Tu touches à Zizou, tu touches à Marseille !
Zidane représente le football. Et la légende a commencé ici à l’AS Foresta, le club du quartier de la Castellane, chez moi. Il a continué pas loin, dans un autre quartier de Marseille, à Saint-Henri, puis à Septèmes-les-Vallons. Puis plus tard, Bordeaux, la Juventus, le Real Madrid, la Coupe du Monde, l’Euro, la Ligue des Champions, le Ballon d’Or. Le joueur le plus cher de l’histoire, l’entraîneur du Real Madrid qui a presque tout gagné… Pour nous qui sommes nés à La Castellane, Zidane nous prouve que nous pouvons tous réaliser nos rêves.
Zidane, c’est la légende. Et pourtant, Noël Le Graët, le président de la Fédération française de football, a osé dire dans une interview : « Zinédine Zidane, je ne l’aurais même pas pris au téléphone. »
Ces mots ont touché toute la France. Ils ont fait bondir les réseaux sociaux. La ministre des Sports lui a répondu. Mbappé aussi : « Zidane c’est la France, on ne manque pas de respect à la légende comme ça. » Et moi, personnellement, j’ai été touchée. Ça ne se fait absolument pas. Quelle méchanceté de parler comme ça d’une personne qui a tout réussi dans sa vie, sans l’aide de personne.
Un modèle des quartiers Nord
Pour ceux qui ne le savent pas, la famille Zidane a commencé à vivre dans la cité à partir de 1960. À l’époque, il y avait environ six mille habitants issus de l’immigration. Des Maghrébins, des Africains, des Espagnols, des Comoriens… Je viens de cette histoire. Alors je me dis toujours que si lui a réussi, nous aussi on peut y arriver. Son parcours, c’est un modèle de progression basé sur l’aptitude et le travail. Il montre que nous pouvons atteindre le succès et parvenir aux plus hautes responsabilités par la rigueur et l’expérience.
Et pourtant je sais bien que mon quartier a une sale réputation. Des personnes disent que c’est dangereux : les quartiers Nord, les règlements de compte, les fusillades, tout ce qui tourne sur les réseaux… Dans mon CV par exemple, je n’ai pas marqué mon adresse par peur qu’on ne me prenne pas, car la discrimination existe toujours. On le sait tous. On le voit.
En réalité, à mes yeux, c’est un quartier comme les autres. On est très solidaires, on aide notre prochain. Les gens organisent des concerts, des fêtes où tout le monde est le bienvenu, des jeux pour les enfants, des feux d’artifice. Ça ne me dérange pas d’y vivre. C’est mon quartier. C’est aussi simple que ça.
La Castellane, c’est Zidane
En vrai, c’est mon modèle, le modèle de mon quartier, le modèle de Marseille. Et pourtant, je n’ai vu aucun de ses matchs ! Mais voilà, il y a des posters de lui partout dans le quartier : dans les cybers, dans les centres sociaux, dans des magasins… Dès qu’on est petit, on entend parler de lui. Sa sœur vit dans mon bâtiment, ma famille aussi l’a connu, comme beaucoup d’autres personnes de la Castellane.
Aulnay-sous-Bois a mauvaise réputation. Pourtant, on y trouve des talents comme Aya Nakamura ou Moussa Sissoko. Les voir, ça inspire Paul.
Zizou n’habite plus à La Castellane mais il ne nous a pas oublié. Par exemple, l’année dernière, il est venu pour inaugurer la première maison médicale digitale de Marseille. Ici, chez nous, chez lui. Il restera dans notre cœur à jamais. C’est l’idole de toute une génération.
Alors quand j’entends Le Graët oser parler de lui comme ça… Pour moi c’est du racisme, c’est un vieil homme blanc qui s’attaque à un Arabe. Peut-être que je me trompe mais on est plusieurs à penser la même chose au quartier. C’était pareil avec Benzema d’ailleurs. Comment peut-on s’attaquer à lui comme ça ?
Ania, 18 ans, en formation, Marseille
Crédit photo Hans Lucas // © Dragan Lekic – Zinedine Zidane signant des autographes lors d’un tournoi futsal à Paris-Bercy, le 25 mars 2007.
La chute de Le Graët
Ça y est, Noël Le Graët n’est plus président de la Fédération française de football : il vient d’annoncer sa démission, après onze ans à la tête du football français. C’est la fin d’un règne controversé, émaillé de polémiques, de dérapages, d’accusations de harcèlement et de propos scandaleux.
Devenu président de la FFF en 2011, Noël Le Graët a longtemps prôné la discrétion : moins on parle de la fédération, mieux c’est. Sauf que plus il vieillit, plus il se lâche dans les médias.
2019 : « Considérer que le football est homophobe, c’est un peu fort de café, je ne l’accepte pas. »
2020 : « Le phénomène raciste dans le sport, et dans le football en particulier, n’existe pas, ou peu. »
2021 : « La Coupe du monde se fera au Qatar », « il n’y a aucune raison pour que ce pays n’organise pas de grand événement. »
Au-delà des sorties polémiques de son président, au sein même de la FFF, il règne un climat toxique : accusations d’abus psychologiques, haut niveau de stress, consommation d’alcool excessive, harcèlement, sexisme et comportements déplacés.
Ces derniers mois, les révélations s’enchaînent : des dizaines de personnes accusent le patron du foot français de harcèlement et de « comportements inappropriés » : SMS à caractère sexuel, mains sur la cuisse, allusions déplacées, invitations répétées et tendancieuses. À tel point que la ministre des Sports réclame un audit.
En janvier dernier, Sonia Souid, une agente de joueurs dénonce à son tour les comportements déplacés du président de la FFF à son égard. Mais ce sont les fameux propos sur Zidane qui provoquent un tollé et qui ébranlent un peu plus la stabilité du patron de la fédération.
Puis on découvre les conclusions de l’audit, qui sont accablantes : Noël Le Graët est mis en retrait de ses fonctions le 11 janvier dernier, une décision saluée par la ministre des Sports en personne. Cinq jours plus tard, le parquet de Paris ouvre une enquête contre lui pour « harcèlement moral et sexuel ».