C’est comme si je m’étais construite sans mes parents
Quand je vois sur les réseaux tous les mots d’amour des enfants à leurs parents à la fête des mères et à la fête des pères, mon cœur se serre. Moi aussi j’aurais aimé dire toutes ces choses si douces à mes parents. Mais j’ai fait le deuil d’une enfance et d’une adolescence que j’aurais aimé différente.
J’ai accepté que mes parents ne soient pas parfaits. Ils ont fait de leur mieux mais j’aurais voulu qu’ils soient différents. Mon adolescence je l’ai affronté seule. Ni mon père ni ma mère n’ont été des confidents ou des soutiens. Chez moi, pas de moments en famille le soir, pas de jeux ou de discussion ensemble. J’allais faire mes leçons chez une voisine. Je rentrais à 19 heures pour le dîner et à 19 h 30 je rejoignais ma chambre que je quittais seulement le lendemain matin pour retourner à l’école et ainsi de suite.
Les week-ends, hormis si nous avions des repas de famille, ma chambre était une fois de plus l’endroit que je ne quittais pas. Pas de jeux, pas d’activité ni de moments de complicité. Finalement je sortais de mon univers pour les repas et aller à l’école. Il ne fallait pas bouger, ne pas faire de bruit. Tout notre entourage disait de ma sœur et moi que nous étions « vraiment bien élevées » car nous ne faisions pas de bruit. Je me souviens, à table, si nous bougions trop, mon père nous mettait un coup de fourchette sur la main ou une claque derrière la tête. Geste que certains trouveront anodin, pour moi, il était humiliant. Il ne fallait pas se faire remarquer, alors comment j’aurais pu exprimer mes émotions ?
Il ne fallait pas montrer ses émotions
Autre souvenir, j’accompagnais souvent ma mère au supermarché. Je savais que si elle y allait seule, elle dépenserait trop d’argent dans des choses futiles alors que nous devions acheter des provisions. C’est moi, alors que je n’avais qu’une dizaine d’années, qui surveillait ma mère. Nous avions un budget à respecter et lorsque nous passions en caisse, j’avais toujours peur du montant que la caissière allait nous annoncer. Plus d’une fois nous avons dû laisser des produits puisque ma mère ne m’écoutait pas. C’était comme ça, c’était leur façon à eux d’être parent.
Mon père était ouvrier et ma mère est assistante maternelle. Mon père n’a jamais été un grand bavard. Bien au contraire. Je ne connais personne de plus introverti que lui. Venant d’une famille nombreuse, il a lui-même grandi sans son père et a dû se débrouiller seul très tôt. Enfant, il ne fallait pas montrer ses émotions car sa mère avait des soucis bien plus importants à gérer. Alors il a grandi comme ça, en mettant un voile sur toutes ses émotions. Ma mère, quant à elle, a grandi entourée de parents trop protecteurs. C’est une grande enfant extrêmement sensible.
Alors voilà, entre un père qui renie toute émotion et une mère qui est incapable de les gérer et bien moi, je ne sais comment faire avec. Elles me submergent et, souvent, je ne sais quoi en faire.
Mes parents ne sont pas un soutien
Je voyais peu mes amis. J’étais solitaire, triste et finalement je me suis enfermée dans cette solitude. Mais mes parents n’ont rien vu. Alors que j’aurais voulu que l’on me sorte de cette chambre, que l’on me dise ça va aller, que l’on mette des mots sur mes maux.
Aujourd’hui je sais, mais adolescente, c’était l’inconnu. J’aurai aimé que l’on m’aide à affronter cette étape si difficile. Ce passage de la vie d’enfant à celle d’adolescente a été comme un raz-de-marée, d’une violence difficilement supportable. J’aurais voulu pouvoir leur parler de mes peurs, de mes inquiétudes et de mes doutes. Comment leur dire à quel point j’ai souffert ? Le nombre de soir où mon oreiller a étouffé mes larmes, le nombre de fois où pour soulager mon cœur j’ai blessé mon corps ? Impossible de leur dire. Ma chambre, mon seul refuge, mon univers.
Encore maintenant, mes parents ne sont pas un soutien. Je sais que je ne peux pas compter sur eux affectivement ni émotionnellement. Mais j’ai eu honte de ressentir tout cela alors que je ne manquais de rien. Et pourtant… Un jour, ma sœur me parle d’elle, de nos parents, de son ressenti et elle décrit à la perfection tout ce que je ressens. Nous avons grandi ensemble mais nos chemins ne se sont pas croisés étant enfants. Sa chambre, en face de la mienne, chacune chez soi, portes fermées, comme si nous habitions en colocation.
Peur de reproduire le même schéma avec mes enfants
Nous avons les mêmes blessures. Cette discussion a changé beaucoup de choses pour moi. D’abord avec ma sœur nos chemins se sont enfin retrouvés. Puis j’ai compris que mes blessures d’enfance étaient réelles, que je ne devais pas les sous estimer. J’ai alors commencé à pardonner à mes parents. Cela m’a pourtant un peu détaché d’eux. Comme si je m’étais résolu à tourner la page des parents idéaux dont je rêvais. Aujourd’hui, j’ai compris que c’était à eux, en tant que parents, de construire ce lien avec moi.
Récemment on m’a dit de moi que j’étais un cœur de pierre, sans sentiments. Je crois que ce sont les paroles les plus blessantes que j’ai entendues de toute ma vie. Car si cela est vrai alors je suis devenue tout ce que je ne voulais pas devenir : une insensible. Parce que ma seule crainte à l’heure actuelle, c’est d’être moi-même… Incapable d’accompagner mes futurs enfants dans les étapes importantes de leurs vies et de tisser un lien privilégié avec eux. De ne pas parvenir à installer ce dialogue qui, moi, m’a tant manqué. Comment faire lorsqu’on ne t’a pas montré le chemin ?
Violette, 25 ans, éducatrice spécialisée, Le Mans
La seule différence entre vous et moi »’ c’est que je suis un homme et vous êtes une femme »’ mais nous avons eus le même problème »’ j’ai grandi sans connaître l’amour de mes parents particulièrement ma mère » c’est grave de dire sa » mais jai beaucoup souffert » alors j’espère qu’un jour que puisse raconter aussi ma vie avec mes enfants »’ Du courage