Dealer, un métier comme un autre ici
Mon quartier, c’est un peu comme un labyrinthe avec du béton, de la végétation et plein de bâtiments. Tu finis très vite par ne voir que des gens qui te correspondent et donc tu vois toujours les mêmes personnes. Tous les jours, tout le temps, tu finis par faire les mêmes choses avec les mêmes personnes. Dehors, tu te cales, tu fumes dans un bloc pour faire passer le temps.
J’ai 18 ans. Je vis à Marseille, dans le 3e arrondissement et ses nombreux quartiers abandonnés : Le Moulin, L’Espagne, Le Gyptis, la place Caffo, la place Cadenat, Natio, Félix Pyat, la Villette, là où j’habite. Quand j’étais petit, je ne réalisais pas que mon quartier était le lieu de nombreux trafics. J’allais jouer et je voyais la police, tout simplement.
Mais j’ai vite compris de quoi était fait le dehors : à 12 ans, j’ai commencé à traîner dehors, seul. Cet environnement, a priori très attirant, est devenu totalement néfaste.
Si facile d’entrer dans le trafic
Pour moi, tout a commencé au collège. Là où l’on cherche son identité et où l’on finit par s’identifier à ce que l’on voit. En sixième, j’avais déjà des difficultés, mais ce qui m’a fait couler, c’est lorsque j’ai commencé à fumer. Beaucoup. Dès le matin avant les cours. Surtout à partir de la quatrième. Ma manière de penser a changé, ainsi que mon comportement et mes ambitions. J’avais beaucoup de problèmes familiaux et je pensais que ça allait m’aider à oublier tous ces problèmes. C’est à ce moment-là que j’ai été attiré par les vices du dehors. J’ai commencé à sortir la nuit et je me suis laissé tenter par l’envie d’argent facile : j’ai accepté les moyens offerts par la rue…
Le trafic, c’est quelque chose de banal dans ma ville. Le deal, c’est un métier comme un autre ici. Tu viens, tu te présentes, tu dis que tu veux travailler, et c’est comme ça que ça commence. Tu es soit guetteur, soit vendeur, soit tu ravitailles le produit ou tu gères la journée. La paye varie en fonction du quartier mais, la plupart du temps, tu touches chaque jour entre 50 et 100 euros pour un « mi-temps » en tant que guetteur ; de 150 à 250 euros si tu es vendeur. Parfois plus. J’ai eu peur, au début, mais j’étais impressionné par les grosses sommes qui étaient entre mes mains.
La déception de ne pas en sortir
Fort heureusement, après y avoir goûté, j’ai su que ce monde ne me correspondait pas. Un jour, j’ai été arrêté par les forces de l’ordre, ce qui m’a valu une année d’encadrement par la PJJ [protection judiciaire de la jeunesse, ndlr] de la Joliette : j’avais deux éducateurs et un psychologue jusqu’à ce que mon jugement tombe et que je sois libre. Après, j’ai dû continuer à voir les éduc’ au moins une fois par semaine. Mais, au lycée, ça se passait mal. J’ai été déscolarisé car je continuais à fumer. Je passais toujours mes nuits dehors, même en hiver. La journée, je dormais. Je ne savais plus quoi faire. Mes parents étaient déçus.
Aujourd’hui, j’ai toujours ce sentiment de tristesse quand je pense à moi petit et à ce que je suis devenu. J’étais tellement bien, avant, quand je restais chez ma grand-mère. La vie était tellement belle. Je fume moins qu’avant mais toujours de cinq à dix joints par jour. C’est comme si j’avais raté tout mon parcours et que j’essayais constamment de remonter la pente. Aujourd’hui, je suis en formation, et j’essaie de m’en sortir petit à petit. Je n’ai pas le choix.
Nours, 18 ans, en formation, Marseille