Pour eux, mes goûts ne vont pas avec ma couleur

Je suis un Oréo ou un Bounty pour beaucoup de personnes. Si vous ne le savez pas, un Bounty est une personne noire qui est considérée comme blanche à l’intérieur. C’est un terme péjoratif et offensant. Il est souvent utilisé, ou du moins j’ai toujours entendu des personnes de couleur en appeler d’autres comme ça. Il sous-entend que l’on est pas assez noir. Pour mon cas, je ne suis pas assez noire.

Mes parents sont des immigrants, ils parlent la langue de notre pays et, avec mes frères et sœurs, nous la comprenons bien ; même si on répond en français la plupart du temps. J’ai grandi dans un quartier avec beaucoup de mixité et je suis allée dans une école avec des enfants de toutes origines. Jusque-là, tout semble assez banal. Du coup, qu’est-ce qui ne colle pas ? Mes goûts !

Juste quelque chose que j’aimais

J’ai toujours été fan d’animes, depuis toute petite. La culture japonaise me passionnait. Je connaissais énormément de choses dessus et j’étais ravie d’en apprendre plus à chaque fois. À l’école, en primaire, j’étais même connue pour être la passionnée de mangas, et ça ne me dérangeait pas car c’était une vérité en soi. Mais personne n’avait jamais pointé le fait que je sois noire et fan d’animes. C’est en rentrant au collège que tout a changé.

J’ai commencé à écouter de la K-pop à l’époque où ce n’était pas encore connu et c’est devenu une passion. Je m’intéressais à la culture, à la langue, et à tout le reste. C’est à cette période-là que j’ai commencé à recevoir des commentaires dans ma famille. Ils ont commencé à me taquiner. Des surnoms comme « la Chinoise », « la Coréenne », et des blagues racistes aussi. Mais, bien sûr, c’était pour rigoler et je ne devais pas me sentir vexée. En plus de mes goûts, avec mon teint clair, on me surnommait « la Blanche de la famille ». Et ils ont commencé à me dire : « Ça se voit que tu ne finiras pas avec un Noir ! »

Prouver que je suis une vraie Noire

La fois qui m’a le plus marquée, c’est quand on m’a reproché d’en connaître plus sur les cultures qui me passionnent que sur ma propre culture. On m’a traitée de « vendue », très clairement, face-à-face, droit dans les yeux.

Après avoir entendu ça, je me suis remise en question et j’ai cherché à en savoir plus, tout en m’éduquant sur plusieurs sujets comme les stéréotypes et la représentation. J’étais assez jeune et je ne m’étais jamais rendu compte de toutes ces choses. À force de me cultiver, j’ai commencé à remarquer certaines choses et à observer les gens qui me ressemblent autour de moi. J’ai remarqué que je ne correspondais pas à ce qu’ils s’attendaient en termes de style musical ou vestimentaire. J’ai donc commencé à avoir des réflexions comme : « Tu es bizarre, t’as des goûts bizarres » ; « Pourquoi tu ne t’habilles pas comme ça ? » ; « Tu te prends pour une Blanche. »

Ma réponse à ce genre de réflexions a été de correspondre aux stéréotypes pour montrer ma « blackitude » et prouver que j’étais bien une vraie Noire. J’ai renié ma personnalité de personne calme et silencieuse pour une fille bruyante qui essaie trop de jouer la dure. J’ai commencé à mal parler et à faire la maligne à l’école. Vraiment le contraire de ma personnalité.

Je ne nie plus mes goûts

C’est à ce moment-là que j’ai compris l’impact de la représentation et du style vestimentaire. Le style vestimentaire est la vitrine d’une personne : à partir de ça, on la catégorise. On sait à qui on a affaire et quel type de personne on est. L’exemple que je peux donner est un épisode de la série Black-ish, dans lequel Dre a dû prouver à une personne blanche qu’il était tout autant noir qu’un de ses collègues. Pour ça, il a décidé de tomber dans les clichés de l’Afro-Américain pour le lui prouver, avant de comprendre que ce n’était pas la solution.

Pour son entourage, Yelow se comporte comme une personne blanche. Elle dénonce ces remarques racistes qui réduisent son identité à sa couleur de peau.

Maintenant, je ne nie plus mes goûts et j’assume, même si tout ça a laissé des marques. Je reçois toujours des remarques mais, maintenant, c’est sur ma façon de parler ou ma gestuelle. Ça ne me fait rien, j’ai appris à ne plus m’en préoccuper.

Sara, 19 ans, étudiante, Paris

Crédit photo Pexels // CC Kashawn Hernandez

BLACK·ISH

Andre Johnson est un père de famille qui vit le rêve américain… un peu trop, peut-être. À force de chercher à s’assimiler, Andre a peur de renier sa culture, et que ses enfants oublient leurs origines.

Sous couvert d’humour, Black·ish interroge la place de l’identité noire dans les familles immigrées.

Cette série est disponible en streaming sur Disney+ et Canal+.