des cours à la fac. Des petits groupes de vingt personnes. Covid oblige.
Mais c’est comme ça pour tous les étudiants de la licence, peu importe le niveau. De plus, je ne sais absolument pas dans quelles conditions vont se dérouler nos cours en ligne. Vont-ils être en direct ou publiés sur internet afin qu’ils soient visibles quand je le veux ?
Après l’été, nouvelle déception. J’apprends que notre pré-rentrée est annulée en raison du contexte sanitaire et que la date du début des cours, censée être le 14 septembre, sera reportée au 28 septembre en raison de nombreux problèmes administratifs (des étudiants étrangers toujours pas inscrits par exemple). C’est quoi cette rentrée universitaire ?
La Covid-19 continue de mettre en lumière certaines problématiques structurelles. Et la rentrée universitaire n’y échappe pas selon Le Monde. Sommées par le gouvernement de n’accueillir que la moitié de leurs effectifs, les facs parisiennes s’adaptent, difficilement.
« Faut-il le Covid pour se rendre compte que, comme chaque année, les moyens d’accueil sont insuffisants dans les universités ? » Malgré un faible nombre de cas de #COVID__19, les universités d’Ile-de-France contraintes d’accueillir moins d’étudiants https://t.co/eaMsOCaj9Q
— Le Monde (@lemondefr) October 6, 2020
Puis, viens le tour des inscriptions pédagogiques le lundi 7 septembre. Comment vont s’organiser les fameux demi-groupes puisque aucun groupe ne nous a été attribué ? Allons-nous avoir dans la même journée un TD que nous sommes censés suivre de chez nous puis enchaîner avec un autre à la fac ? Peu importe car, quelques jours plus tard, les inscriptions pédagogiques déjà effectuées sont annulées et je dois recommencer. Cette fois encore, de nombreux bugs sur le site et, pire encore, le groupe B se retrouve sans aucune place pour un cours. Ce que nie l’administration.
Courant septembre, alors que des professeurs commençaient à poster des cours en ligne et que j’étais impatiente de réellement commencer l’année, j’apprends sur le site de l’institut de psychologie que la rentrée est encore une fois annulée… cette fois jusqu’à nouvel ordre !
Une étudiante bloquée par le Twitter de la faculté
Parallèlement, nos professeurs ont décidé de faire grève. Parce qu’il existe à l’université de Paris deux licences de psychologie, et que la nôtre doit fermer en 2021… Je comprends la grève et je la trouve légitime. Je soutiens aussi l’administration qui fait comme elle peut pour gérer cette crise mais je déplore l’énorme manque de communication de l’université.
Aucune réponse aux questions posées par mail, par téléphone ou sur les réseaux et, lorsque j’en ai, ce sont des réponses très vagues voire automatisées. Des étudiants se sont même fait renvoyer à l’entrée du campus et ont l’interdiction d’y mettre un pied. Pourtant, sur le site, le campus a indiqué être ouvert au public. Les lignes sont coupées ou tournent dans le vide. Pour nous prévenir que la pré-rentrée du 8 septembre aura lieu finalement plus tard en distanciel, ils ont publié l’information le jour-même en plein milieu de l’après-midi…
La prise d’infos, c’est beaucoup sur les réseaux. Une étudiante s’est vue bloquée par le compte Twitter de l’université alors qu’elle s’interrogeait simplement sur le déroulement de la rentrée. Et, depuis, une autre étudiante a été bloquée parce qu’elle a partagé notre pétition sous un tweet de l’université.
Voici comment @Univ_Paris justifie le blocage des élèves qui essaient de diffuser leur lettre ouverte concernant la façon dont l’université a géré la rentrée.
Ci-joint le contenu “haineux” en question : pic.twitter.com/QLZufxmO3O— L1 Psycho Univ Paris (@l1psyuparis) October 5, 2020
Les étudiants ont dû s’autogérer sur les réseaux sociaux pour se transmettre les infos. Mais tout le monde n’est pas sur ces groupes ; et les étudiants étrangers, les élèves en situation de handicap ou ceux vivant hors de la région parisienne sont isolés. Résultat : certains ne sont toujours pas inscrits et d’autres se sont présentés à l’université le 14 septembre, n’étant pas au courant du report de rentrée.
Vous n’avez qu’à suivre le cours en ligne au McDo ou au café du coin
Certains d’entre nous avons demandé si un espace serait prévu sur le campus pour que les étudiants puissent suivre un cours en ligne – lorsqu’ils ont juste après un autre cours à la fac et qu’ils ne peuvent pas faire une heure de trajet en dix minutes. On nous a répondu qu’on pouvait très bien aller au McDo ou au café du coin…
Et, en attendant, je continue à me poser des questions. Le calendrier universitaire et le programme restent-ils valides même avec plusieurs semaines de retard ? Comment vont se dérouler nos examens ? Comment allons-nous suivre nos cours ?
Les étudiant.e.s de cette licence ont lancé une pétition sur la gestion de cette rentrée universitaire par l’université de Paris. Elle compte déjà plus de 1100 signatures.
J’ai le sentiment d’être mise à l’écart, et certains émettent des doutes quant à leur orientation ou leur choix de faculté. J’ai peur de ne jamais avoir cours, peur de l’échec, de ne pas être à niveau, d’être pénalisée. Et je suis inquiète quant au fait de devenir une professionnelle de santé, une psychologue donc, tout en ayant une partie de mon programme tronquée. En fait, j’ai peur de payer par la suite les conséquences des choix que fait la présidence de l’université de Paris face à cette crise.
Le 7 octobre, il y a eu une réunion entre quelques enseignants, représentants étudiants et étudiants, dont moi. On m’a conseillée de travailler les cours des L1 de l’an dernier, en attendant une vraie rentrée, encore repoussée depuis l’annonce du confinement.
Sonia, 18 ans, étudiante, Boulogne-Billancourt
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