Je me sens gros et j’ai du mal à tisser des liens
Je n’ai pas d’amis, que ce soit garçons ou filles. J’ai grandi en mode : le petit qu’on clashe pour rigoler. À l’école, on me donnait des surnoms sur mon poids comme le « petit gros, dents de castor »… J’étais très isolé. Je ne parlais à personne. Sauf quelques fois, quand je faisais de la peine à mes camarades (si on peut les appeler comme ça), ils me parlaient un peu. Parfois, y’en avait qui voulaient seulement savoir mes faiblesses, pour les répéter. Ils avaient pour habitude de me lancer des piques, les profs ne disaient rien et, moi, je n’en parlais pas à ma famille parce que j’avais honte.
Vu que j’étais gros, les piques m’ont suivi jusqu’au collège. On me disait la même chose ! Jusqu’à ce que je décide de frapper quelqu’un… En gros, le pelo était dans l’abus. Les autres à un moment, ils arrêtaient. Mais lui, non. Toujours là à rendre ouf ! Et à un moment : stop ! Fin ! Voilà… ça a gâché ma scolarité… mais je n’avais aucun moment où je pouvais souffler.
Maigrir n’a pas suffi pour être accepté
Pendant ma période de troisième en prépa pro, j’ai décidé de faire un jeûne intermittent. ça consiste à ne rien manger jusqu’au soir. Sauf que j’ai fait les choses à ma manière. Le soir, je mangeais n’importe quoi, et en journée, je mâchais des chewing-gums. Même si, depuis petit, ma mère m’a toujours incité à manger de bonnes choses, quand je suis seul, je mange plutôt des kebabs, ice teas, barres chocolatées, etc. Pas beaucoup de choses bonnes pour la santé. Pendant cette année-là, avec les cours de sport et l’école, je me suis donné à fond, ça m’a permis de maigrir. Arrivé au lycée, les gens ne me harcelaient plus sur mon poids. C’était une occasion en or pour parler à de nouvelles personnes, mais bon…
Malheureusement, je suis tombé dans un lycée pro électrotechnique contre mon gré. Il y avait seulement des garçons. C’était très frustrant. Il fallait se distinguer des autres, ne pas être le kassos du lycée, il fallait jouer un rôle pour ne pas se faire marcher dessus. Je faisais en sorte d’être la personne énervée pour qu’on me laisse tranquille. Je n’avais pas d’amis et ça ne m’intéressait pas d’en avoir. Heureusement je ne suis resté que deux ans sur cinq, là-bas. Entre nous, dès le début, je n’imaginais pas rester plus longtemps, je serais devenu fou.
Je vis pour le regard des autres
Pour me faire des amis, ou rencontrer une fille, j’ai décidé d’aller sur Twitter. En gros, je commentais des tweets sur le métissage, des personnes partageaient mon avis et me répondaient. Je voulais juste être en relation avec quelqu’un qui me rassure et qui soit sincère. Mais malheureusement, je ne savais pas distinguer « aimer amicalement » et « aimer amoureusement ». Ce qui fait que souvent, quand je pensais qu’une fille m’aimait, bah je m’attachais, mais c’était dans le vent, très souvent. Je (me dis que je) n’aurais jamais dû.
Pour les amis, j’ai essayé plusieurs fois et j’essaye toujours. Mais souvent les gars de Twitter veulent juste faire du buzz, en affichant les gens ou autre.
Pourquoi Twitter et pas dehors ? Tout simplement, parce que j’ai pas les couilles d’aller voir quelqu’un et lui parler, normal. Les réactions des gens m’intriguent trop. C’est trop stressant, déjà que je suis quelqu’un de stressé dans la vie.
J’ai l’impression de vivre pour le regard des gens. Je pense que c’est lié à la grossophobie que j’ai subi. Aujourd’hui, je me sens toujours gros. J’aimerais prendre de la masse musculaire pour me sentir bien dans ma peau, pour que je puisse me voir dans le miroir et me dire : « Ouais toi t’es beau petit gamin va ! »
Hamide, 18 ans, en recherche d’emploi, Paris