Ma famille protège mon père violent
Mes parents se frappaient la veille et, le lendemain, on mangeait en famille. Ma mère était marquée au visage, et ils ne disaient rien. Toute ma famille était au courant des violences. Mais ils préféraient le protéger lui, plutôt que nous.
Mon père est parti quand j’étais en maternelle, d’après ce qu’on m’a dit. Puis, il est revenu comme une fleur quand j’étais en CE1. Ma famille ne m’en parle pas, et ma mère ne veut pas que j’aie une mauvaise image de lui. Trop tard ! On m’a expliqué que mon père n’avait plus d’appart. Qu’il ne pouvait pas nous voir. Alors que c’est juste qu’il ne voulait pas.
L’impression qu’on me ment
Ma mère et ma grand-mère ont mis en avant les liens du sang pour que je ne sois pas en colère. Elles me disaient que, malgré le fait qu’il n’ait pas été réellement présent, ça restait quand même mon père. Vu que c’est une personne qui fait partie de ma famille, je me devais de tout lui pardonner ? Absolument pas.
J’étais jeune et je ne comprenais pas. Alors, à partir de 12-13 ans, j’ai voulu savoir. Je posais beaucoup de questions : « Combien de temps est-il parti ? » ; « Avait-il un comportement violent, physiquement ou verbalement ? » J’ai très vite compris que ma famille ne voulait rien me dire.
Récemment, j’ai trouvé une photo où ma mère était marquée au visage. Quand j’ai posé des questions à ma grand-mère, elle a évité le sujet. C’est peut-être bête, mais j’avais l’impression qu’on me mentait. J’avais vu cette violence de mes propres yeux et des souvenirs revenaient par petits bouts. Ils me disaient : « C’est des problèmes de grands, ne t’inquiète pas. » Tout cela ne nous concerne pas ? Mais si, cela nous concerne !
Mon père, mon ex-héros
Quand j’étais plus jeune, comme beaucoup d’enfants, j’idéalisais mon père. C’était mon héros. Il se disait « le meilleur papa du monde ». Et j’y croyais, car ma famille nourrissait cette vision. Ma grand-mère, sa mère, a toujours justifié son comportement. Alors qu’elle-même avait eu un père violent.
C’est compliqué pour moi parce qu’elle m’a toujours dit : « Tu sais, on le connait donc on s’adapte » ; « Fais juste attention à la formulation de tes phrases pour qu’il ne le prenne pas mal. » Il y a quelques mois, elle m’a dit : « Tu sais, ton père m’a dit que c’était compliqué entre vous deux, et qu’il était un mauvais père. Donc n’hésite pas à le rassurer, c’est important. »
Au milieu de la violence
Dès petite, j’entendais des insultes que je ne devais pas connaître. Il rabaissait ma mère en disant que tout était de sa faute. Il me disait : « Elle cherche tout le temps les problèmes, elle est toujours méchante avec moi et elle ne me respecte pas. » Il la rabaissait sur son poids. Moi aussi, j’y ai malheureusement fait face, avec des réflexions du genre : « Quand on est parti en vacances, tu mangeais tellement, j’ai cru que tu étais obèse. Il faut que ta mère surveille ce que tu manges ! »
Mes parents se disputaient sur notre éducation, sur quand est-ce que mon père nous prenait le week-end. Et ça finissait presque tout le temps pareil : soit ils s’insultaient, soit ils se battaient. Mon frère et moi au milieu. J’étais en colère.
Maintenant, je ne baisse plus les yeux
Un jour, ils se sont disputés et j’ai vraiment eu peur qu’ils en viennent aux mains. Alors, j’ai pris le téléphone fixe dans les mains, et je me suis mise entre les deux. J’ai regardé mon père droit dans les yeux et j’ai dit : « Si tu pars pas tout de suite, j’appelle la police. » Alors que je ne connaissais même pas le numéro. Il m’a pris le téléphone des mains et l’a jeté au sol. Il a claqué la porte, j’étais tétanisée.
Même si la décision fut difficile, Sara a décidé de fuir. Grâce à une association, elle a pu dire stop à la maltraitance de ses parents.
Je réagissais enfin car je prenais conscience. J’arrêtais de baisser les yeux quand il me parlait. Il levait la voix et moi aussi. Je n’avais plus peur. Mais, bien évidemment, ma grand-mère me répétait que le problème, ce n’était pas que mon père. Ma famille disait me protéger en me cachant ce qu’il se passait. Je ne connais donc pas tout de cette histoire, même aujourd’hui.
Madeleine, 15 ans, lycéenne, Paris
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