Marion L. 09/11/2021

L’humanitaire, de mon rêve à la réalité

tags :

Quand Marion est arrivée en Inde dans le cadre d’un projet solidaire, tout ne s’est pas passé comme prévu. Pleine de bonnes volontés, elle a vite déchanté.

Photo de deux jeunes femmes déchargeant un camion des denrées alimentairesDepuis que je suis toute petite, deux rêves guident ma vie : faire de l’humanitaire et faire le tour du monde. Alors, lorsqu’on m’a proposé de rejoindre une équipe de cinq jeunes pour un projet solidaire d’un mois en Inde, je n’ai pas hésité très longtemps.

Notre projet consistait à donner des cours de mathématiques, de sciences ou d’histoire, en anglais, aux enfants d’un petit village du nord de l’Himalaya, Ichar. À leur proposer aussi des activités ludiques après l’école, et à rénover un internat. Pendant trois semaines. Quoi de mieux pour une fille qui rêve de voyage et d’humanitaire ? Après notre départ, les petits qui habitent la vallée pourraient rester en cours, au village, dans une structure convenable et accueillante. Je n’étais jamais allée en Asie, ça allait être mon baptême du feu.

Une fois sur place, la réalité fut un peu différente.

Difficile de comprendre ce qu’on attendait de nous

Nous avons appris que les enfants seraient en vacances une semaine après notre arrivée. Même si la rénovation de l’internat et les activités ludiques pouvaient toujours avoir lieu pendant la seconde partie du projet, nous nous sommes sentis un peu pris de cours. Nous allions donc concentrer les cours et les activités sur la première partie du temps, pour pouvoir profiter des enfants au maximum.

La première semaine, nous avons compris le fonctionnement scolaire du village. Il y avait trois professeurs pour toute l’école. Par manque de place, certaines salles accueillaient plusieurs niveaux. Les élèves étaient très autonomes. Chacun amenait ses propres livres scolaires et étudiait la matière qu’il voulait, seul ou à deux. Au départ, nous ne savions pas dans quelle classe aller, quelles matières nous devions leur enseigner, où en étaient les élèves dans le programme…

Il était difficile de comprendre ce que les professeurs attendaient de nous. Mais je pense qu’eux non plus ne savaient pas trop quoi faire de notre présence. Les plus petits n’avaient pas encore appris l’anglais, donc lorsque nous étions avec eux, nous dessinions ou nous leur apprenions des chansons.

Chansons en français et calcul en zangskari

Nous n’avons pas été très utiles pour les aider à comprendre les cours, mais nous avons apporté quelque chose à ces enfants. Notre présence leur a permis d’en apprendre plus sur une culture différente de la leur, une autre façon de vivre, de se comporter. Nous leur avons appris des jeux et du vocabulaire français. Eux nous ont appris comment compter en zangskari (langue tibétaine parlée au village, et en voie de disparition).

Les différentes conversations que j’ai pu échanger avec les enfants m’ont beaucoup appris sur leur façon de vivre, leur culture. J’ai été marquée par l’importance du village pour eux. Les plus grands de l’école voulaient partir pour faire des études, devenir médecins, biologistes… Mais ils voulaient surtout revenir dans leur village natal après avoir obtenu leurs diplômes.

Je doute fort que nos modifications améliorent le quotidien des enfants

L’argent récolté par l’association via des événement caritatifs organisés en France a permis de construire l’internat, et de le rénover au fur et à mesure. Il accueille des enfants habitant dans des villages plus ou moins éloignés dans la vallée (certains se trouvent à trois jours de marche d’Ichar). L’internat est gratuit, ce qui permet notamment aux filles d’avoir accès à l’école. Traditionnellement, dans les familles, le fils aîné est envoyé au monastère tandis que le ou les fils cadets sont envoyés à l’école. Souvent, les filles restent avec leur mère pour l’aider à la maison. Le fait que l’école et l’internat soient gratuits pousse les parents à donner une éducation scolaire à tous leurs enfants.

