Mon histoire avec mon prof
Ma « première fois », c’était une première fois qui n’arrive normalement que dans les films. C’était avec celui qui a été mon prof d’économie au lycée (par souci d’anonymat, j’ai changé sa matière d’enseignement).
J’étais en terminale. Je n’avais jamais eu d’histoire d’amour ou de relations sexuelles avec un garçon. Des petits flirts en soirée, des rendez-vous, mais rien qui n’a suffisamment retenu mon attention pour passer le cap. Je voulais une aventure, quelque chose de rare. J’attendais. Et, à chaque rentrée scolaire, je me demandais si, cette fois-ci, je finirais par avoir une vraie relation.
Le nouveau prof d’éco
Septembre 2017, nouvelle et dernière rentrée au lycée. Je suis assise à côté de ma meilleure amie pour le premier cours d’économie de l’année. Le prof rentre en classe. Il est nouveau et très jeune. 32 ans. Réaction générale des filles de la classe : « Il ressemble à un acteur américain ! » (dont je tairai le nom). Je ne trouve pas la ressemblance si frappante. Il s’assied et se présente. Ma meilleure amie (qui connaît mon goût pour les hommes plus âgés) me glisse à l’oreille : « Ce n’est pas le moment de tomber amoureuse Lola. » Je ris et fais mine de ne pas avoir compris.
Les cours passent, je suis intéressée par la matière, je participe aux cours et pose des questions. Une certaine rumeur circule dans la classe selon laquelle ledit prof me fixerait en classe. Ma meilleure amie confirme. Je réponds que c’est faux, il est impossible qu’un prof ait un comportement ambigu avec une élève. Enfin, cela s’est déjà produit dans l’histoire, mais pourquoi cela m’arriverait-il à moi ?
Pendant les vacances de Noël, je le croise avec des amis à lui dans un centre commercial, il m’aborde et entame la discussion. Je dois acheter des livres, il me conseille sur les auteurs. À la fin de l’échange, il m’ajoute sur Facebook. Nous n’avons pas parlé tout de suite. Janvier 2018, je suis malade et n’ai pas pu assister au cours d’économie. Il m’envoie un message pour savoir pourquoi je n’ai pas pu venir. Je lui explique.
Depuis cet échange, nous discutons tous les jours, de temps en temps jusqu’au moment de rentrer en classe. Au début, les discussions sont plutôt intellectuelles ; on échange sur notre passion commune pour le cinéma, on parle de romans, d’art… Puis, notre communication se fait plus intime. On se raconte nos journées, nos peurs, nos souhaits. Un jour, il me confie sa peur panique de l’avion, ou encore le divorce de ses parents parce que sa mère avait trompé son père…
Un verre, dans un bar
Il finit par me proposer de prendre un verre à la fin des cours, un vendredi en fin d’après-midi, dans un bar. J’en parle immédiatement à ma meilleure amie, qui est vraiment excitée pour moi. Je suis un peu anxieuse parce que c’est la première fois que j’ai un vrai rendez-vous. C’est un date, mais à ce moment je refuse toujours de m’admettre l’évidence, à savoir que j’entame une relation intime avec mon prof.
Évidemment, attirée par le goût du sensationnel, j’accepte. Nous prenons une bière et passons un moment très agréable. Le soir, en rentrant, je lui envoie un message pour le remercier. Il me répond qu’il a beaucoup apprécié ma compagnie et me demande si je veux recommencer. J’accepte. À partir de cette soirée, nous commençons à nous voir au moins une fois par semaine, dans des cafés et bars cachés de Marseille pour éviter d’être reconnus.
Un jour, nous sommes pris en photo par deux élèves de ma classe, et elle circule dans le lycée, ce qui fait courir une rumeur nous concernant. Je lui en parle, il me répond qu’il s’en moque parce que de toute façon il n’y a qu’une photo et que l’année prochaine, il change de lycée. Il me dit donc qu’il veut continuer à me voir mais plus discrètement, notamment le week-end, où on risque moins de croiser des élèves.
De plus en plus d’allusions
Plus nous nous voyons, plus nos discussions prennent un chemin sexuel. Je lui confie que je n’ai jamais eu de relations sexuelles. Il me répond qu’aucun garçon ne m’arrive à la cheville (sûrement pour se mettre en valeur). C’est la première fois que je suis confrontée à un langage sexuel aussi concret. J’en parle à ma meilleure amie qui, évidemment, conserve le secret. Elle s’amuse, tout comme moi, de la situation.
