Kader B. 05/10/2022

J’ai arrêté les descentes en retournant à l’école

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Kader et ses potes se sont battus longtemps, en bande, dans leur quartier. Pour faire mal, pour semer la police, mais surtout pour tuer l'ennui.

Ce que je prenais quand il y avait une descente, c’est une batte de baseball, et tout ce qu’il y avait pour faire mal.

Une fois, j’ai rigolé, parce que l’autre, un pote à moi, il était trop con. Il s’est fait fumer : on l’a revu, il avait des bleus partout. On allait en descente, et il y a eu un contrôle de police. Ils nous ont contrôlés, ont pris nos noms, âges… Mais on n’avait plus rien sur nous. Lui, il avait toujours une machette et un Opinel. Il s’est fait embarquer, il est allé au poste. Sa daronne est venue, et elle a dit : « Il a qu’à rester encore un peu, ça lui apprendra. »

L’intérêt c’est l’argent

J’ai participé à beaucoup de descentes. Cinq, six ? Je n’ai pas compté… ça ne se compte pas. La première fois, j’avais 13 ou 14 ans, et j’ai arrêté l’année dernière, à 17 ans. La dernière, c’était en janvier 2022. Maintenant, je n’y trouve plus d’intérêt.

Maintenant, l’intérêt c’est l’argent. Je travaille, je suis en formation. En alternance électricité, bac pro. Là, je suis en électricité bâtiment. Après mon bac, pourquoi pas continuer ma formation. Et après ça, je ne sais pas, j’aimerais faire électricien. Travailler chez Orange ! Chez les télécoms : installations de fibres, etc.

Avant, j’allais à l’école, mais sans aller à l’école. Je m’en foutais un peu. Je n’avais que des absences et des retards. J’ai redoublé le CM1. J’ai passé ni le brevet, ni le rattrapage.

C’était du déjà-vu

Avant, les descentes, c’était juste pour des histoires de merde, d’argent, de « il m’a mal parlé ». J’y allais pour faire mal, parce que de l’autre côté, ils n’étaient pas un ou deux, ils étaient plusieurs. Des fois, c’était des trucs entre quartiers. La première fois, c’était une histoire de meuf. Un pote s’était fait voler la sienne. Il a pris le seum, il s’est fait frapper, il est revenu et il nous a demandé d’y aller. C’est mon pote et il s’était fait taper : on n’allait pas rester comme ça. C’était du déjà-vu : tu voyais les Grands qui faisaient ça aussi.

Une fois, en troisième, on a fait une descente dans un collège. C’était une histoire de foot. On recherchait des personnes de ce collège qui ne sont jamais sorties, et les responsables ont appelé la police. Quand ils sont arrivés, on a tous pris la fuite. Certains de mes potes se sont fait attraper et amener au poste de police.

Occupé à aller à l’école

Mais c’était souvent des trucs qui arrivaient pendant les vacances scolaires, et maintenant, en alternance… il n’y a plus de vacances. En vacances, il n’y avait rien à faire. Je ne faisais rien, j’étais à la maison, je m’ennuyais : je jouais à la Play, mais tout seul… c’est nul. Je sortais aussi avec mes potes. Des fois, on allait sur Paris, on rentrait tard. On faisait du shopping, on sortait manger. Mais des fois, on était là, on n’avait rien à faire.

Descentes, guerres des cités, embrouilles de quartier : Scott, Imane, Saïndou et Marwan nous racontent ces violences dont ils·elles sont acteurs·trices, témoins ou victimes, parfois les trois à la fois.

Capture d'écran de la série "Grandir au risque des rixes" publiée sur le site de la ZEP le 8 juin 2021. Illustration d'un jeune homme, bras croisé, avec une capuche, semi-allongé sur l'ouverture d'un mur. A sa droite, au second plan, un individu est couché au sol, rué de coup par trois autres jeunes hommes debout lui donnant des coups de pieds. A gauche, deux autres individus s'enfuient.

Mes potes avec qui je faisais des descentes n’en font plus. Ils font des lycées pro. On n’en a jamais parlé, du fait d’arrêter les descentes. Mais, maintenant, je suis plus occupé à aller à l’école et au travail, et à penser à mon avenir.

Kader, 17 ans, en formation, Vigneux

Crédit photo Pexels // CC cottonbro

 

 

Les rixes

Un phénomène très répandu

Selon les travaux du sociologue Thomas Sauvadet, 10 % des jeunes garçons de moins de 30 ans vivant dans un quartier classé politique de la ville appartiennent à une bande.

Pour beaucoup, la rixe est un moyen de s’évader

Les bandes sont majoritairement constituées de jeunes en difficultés scolaires ou professionnelles, et qui tentent de fuir les conflits familiaux. Le fait de former une bande crée un sentiment d’appartenance et permet de se vider la tête. Ces jeunes s’ennuient souvent beaucoup, surtout parce qu’on ne leur propose pas grand-chose dans leurs quartiers.

Les rixes ont augmenté de 25 % en 2020

La crise du Covid-19 a empêché beaucoup de jeunes d’avoir accès aux salles de sport, aux maisons de quartier, à l’école… L’usage accru des réseaux sociaux augmente aussi le risque de règlements de compte : ils permettent de réunir plus de gens, d’avoir des infos sur les bandes rivales et augmentent le risque de menaces de mort.

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