Mes sauts interdits dans la mer de Marseille
Quand j’arrive au bord du rocher, ça me procure des palpitations au cœur, je sens l’adrénaline qui monte à l’intérieur. Ça me donne envie de décoller comme un oiseau. L’accélération est si rapide, le vent tape sur mon visage… Le bruit de la mer et les vagues m’emportent. Parfois, j’ai du mal à me lancer mentalement, j’ai un blocage au niveau du corps. J’ai presque envie d’abandonner.
Mon plus beau saut, c’était un plongeon de la tête, à dix mètres, à Malmousque. J’ai pris mon courage à deux mains puis je me suis lancé. Arrivé en bas, j’étais fier d’avoir vaincu ma peur !
Sauter, remonter, bronzer
C’est mon activité favorite, l’été, à Marseille. Dès qu’il fait chaud, avec des copains, on prend le bus, on traverse la ville, on se dirige vers la Corniche Kennedy, on va à Malmousque, à côté du petit Nice, on grimpe sur les rochers, et là, on s’élance dans les airs et on saute dans la mer. C’est interdit mais on aime vraiment ça !
Les premiers sauts, c’était à douze mètres. J’avais des amis qui l’avaient déjà fait. Ils m’en avaient parlé. Un jour, j’y suis allé avec eux. J’ai eu envie d’essayer donc j’ai pris mon courage à deux mains… et d’un coup, je me suis levé, et j’ai sauté !
Une fois dans l’eau, on a tout de suite envie de le refaire. Tu remontes, tu replonges, tu remontes, tu replonges. Et après tu t’étends sur les rochers et tu bronzes en regardant les autres sauter.
Je saute depuis quatre ans avec des amis, avec mon frère. C’est l’été, on a besoin de se rafraîchir. J’adore ces sensations. Il y a de l’adrénaline et du plaisir à la fois. Je me sens épanoui en faisant ça. J’aime prendre plus de hauteur. On a envie d’essayer de grimper encore et encore, de sauter plus haut pour voir ce que ça fait.
Des sauts à 17 mètres
Une fois, j’ai sauté de 17 mètres. Faut pas trop réfléchir, sinon on n’y arrive pas. J’y suis allé cash, j’ai pas trop pensé, j’ai sauté. C’était génial. Il y en a qui sautent d’encore plus haut. Pour moi, c’était le max. Un jour, peut-être, j’irai plus haut.
C’est à Cassis. Parfois, on prend aussi la voiture, on va là-bas. On se gare vers la première calanque. Là on marche, on observe, on choisit un spot, on se pose. Il faut qu’il y ait une certaine hauteur, un bon onze ou douze mètres. On regarde où sont les autres pour connaître les spots. On fait pas vraiment de test, on sait qu’il y a la profondeur suffisante pour sauter. Et ensuite, on prend de l’élan, et c’est parti !
C’est excitant… mais c’est dangereux à cause des risques à l’atterrissage. On peut se casser quelque chose. Quand tu prends de la hauteur et de la vitesse, l’eau devient comme du béton. Il faut rentrer bien droit dans l’eau, les bras le long du corps.
Deux fois plus d’adrénaline
Il y en a qui ne savent pas faire des sauts. Certains tapent un rocher. Il y a des accidents tous les ans, il y a des morts tous les ans. Du coup, c’est pas vraiment autorisé les sauts depuis les rochers. On peut prendre une amende.
Mais, je ne comprends pas pourquoi c’est interdit. Tu sautes, parce t’as envie de sauter. Quand tu sautes, tu sais que tu prends des risques. Tout le monde a conscience des risques. Si on y va de son plein gré, qu’on accepte le danger, pourquoi ce serait interdit ?
L’été, la police nationale et la police municipale se déplacent sur la corniche, sur les rochers, pour dissuader les jeunes de sauter. Ils distribuent des amendes. Du coup, il y a une double adrénaline. Il y a encore plus d’enjeux. On sait qu’on est surveillés, nous faisons tout pour franchir cet obstacle. C’est assez grisant.
Sofian, 17 ans, en recherche d’emploi, Marseille