Vers la fin de l’année, ce qui n’est qu’un jeu devient encore plus réel quand il me propose, après le bac et mes 18 ans, de le rejoindre un week-end à Aix-en-Provence, d’où il est originaire. Officiellement, il n’est plus mon professeur, et je suis majeure depuis peu.
J’accepte avec enthousiasme, et une pointe d’appréhension. Je sais que je vais avoir ma première relation sexuelle avec quelqu’un qui a été mon professeur.
Nous nous voyons dans un bar tous les deux pour fêter la fin du bac. Il m’annonce qu’il est en couple. Cela me fait l’effet d’une gifle. Je suis tombée amoureuse de lui, parce que je vis enfin l’histoire hors de l’ordinaire que j’attendais. Je réussis à cacher mon chagrin pour finalement répondre que cela ne change rien à mon envie de passer ce week-end avec lui.
Un week-end de rêve avec mon prof
Le jour tant attendu arrive. Je mets ma peine de côté et me fait belle pour lui. Je passe un week-end incroyable. J’avais dit à mes parents que je partais passer le week-end avec une amie. Ils ignorent tout de cette histoire.
Mon ancien prof a loué un joli Airbnb pour deux nuits. On va au cinéma et mange au restaurant. On se donne la main dans les rues, comme un « vrai » couple, mais ce n’est pas le cas. Au moment où ma première fois a lieu, je suis décontractée, parce qu’elle correspond à l’idée que je m’en étais faite : une première fois différente de celle des autres.
Je pense naïvement pouvoir le faire tomber amoureux de moi en m’offrant à lui. En vain, bien sûr.
Pendant l’été qui suit, nous continuons de parler, puis il m’annonce qu’il a accepté un poste permanent dans le Nord de la France. Nous nous revoyons une dernière fois, quelques jours avant son déménagement. Il m’annonce qu’il se sépare de sa conjointe. Je suis heureuse, pensant qu’il le fait pour moi. Mais non. Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles. J’ai souffert pendant un an avant de parvenir à clore définitivement le chapitre de cette histoire.
Pas de regrets, mais un peu d’amertume
Aujourd’hui, plusieurs années après, je n’ai pas réellement de regrets concernant cette courte relation. Je suis évidemment au courant qu’elle a de quoi être moralement condamnée. Je suis et étais évidemment au courant de l’interdiction d’entretenir une relation avec un professeur en raison de l’autorité qu’il a, mais également de la pratique qui consiste à préparer mentalement un adolescent à avoir une relation sexuelle : c’est ce que l’on appelle le « grooming ».
Mais, au moment où je vivais cette histoire, je me refusais à admettre que ses intentions n’étaient peut-être pas pures. Je pensais naïvement qu’il s’agissait d’une histoire d’amour impossible où nous souffrions tous les deux, alors qu’en réalité j’étais la seule à avoir mal.
Le premier amour de Ninetta lui a fait perdre toute sa confiance en elle. À cause des critiques de son mec, elle est restée complexée pendant très longtemps.
Je n’ai aucune nouvelle de lui et je pense qu’il a tout de même profité de son statut pour arriver à me séduire. Aujourd’hui, je ne reproduirai certainement pas la même erreur parce que je me rends compte maintenant que c’était malsain. Je serais très inquiète si, un jour, un de mes enfants se retrouvait dans cette situation. Mais, pour autant, je ne peux pas nier avoir été consentante. J’étais majeure et pouvais enfin vivre quelque chose d’interdit qui n’arrivait à personne.
Enfin, et à titre de conclusion, je déconseille aux élèves qui ont un « crush » sur un ou une de leur professeur·e d’essayer d’obtenir ce type de relation, qui ne peut pas bien se terminer, et je conseille de dénoncer à la hiérarchie toute attitude déplacée de la part d’un ou une enseignant·e.
Lola, 21 ans, étudiante, Paris
Crédit photo Unsplash // CC Jack Finnigan
GROOMING
[ɡʁɔɔmiŋ] n. m.
Le grooming, ou pédopiégeage, est une stratégie de séduction mise en place par les pédocriminel·les. Elle consiste à créer une relation de confiance avec un·e mineur·e dans le but d’abuser sexuellement d’elle ou lui.
La ou le pédocriminel·le fait croire à sa victime qu’elles et ils partagent une relation amicale ou amoureuse (échange de cadeaux, de secrets, etc.), pour dériver petit à petit vers des sollicitations sexuelles.
Les jeunes filles de 12 à 15 ans sont les cibles privilégiées des « groomers ». Dans 70 % des cas, la relation est créée ou entretenue via les réseaux sociaux.