Jeanne D. 17/08/2022

Ma dépression… et la guérison au bout du tunnel ?

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Depuis trois ans, Jeanne est en dépression. Mais elle commence enfin à entrevoir des progrès, et à prendre le chemin de la guérison.

Les répercussions de mon harcèlement durent, même longtemps après. Le stress et l’angoisse que j’ai subis continuent aujourd’hui. À l’époque, une seule solution s’est imposée à moi : me soigner. Car même si je ne subissais plus de harcèlement, tous mes réflexes et mon instinct de survie restaient en veille, et c’était épuisant. Quand on est harcelé, on finit par se méfier et avoir peur de tout, alors on s’isole. On est épuisé, on est seul, on angoisse, et chaque année ça s’empire.

Chaque jour au lycée, j’étais seule, je subissais la présence des autres, j’étais exténuée. Je me demandais ce que j’allais faire de ma vie. Les choses devenaient de moins en moins belles, de moins en moins amusantes. On a beau être entouré des personnes qu’on aime, on n’est pas heureux. « Pourquoi ils m’aimeraient ? Il n’y a rien de bien chez moi. Ce serait mieux si je n’étais plus là. De toute façon, ça ne s’arrangera pas, ou peut-être dans cinquante ans. Ça n’en vaut pas la peine. Je prends de la place dans ce monde, je fais toujours tout mal, rien de bien. »

La dépression, une histoire de famille

Est-ce que c’est de la dépression ? Mon père est dépressif. Il dort seize heures par jour et n’a pas fait le deuil de ses parents. Ma mère l’est aussi, elle vient de faire un burn-out. Notre famille est vidée de toute joie, et chacun est renfermé dans sa chambre. Est-ce que nous aussi, les enfants, on est dépressifs ?

On peut se le demander et se dire que non, on fait juste des caprices, on cherche juste l’attention. Alors, on n’ose pas parler de la détresse qu’on ressent, on n’en parle à personne et on garde pour soi, ça passera. Mais, moi, à un moment, je ne sortais plus, je pensais à me faire du mal, je ne ressentais plus de joie. Je pleurais tous les jours. Et quand j’essayais de faire quelque chose que j’adore comme dessiner, je n’y arrivais plus. Je n’arrivais plus à réfléchir, je passais mes journées à manger et dormir, mais j’étais toujours fatiguée.

Des années d’errance thérapeutique

Et si j’étais vraiment en dépression ? Que faire ? Je n’avais qu’une solution dans mon esprit. Une solution terrible, mais pas la bonne. Alors, j’ai juste arrêté d’aller à l’école, puisque c’était la source de ma souffrance. C’est d’abord pour ça, des histoires de certificat, que je suis allée voir un psy. Mais je n’étais pas à l’aise, il ne me comprenait pas. J’en ai vu un deuxième, mais trop cher pour ma famille. À 40 ou 50 euros la séance, comment on fait ? J’ai essayé la relaxation. Après un an d’errance thérapeutique, j’ai été hospitalisée pendant un mois pour reprendre ma vie en main. Mais je me sentais toujours mal aidée, et mal comprise.

J’ai fait des thérapies, donc, mais il fallait être patiente, parce que c’est évident que ça demande du temps. J’ai 20 ans aujourd’hui. Et ça fait trois ans que je ne m’en sors pas. Et lorsqu’on pense que ça va mieux, je retombe. Tous les docteurs disent la même chose : on fait deux pas en avant et un en arrière. Selon eux, c’est normal et on progresse. Mais je ne vois pas le progrès, et je sens que je craque. Il n’y a pas d’issue.

Alors, oui, les progrès sont là. Je vois que j’arrive parfois à ressentir de la joie, pour de vrai ! À refaire des choses dont je ne me sentais plus capable, tout ça arrive lentement, mais oui, ça va mieux. Je me rends compte de mes faiblesses, de ce qui m’est arrivé et de qui je suis aujourd’hui. On va tous mourir un jour et la vie vaut la peine d’être vécue pour ces rares moments où on est fier de soi. C’est un cadeau, et je ne le gâche pas à rester chez moi pour me reposer. Parce que j’en ai besoin, de me reposer. Tout n’est pas de ma faute. Je n’ai pas toujours bien fait, mais j’ai fait au mieux dans les circonstances. Il faut tout revoir. Toute ma vie, ce qui m’a amenée là et ce n’est pas facile.

Pour chasser la dépression, je dois vider mon sac

Il faut en parler avec la bonne personne. C’est mieux avec un spécialiste mais il faut le trouver, il faut se débarrasser de ce sac que tu portes depuis des années rempli de toutes ces colères, peurs, tristesse, angoisses, qui appartiennent aux autres ou à ton toi du passé. Ton toi qui s’est fait harceler, qui a été blessé, qui a subi.

J’ai dû voir un hypnothérapeute pour m’aider à vider ce sac dans mon inconscient. Pendant cinq séances, on a analysé ensemble les sources de mon stress, ce qui pouvait m’empêcher d’avancer. Après, je n’ai rien eu d’autre à faire que de m’allonger et de l’écouter demander à mon inconscient de laisser ce sac rempli de toutes ces culpabilités, regrets, colères, peurs, tristesses du passé, du mal-être de mes parents qui ne m’appartient pas… De laisser tout ça derrière moi !

La dépression, Aïden la côtoie depuis des années. Malgré une profonde fatigue, il essaie aujourd’hui d’être heureux grâce à l’écriture.

Miniature de l'article "Ma dépression, ma plus longue relation".

Pendant que je l’écoutais, je sentais mes larmes couler, et puis je me suis relevée plus légère. Mais ce n’était qu’une partie du chemin car il y a de grandes chances que ce sac se recharge si je ne prends pas soin d’exprimer mes sentiments et si je replonge dans cette habitude de m’isoler et fuir les autres. Il faut se reconstruire maintenant, et revivre.

C’est comme si le harcèlement avait été un marteau qui m’avait cassé les jambes. Le temps passé chez le psy, c’est le plâtre pour me reconstruire. Ce n’est pas fini. C’est le moment de la rééducation pour réapprendre à marcher et à vivre.

Jeanne, 20 ans, en formation, Marseille

Crédit photo Pexels // CC cottonbro

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1 réaction

  1. C est une maladie tellement difficile.
    Un jour ça va, le lendemain c est la descente envie de rien,fatigué,idées noires.
    Je suis actuellement hospitalisée.
    Je comprends ta souffrance.

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