Maigre, ma souffrance est sous-estimée

Devons-nous obligatoirement passer par le harcèlement pour se forger un caractère et s’accepter comme on est ? Je pense que non. Mais moi, le harcèlement m’a finalement aidé à me décomplexer de mon corps « maigre», « anorexique » comme on me disait au collège.

Cela a commencé quand j’étais en 6ème par des remarques passagères du style « cure-dent » , « crevette ». Mais ce style de remarques ne me touchait pas plus que ça car je pensais pas qu’elles se moquaient.

Je pleurais seule le soir

C’est à partir de la 5ème que cela a pris une tournure différente. Un jour dans le rang de la cantine, une fille a regardé mon poignet et m’a dit cette phrase : « Comment tu fais pour t’accepter dans ton corps ? Regarde comme t’es maigre ! ». Cette phrase m’a fait une sueur glaciale dans le dos.

Le soir en rentrant, je n’ai rien dit à mes parents. Je n’avais pas envie de les inquiéter en leur disant que leur fille était harcelée. Je préférais garder cette histoire pour moi en pensant que ça allait s’arranger tout seul. En allant me coucher, je pleurais en silence dans ma chambre pour ne pas que ma grande sœur m’entende. Tous les soirs, j’appréhendais d’aller au collège le lendemain. Il y a même des jours où je disais à ma mère que j’étais malade pour ne pas aller en cours.

Maigre, ma mère a vécu la même chose

Un soir alors qu’elle me disait bonne nuit, j’ai fondu en larmes. Je lui ai tout avoué et je me suis sentie libérée. Je savais que mes parents allaient pouvoir m’aider. Ils ont tout fait pour me faire sentir belle. Ils me proposaient de changer de style vestimentaire, de changer de coupe de cheveux comme je voulais. Et ça a marché.

Il faut dire que ma mère a elle aussi vécu la même chose étant petite, les mêmes remarques. Quand elle me racontait ce qu’elle avait vécu, j’avais l’impression qu’elle me racontait ce que moi j’étais en train de vivre. C’est devenu mon exemple de vie. Elle m’a montré que même en ayant un physique qui ne plaît pas aux autres, tant qu’il nous plaît à nous, c’est l’essentiel.

Mes parents ont appelé la principale adjointe du collège. Elle a décidé de me convoquer le matin dans son bureau pour que je puisse lui expliquer la situation. Le matin arrive et le rendez-vous avec la principale adjointe se présente. Je ressentais du stress à l’idée de devoir me livrer à une personne que je connaissais sans plus. En entrant dans son bureau toute tremblante, je m’assois sur une chaise et lui raconte l’histoire.

La fille a fondu en larmes

Elle me répondait que mon corps était très bien et que c’était pas une fille qui décidait de comment je devais être. Elle m’a demandé le nom de la personne qui me faisait ces remarques et est allée la chercher dans sa classe pour qu’on soit confrontées dans le bureau. La fille est arrivée, et quand la principale adjointe lui a parlé, elle s’est mise à pleurer.

Elle comprenait qu’elle avait fait une erreur. Je voyais dans ses yeux qu’elle regrettait. Alors j’ai eu un élan de gentillesse en lui disant que je lui pardonnais. Le soir en rentrant chez moi, j’ai reçu un message de la fameuse fille. Elle s’excusait encore, en me disant qu’elle ne pensait pas que ça allait me blesser et que j’étais parfaite comme j’étais. Et bizarrement, ce message est devenu l’un des meilleurs messages que j’ai pu avoir dans ma vie. C’était le message de la fin. ENFIN.

Tout ça a forgé mon caractère. Et ça m’a fait réfléchir sur énormément de choses, car je trouve que la souffrance des personnes trop maigres est sous-estimée. On en parle pas assez, alors que beaucoup de personnes en souffrent. Énormément de personnes pensent qu’être maigre est un atout, alors qu’il y a beaucoup d’inconvénients. Être maigre n’est pas la morphologie « parfaite », comme le pensent les gens.

Maïllis, 15 ans, lycéenne, Marignane