Pour moi, les autres sont des extraterrestres
Depuis toute petite, je suis timide : les gens me mettent mal à l’aise. Je reste souvent à l’écart même avec le peu de filles que je côtoie. Petite, mes soi-disant copines, je les trouvais hypocrites. Ça n’a fait que se dégrader lorsque je suis partie vivre en Algérie. J’avais neuf ans mais je comprenais déjà le regard des autres. Les deux premières années là-bas ont été extrêmement difficiles pour moi mentalement et physiquement. J’ai dû apprendre l’arabe, redoubler et perdre deux années de scolarité. Le peu de confiance en moi que j’avais s’est évaporé. Ma timidité et ma peur d’échouer était vraiment quelque chose de dur à vivre.
Je ne comprenais pas pourquoi on me trouvait différente
On s’approchait ou venait vers moi juste par curiosité, parce que je venais d’un pays différent, mais je n’arrivais pas à saisir pourquoi on me trouvait différente : je suis algérienne comme eux (enfin ma mère est française et mon père algérien, et moi j’ai la double nationalité), je suis humaine comme eux, y’avait juste le fait qu’on parlait plus ou moins la même langue, vous voyez ? J’étais dans une école privée où le programme était en français et en arabe mais je n’arrivais quand même pas à suivre. C’était souvent difficile d’étudier les deux langues sachant que je connaissais à peine l’arabe. Un casse-tête et, cerise sur le gâteau, les profs ne m’aidaient pas.
À ce moment-là, je ne voyais pas souvent mon père. Pourtant, ma mère avait décidé de nous emmener ma sœur et moi en Algérie, justement pour qu’on puisse le voir plus souvent. Je n’ai toujours pas compris pourquoi elle avait eu cette idée. Avec le temps, je me suis améliorée en arabe même si j’ai toujours eu des difficultés.
Revenir en France : le soulagement
Je suis revenue habiter en France en septembre 2021. Cette nouvelle m’a énormément soulagée, mais pas forcément réjouie parce que j’avais un peu peur du retour, peur que ça fasse comme en Algérie car je n’avais plus aucun contact en France. Les filles que je connaissais pendant mon enfance, je n’avais pas du tout essayé de rester en contact avec elles, et inversement. J’ai juste noué des rencontres virtuelles, particulièrement quelqu’un avec qui je me suis directement bien entendu.
Ce que je craignais a bien eu lieu : j’ai toujours du mal à créer des liens avec les autres et les gens me paraissent grossiers entre eux. Ça ne me donne pas vraiment envie de les approcher. Depuis ma naissance, mettre un pied dehors, rien que pour marcher devant une personne, est une épreuve. Je commence à avoir les mains moites, mon souffle commence à s’agiter pour un rien et la seule chose à laquelle je pense, c’est l’heure à laquelle je rentrerai. Je n’aime pas les gens, du moins, je ne les supporte pas et je n’aime pas l’agitation, je n’aime pas le bruit, je n’aime pas les espaces extérieurs. Le seul moment où je me sens vraiment bien, c’est chez moi ou quand je suis dans ma tête et que mes pensées s’enchaînent en moi.
Un sentiment d’incompréhension
Ma timidité est toujours là, encore plus forte qu’avant. Un regard suffit pour que je me méfie, c’est désagréable de voir des personnes hypocrites ou méchantes envers moi. Je ne vois que ce regard de jugement ou de méchanceté. Je trouve que les gens n’ont aucun filtre verbalement, aucune honte, ils sont juste capables de dire des mots chelou et ça, ça les rend vraiment moches. De nos jours, les gens se basent sur le physique et du fait que tu n’as pas les mêmes délires qu’eux, que t’es différente ou que tu n’as pas un style cool qui leur convient, t’es naze, c’est tout. C’est ce genre de pensées et de réflexions bizarres que la plupart des jeunes de mon âge ont. Et que je ne comprends pas. C’est comme si l’amitié se basait juste sur l’hypocrisie, avec des coups bas et des trahisons, et c’est un peu triste je trouve. Pour moi, l’amitié devrait se construire avec une seule personne, du moins, si cette personne existe…
Éléïa, 16 ans, Villiers-le-Bel