J’ai ma famille dans la peau
Mon premier tatouage représente 1971 en chiffre romain : l’année de naissance de mes deux parents. Je l’ai fait à Cannes, chez mon père. Je suis allé chez le tatoueur avec lui. La douleur était surprenante : je n’avais jamais ressenti ça. C’est comme quand tu t’arraches une croûte, mais en continu et en pire.
Je l’ai eu à 15 ans et je l’adore. J’aimais depuis quelque temps les tatouages, je trouvais ça super beau. Comme j’étais pressé d’en avoir un, ça a été vite réfléchi. Aucun de mes parents n’était tatoué, mais je n’ai pas eu besoin de négocier. Mais il y avait des contraintes : pas trop gros, discret, et surtout, que ça ait une signification.
Mes amis ne croyaient pas que c’était un vrai. Ils m’ont dit que ça allait s’enlever dans pas longtemps. Ils m’ont demandé de frotter dessus, voir si ça s’effaçait. Quand ils ont vu que c’était bien un vrai, ils ont kiffé. Mon frère, pas fan de tatouages, m’a appelé « Malabar » pour se moquer de moi.
Marquer les 50 ans de ma mère
Mon deuxième tatouage a été fait en commun avec ma mère pour son anniversaire. J’avais 16 ans. Depuis mon premier, elle en voulait un aussi. On s’est dit que faire quelque chose en rapport avec le temps serait parfait pour marquer ses 50 ans. On a réfléchi tous les deux sur le dessin. C’est une horloge cassée avec mon âge et l’âge de mon frère cette année-là. Je l’ai fait sur l’arrière du bras et elle sur l’avant-bras.
Il était beaucoup plus gros que le premier. On a d’abord décidé de ne pas le montrer à la famille car ils ne sont pas fans de tatouages. Ça « salit le corps » selon eux. Ma mamie disait ça car elle est de l’ancienne époque. Pour elle, les tatouages représentent les mauvaises personnes ou les prisonniers.
Au bout d’un ou deux mois, on leur a montré, et… ils ont assez bien aimé car ça représentait quelque chose d’important. Mes amis ont réagi en disant que c’était trop gros, que j’allais regretter. Je pense que certains disaient ça par jalousie.
Garder mes souvenirs sur la peau
En faisant mes tatouages en rapport avec la famille ou en commun avec un membre de ma famille, ça sera toujours beau selon moi. Parce que ça a de l’importance. Je ne voulais pas m’en lasser. Ils sont aussi liés au temps, pour immortaliser une période ou une date importante pour moi et ceux qui m’entourent et que j’aime.
J’ai une famille vraiment soudée. Elle représente beaucoup pour moi. Tout le monde s’entend bien, il y a zéro problème. On se voit une ou deux fois par mois pour des repas ou des apéros, tous ensemble, où on rigole, on parle de tout. Il n’y a aucun sujet tabou.
Je suis très proche de mes parents. Je leur parle de tout ce que je fais. Que ce soit grave ou pas, important ou non…. Et il n’y a pas de jugement. Je fais plein de choses avec eux : des sorties ou des restos, surtout avec mon père. Ils m’aident beaucoup et me donnent des conseils pour tout. Pour l’école, pour réviser… ou avec ma copine quand des fois ça n’allait pas.
Liés à vie par les tatouages
J’ai deux autres idées de tatouage qui représentent encore un rapport avec le temps. Je voudrais faire le valknut. C’est un symbole viking qui représente trois triangles assemblés : le passé, le futur et le présent. Je trouve cette idée incroyable. Ça permettra de marquer les choses que j’ai vécues dans le passé et ce que je vis dans le présent. Pour ne pas oublier de vivre l’instant présent et me rappeler les bons moments. Ce sera sûrement un tatouage en commun avec mon père.
À l’adolescence, jouer avec son apparence devient un moyen de se découvrir et d’explorer son identité. Dans notre série, Gloria, Jade, Moha, Camille et Raphaël racontent comment ils ont grandi avec style.
Se faire tatouer ensemble (indépendamment du coup, car mes parents sont divorcés), ça nous rapproche encore plus. On a la même chose ancrée dans le corps donc, à chaque fois qu’on regarde le tatouage, on y pense.
J’aimerais aussi faire un arbre de vie, un autre symbole viking, en commun avec ma mère. Ce tatouage représente la vie et l’amour : tout ce qu’elle me donne.
Sam, 17 ans, lycéen, La Queue-les-Yvelines
Crédit photo Unsplash // CC Collins Lesulie
Qui sont les Français·es tatoué·es ?
Les jeunes : les moins de 35 ans sont 29 % à être tatoué·es, contre 1 % des plus de 65 ans.
Les femmes : elles sont 20 % à être tatouées contre 16 % des hommes.
Les ouvrier·es : elles et ils sont 38 % à être tatoué·es, contre 20 % chez les CSP+.
18 % des Français·es sont tatoué·es, et cette tendance ne fait qu’augmenter. Depuis 2010, leur nombre a doublé.