Nous n’avons pas participé à de vraies rénovations à l’internat, mais plutôt à des petites retouches. Nous avons déplacé un tas de sable, rebouché quelques trous, et fait une digue extérieure pour les rares fois où la pluie pointe le bout de son nez. Je doute fort que nos modifications améliorent le quotidien des enfants qui y vivent. Malgré tout, cela reste une marque concrète de notre passage dans le lieu. Les années précédentes, les travaux sur l’internat avaient été beaucoup plus importants, ils ont littéralement construit l’internat. Il y avait eu un avant et un après.

Difficultés de communication et échanges limités

Les échanges étaient limités avec les familles chez lesquelles nous dormions. Nous étions hébergés dans trois familles d’accueil différentes. Je vivais avec un ami dans une maison typique du village. L’un des points frustrants, c’est qu’ils nous préparaient des bons petits plats que nous mangions devant eux, ou qu’ils nous amenaient dans notre chambre, sans les partager avec eux. Et la famille ne parlait pas anglais… Les enfants apprennent l’anglais à l’école, mais les générations antérieures ne le parlent pas. La famille est restée très accueillante, mais les échanges étaient forcément réduits.

Je ne pense pas que le réel problème vienne de l’association, ou du projet. Ma déception est associée au fait que la réalité de cette expérience est différente de celle dans laquelle je m’étais projetée. Notre contact sur place ne pouvait nous répondre que lorsqu’il descendait dans une ville plus en aval de l’Himalaya, pour avoir accès à internet. Ces difficultés de communication n’ont pas aidé à bien comprendre les besoins des villageois.

Plus facile de vouloir sauver le monde loin de chez nous…

Cette expérience m’a bien sûr enrichie ! Mon envie de tour du monde, de découverte d’autres cultures, d’autres croyances n’a fait que grandir depuis. Les visages, la simplicité des rencontres et l’amour que j’ai pu recevoir me marqueront toute ma vie. Malheureusement, il est difficile de garder contact avec les enfants que nous avons rencontrés, ils n’ont aucun réseau social, vu qu’il n’y a pas de connexion internet.

Je sais que réaliser un projet solidaire est faisable, mais que cela nécessite un réel travail en amont. Idéalement, il faudrait pouvoir communiquer efficacement avec le contact sur place. Bien comprendre, aussi, ce qu’il attend de la venue des volontaires. Et surtout ne pas trop se projeter, pour vivre le moment présent sans être déçu.

Également déçue par l’expérience humanitaire, Sarah raconte l’envers du décor de la profession dont elle rêvait tant. Elle témoigne de son expérience de salariée dans différentes organisations non gouvernementales.

Photo un peu floue d'une conférence de presse d'une ONG, on aperçoit une foule de journalistes assis devant des panneaux faisant la promotion de cette ONG.

J’aimerais orienter mes études vers le domaine de l’humanitaire et je m’appuierai dessus pour ne pas refaire les mêmes erreurs. Je pense qu’il faut rester assez humble quant à l’aide réelle apportée.

Nous n’avons pas besoin de partir loin pour apporter quelque chose à quelqu’un. Mais je pense qu’il est plus facile de vouloir sauver le monde loin de chez nous… plutôt que de regarder les problèmes qu’il y a en bas de notre appartement. Je n’ai offert qu’une rencontre aux villageois, mais j’ai tellement reçu de cette première expérience. J’espère que la vie m’offrira de vivre d’autres voyages solidaires.

Marion, 21 ans, volontaire en service civique, Lyon

Crédit photo : Unsplash // CC Joel Muniz

 

Le complexe du White Savior

Le whitesaviorism, c’est quoi ?

C’est le sentiment, en tant que Blanc·he·s, d’être légitime à aider les populations des pays du Sud, et à se présenter comme un sauveur ou une sauveuse alors qu’on n’a pas de compétence spécifique. Cette attitude est clairement un héritage de la colonisation, à l’époque où les Blanc·he·s se donnaient pour mission de civiliser le reste du monde.

 

Le « volontourisme » est un vrai business

Certaines agences de voyages se sont spécialisées dans le « volontourisme » : elles proposent des voyages (à prix d’or) durant lesquels les touristes participent à des missions, souvent inutiles, mais qui leur permettent de booster leur ego.

 

Ce phénomène est amplifié par les réseaux

Les contenus voyage fleurissent sur les réseaux… et le whitesaviorism aussi. Se présenter comme un héros, ça ramène des likes !

 

 

Partager

Commenter