Ma mère malade, c’est moi l’adulte
J’ai échangé les rôles avec ma mère, à cause de sa maladie. Elle est tombée malade quand j’avais 8 ans, elle a eu la syringomyélie. Au début, elle a essayé de la surmonter, mais plus ça allait, plus elle se laissait aller. Elle a décidé d’arrêter de se battre : elle passait ses journées à dormir et ne voulait plus sortir ni voir personne.
À partir du collège, j’ai dû commencer à m’occuper d’elle car mon père ne revenait que les week-ends. Il travaillait dans un bureau d’études dans les Yvelines, et mon frère et ma sœur étaient partis de la maison pour leurs études. Je lui faisais à manger et je la mettais au lit. Même si des fois on ne s’entendait pas, j’étais là pour elle. J’étais devenue la maman de la maison.
Heureusement que mon père et ma sœur étaient là pour me rappeler que j’étais une ado. Il m’emmenait faire des magasins avec lui, et me déposait pour des sorties avec mes potes. J’ai commencé à sentir une différence avec mes potes au collège, parce qu’ils s’engueulaient pour des conneries, mais moi je passais au-dessus de ça.
Une charge trop lourde sur mes épaules
Ça commençait à être compliqué pour moi de gérer ça. La journée, j’étais au collège. Quand je rentrais, je faisais mes devoirs et après je m’occupais du repas. Les tâches ménagères, c’était mon père qui les faisait. Mais, très souvent, je mangeais seule parce que ma mère dormait la journée et vivait plutôt la nuit.
J’ai commencé à me mutiler à 12 ans, c’était une charge trop lourde sur mes épaules. Je l’ai caché à mes parents pendant cinq ans. Ma sœur était au courant depuis deux–trois ans. Je lui avais demandé de ne surtout pas leur en parler parce qu’ils se mettraient dans des états pas possibles, et je lui ai dit que j’arrêterais. Sauf que je ne l’ai jamais fait. Il y a des jours, des semaines ou même des mois où je vais bien et j’arrête, et d’autres jours où c’est plus dur. Souvent parce que ma mère revient dans ma vie et ça me rend mal.
Pour ma rentrée au lycée, mes parents ont décidé que je parte vivre avec mon père et mon frère dans les Yvelines. Mon père continuait à revenir les week-ends pour s’occuper de la maison et pour voir ma mère. Mon année de seconde a été super, j’avais enfin le sentiment d’être une ado, d’être libre, je me sentais enfin à ma place. Ce n’était pas la même mentalité qu’au collège, je sortais les week-ends avec mes potes et on faisait des soirées. Mais je continuais à voir ma mère deux fois par mois quand j’allais dans ma maison de campagne.
C’était ma mère la gamine de 17 ans
Mais quand je suis rentrée en première, ça a commencé à être la merde. Ma mère est revenue plus souvent nous voir, sauf qu’elle vrillait parce qu’elle s’était mise à réduire son traitement. C’était elle la gamine de 17 ans et moi la mère. J’étais même obligée de l’engueuler parce qu’à chaque fois, elle disait : « Oui, mais comprends, je veux vivre ma vie, faire des choses que je n’ai pas pu faire quand j’étais plus jeune. J’ai consacré trente ans de ma vie pour ma famille, du coup il faut bien que je profite. » Sauf qu’elle n’avait pas compris qu’elle avait encore une enfant de 17 ans à charge. Non, elle préférait faire sa vie et m’abandonner.
À 16 ans, Louisa se sent déjà mature et responsable. Elle aimerait bien que les adultes prennent enfin sa génération au sérieux.
Elle voulait faire des voyages seule et surtout avoir une nouvelle vie sans nous. Quand elle partait, on n’avait aucune nouvelle. Sauf qu’elle revenait nous voir quand c’était la misère pour elle, surtout quand elle n’avait plus d’argent. Là, on était bien sûr sa famille. Je n’arrêtais pas de dire à mon père (je m’énervais presque) qu’il ne fallait surtout pas lui donner de l’argent parce qu’après elle allait repartir, puis revenir quand elle n’en aurait plus, puis repartir… Bref, ça allait devenir un cercle vicieux.
J’ai dû couper les ponts avec elle
Ce n’était plus possible. J’ai dû couper les ponts avec elle. En attendant que la situation se stabilise pour mon père, je vis chez ses amis. Heureusement que ma famille est là pour moi. Et, maintenant, j’ai de la chance d’avoir des amis qui me comprennent et qui sont là pour moi, eux aussi.
J’ai appris à grandir beaucoup plus vite. Je sais que, quand je vais rentrer dans le monde des adultes, j’arriverai à me débrouiller seule et à gérer ma vie de famille. Je sais que je serai là pour mes enfants, dans les bons comme dans les mauvais moments, parce que c’est ça, être une mère.
Angelina, 17 ans, lycéenne, Île-de-France
Crédit photo Pexels // CC Cottonbro
Les jeunes aidant·e·s
Ils et elles sont nombreux·ses et jeunes
Un·e jeune aidant·e, c’est un·e enfant ou un·e adolescent·e qui aide au quotidien un membre de sa famille qui a des problèmes de santé. Ils et elles sont environ 700 000 en France, et ont en moyenne 16 ans.
Ils et elles y consacrent beaucoup de temps
Dans 73 % des cas, le ou la jeune aidant·e consacre au moins une heure par jour à la personne malade. 36 % des jeunes dans cette situation y passent plus de deux heures quotidiennes. L’aide est principalement morale et ménagère.
Ce statut a un impact sur l’enfant
Dans 34 % des cas, le ou la jeune est obligé·e d’être en retard ou absent·e de l’école. 75 % d’entre elles et eux se sentent fatigué·e·s et ont des douleurs physiques liées à cette aide. Enfin, plus de la moitié estime que leur statut les empêche de profiter de leur jeunesse.
je confirme que le role d un jeune aidant est dans l avenir difficile à vivre bien à moins qu iln’y a aucune epreuve derriere pas de rupture sentimentale ni chocs emotionnels forts.
je sui moi meme victime aujourd hui d avoir aider depuis l age de 16 ans une mere atteinte d un guillain barre et d un chron severe.
tres forte et pourtant tres equilibre j ai perdu mon travail mes reperes et suis aujourd hui dans l attente d une reconnaissance d inaptitude au travail.
j ai fait le burn out .
prenez soin de vous avant de passer à autrui meme si les sentiments sont tres forts.
Cordialement.