Santé mentale : j’ai tout appris sur les réseaux
Il y a quelques années, je me suis rendu compte de la déconnection avec les gens et mon environnement. J’ignorais complètement la « réalité » autour de moi, comme si j’étais dissociée de mon propre corps. J’entendais parler de santé physique, mais qui pour parler de santé mentale ?
Pendant le confinement, j’habitais encore dans mon pays, le Pérou. Dans la maison, il y avait ma mère, ma grand-mère, ma tante et même mes cousins. Mes journées n’étaient pas très variées. Je me levais, mangeais, et suivais mes cours en ligne. Je me sentais seule alors qu’il y avait des gens autour. La personne que j’étais quand j’avais 12 ans me manquait, celle qui ne se prenait pas la tête.
Avant, j’étais extravagante. Je parlais souvent avec les gens, je rigolais fort, j’avais beaucoup d’amis, je parlais beaucoup avec les garçons. Depuis le confinement, je n’y arrive plus.
En manque d’interlocuteurs
En Amérique latine, on ne donne pas d’importance aux problèmes psychologiques comme la dépression, l’anxiété et la dissociation. C’est tabou. Je n’ai donc pas compris ce qui m’arrivait. Parfois, j’essayais de montrer à ma mère que j’allais mal, que j’avais besoin de l’aide d’un psy, mais elle disait « ça va aller ». Toutes les explications sur ce que je ressentais, je les ai apprises sur internet.
Sur Instagram, il y a pas mal de posts en espagnol sur la santé mentale, comme @psicologa.ednalozano. Ils conseillent de mettre des limites, se préserver : « dire tout le temps ce que je pense », « répondre au message que lorsque j’ai du temps libre », « ne pas manger si j’ai pas faim ». Ces mots m’aident beaucoup à comprendre mon état. Je me sens un peu mieux, même si ça ne règle pas tout.
Un jour, j’ai trouvé le mot « dissociation » et sa définition sur Pinterest. Je me suis rendue compte que je n’étais pas bizarre. Tu sais que ton corps est là, mais que tu ne te sens pas chez toi, pas présente. Je ressens ça souvent. J’aimerais qu’on parle plus de ce problème, et de la santé mentale en général. J’ai l’impression qu’il est simple pour les autres jeunes de vivre « l’instant présent ».
Mes schémas émotionnels se répètent
Quand j’avais 15 ans, j’étais en relation avec un garçon qui n’était pas d’accord lorsque je mettais des shorts, des robes, en somme, des vêtements courts et féminins. Il était jaloux, il ne voulait pas que d’autres garçons me regardent.
Il avait mes mots de passe, alors il checkait régulièrement mon compte Facebook et mes messages sans me demander. On se fliquait mutuellement. On ne se faisait pas confiance, c’était toxique. Je me suis renseignée sur le sujet, et grâce à des posts Insta, j’ai découvert les « daddy issues ». Ça se manifeste lorsqu’une femme cherche l’attention d’un garçon qu’elle n’a pas reçue de son père. Je n’ai jamais vécu avec mon père. À cause de ça, j’ai commencé à ressentir de la dépendance émotionnelle dans mes relations amoureuses.
Ces issues engendrent souvent le type de relation que j’avais développée avec mon ex. Je n’arrivais pas à m’éloigner de lui. Tous les jours, je me sentais triste, je pensais à lui et à mes problèmes.
Internet, mon psy
Comme je n’avais pas l’habitude de parler de mes sentiments aux gens autour de moi, c’est sur internet que j’ai cherché des explications. Grâce à ça, je comprends mieux ce qui m’arrive et j’ai une idée plus claire de mes comportements et de ce qui influe sur mes relations avec les autres.
Les réseaux sociaux m’ont apporté des réponses que je n’ai pas trouvé ailleurs et une forme de contrôle sur mon état psychologique. Ça m’a aidée à comprendre mon état.
Lyn, 17 ans, lycéenne, Paris