En Gambie, on tue n’importe qui
On est venu en France car toute la famille y était déjà. Ma sœur et moi, on est arrivé en dernières. Nos parents y étaient bien avant. Donc on est restées en Gambie avec ma grand-mère et mon oncle. Quand je suis arrivée en 2019, j’avais 12 ans. Je n’étais pas contente, je voulais rester en Gambie, car mon oncle et ma grand-mère ne sont pas venus avec nous, et c’était mes seuls repères vu que j’avais grandi avec eux. J’ai rejoint mes parents. Mais encore aujourd’hui je n’aime pas, car je n’ai pas eu l’habitude de vivre avec eux. J’aime la France, un peu.
Ma meilleure amie a été kidnappée
Cet été, je voudrais retourner en Gambie avec mes deux petites sœurs. Ça ne dérange pas trop mon père, mais il est inquiet. Il ne va pas venir car il n’a pas envie. Il y était déjà allé pendant deux ans. Il est rassuré car il y a ma tante qui va être avec nous.
Il est un peu inquiet car là- bas, il y a des hommes qui viennent enlever et tuer les gens, n’importe qui. Ils ont enlevé ma meilleure amie. On ne sait pas où elle est, on ne l’a jamais revue. Ça m’a marqué, sa mère a envoyé un message en disant que ça faisait deux semaines qu’elle n’avait pas vu sa fille. J’ai vu les photos partagées dans la conversation alors j’ai partagé à tous mes contacts. Après je suis arrivée en France. C’est aussi pour cette histoire que mes parents m’ont fait venir.
Mes amis sont jaloux que je sois ici, ils disent : « Pourquoi t’es partie là-bas ? » Moi je leur dis qu’on m’a juste envoyée ici. Si j’y retourne, je vais régler mes comptes. Il n’y a qu’une amie avec qui je parle toujours, qui est très inquiète pour moi. Et moi je suis très inquiète pour elle.
En France, les hommes agressent aussi
Malgré cette histoire, je n’ai pas peur d’y repartir car moi, je ne sors pas. Je reste tout le temps dans la maison. Mes parents ne vont pas m’accompagner car ils y sont allés il n’y a pas longtemps. Ils doivent travailler aussi. On aimerait y retourner tous ensemble. Mon père veut qu’on y aille les prochaines vacances d’été. Il serait plus rassuré d’y aller avec moi. Si je pars là-bas, je ne reviens pas.
En Gambie, je ne sortais pas car ma grand-mère avait peur qu’il m’arrive quelque chose. Mes amis sortaient tout le temps. Et en France je suis plus en sécurité. Là-bas, ma tante ne me laissait pas sortir, et c’est aussi pour ça que mon père était inquiet. En Gambie, si je ne travaillais pas elle me tapait, je devais faire la cuisine, la vaisselle… Et en France ça n’arrive plus car je vais à l’école, je sors tout ça, mais je continue d’aider.
Plus tard j’aimerais retourner vivre en Gambie, pour voir ma grand-mère qui me manque. Je lui parle souvent, je suis très inquiète pour elle. Elle est rassurée que je sois ici, mais elle est quand même un peu inquiète à cause des hommes dans la rue. En France, ils agressent. Elle m’a dit « Tu sors pas là-bas ? » J’ai répondu que je restais à la maison. Elle m’a dit : « Oui, c’est mieux comme ça. »
Mbayen, 15 ans, collégienne, Paris