Étudier à 8 000 km de chez moi
Je suis partie l’été dernier de Mayotte, l’île où j’ai grandi, pour aller faire mes études à Rennes. Je savais que ce qui m’attendait était différent. Dans la salle d’attente de l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi, j’ai repensé à tout ce que je laissais derrière moi, et à tout ce qui me poussait à faire ces sacrifices. Je me suis dit que beaucoup d’étudiants étaient passés par là, et que ça leur avait appris à grandir.
Étudier et m’émanciper
Là d’où je viens, continuer ses études en métropole, c’est le but de la plupart des jeunes. À Mayotte, le choix de formations est très limité. Soit il n’y a pas ce qu’on désire faire, soit il n’y a pas assez de places. J’avais postulé pour faire un BTS « support à l’action managériale », mais j’étais sur liste d’attente, et elle était longue. Je me suis résignée à accepter le BTS que j’avais obtenu ici, à Rennes.
Les jeunes de Mayotte voient leur départ de l’île comme un moyen de se libérer de la pression familiale. Le but, c’est de montrer qu’on peut réussir seul sans être « materné ». Beaucoup sont arrivés ici avec beaucoup d’ambitions, et le rêve de rendre sa famille fière.
À Mayotte, on vénérait la métropole
Pour nos parents, ici, la réussite est sûre et certaine. La plupart ont une bonne image de l’Hexagone. Ils pensent que tout est favorable, que la vie n’est pas chère. Ils oublient souvent que le seul revenu que nous avons, c’est notre bourse étudiante. Ce n’est pas toujours facile de demander de l’argent à ses parents quand tu sais que leur premier réflexe, c’est de penser que tu n’as plus rien à manger. Donc tu préfères ne pas leur faire part de ces problèmes. Cela ne ferait que les inquiéter.
Ils nous ont inculqué ces valeurs : vénérer la France, mettre la métropole sur un piédestal. On connait tous notre histoire : la France nous a accueillis comme son nouveau jeune département, en 2009. On se rappelle tous des fêtes dans les rues à ce moment-là, et de la joie de nos parents qui refusaient l’indépendance voulue par le reste des Comores. Ils nous répètent que nous sommes français plus que tout. « La France est un pays où vous vous sentirez chez vous car vous l’êtes depuis votre naissance. »
Nos désillusions de Mahorais
En arrivant ici, on a compris qu’on nous avait vendu du rêve. La vie est aussi différente que compliquée, surtout quand on est étudiant. On ne connaît pas tous les codes.
Le jour de la rentrée, à Rennes, je suis arrivée avec mon châle. Ce n’est absolument pas un signe religieux, c’est plus traditionnel pour moi, mais on m’a demandé de l’enlever. Là, j’ai compris qu’on ne vit pas de la même manière, que les mentalités sont différentes. Ici, par exemple, il y a beaucoup de transports en commun. Alors que chez nous, le principal moyen de transport, c’est la barge qui sépare les deux parties de notre île.
Quand il est arrivé de Guadeloupe pour étudier en métropole, Klem s’attendait à découvrir une nouvelle ville et de nouvelles personnes. Les restrictions sanitaires et son isolement en ont décidé autrement.
Heureusement, j’ai eu la chance de rencontrer certains étudiants de mon département, et de retrouver des amis de longue date ici. On se retrouve, on se remémore nos souvenirs, ce sont les seuls moments où on se sent comme chez nous. Cela m’a beaucoup aidée à ne pas me sentir trop seule. On a tous une vision très similaire de ce qu’on a laissé chez nous. On essaie tous de s’adapter pour qu’à notre retour à Mayotte, nous ne regrettions pas d’être partis.
Marie, 18 ans, étudiante, Rennes
Crédit photo Pexels // CC Keira Burton