À 16 ans, 24 heures de garde à vue sans raison
J’étais parti dormir chez ma belle-mère pour fêter l’Aïd avec ma famille. Le lendemain à 9 heures, ma sœur m’appelle pour me poser plein de questions. D’habitude, elle ne m’appelle jamais parce qu’on vit ensemble chez nos parents et qu’elle ne se soucie pas de moi, elle sait que je suis devenu un homme.
Je décroche et c’est la voix d’un homme qui répond : « Bonjour Lassana ! » Je demande qui c’est. « C’est l’officier de police judiciaire. » En fait, ils sont venus sonner chez moi et c’est ma sœur qui a ouvert la porte. Comme je n’étais pas là, ils lui ont demandé s’ils pouvaient m’appeler avec son téléphone.
« – Je voudrais te voir car des policiers se sont fait caillasser. J’ai fini l’enquête et je pense que tu y as participé. Sois au commissariat à 10 heures.
– Est-ce que je vais aller en garde à vue ? Parce que j’ai rien fait, j’étais avec ma famille donc j’ai pas envie de faire de la GAV pour rien. Je suis choqué, et ma famille aussi.
– Oui, tu vas aller en garde à vue. Mais tu sortiras à 16 heures. »
Des fausses promesses
Je réponds OK, et il raccroche. Le lendemain, quand je vais au commissariat, mon grand frère m’accompagne jusqu’à l’entrée. Quand je rencontre l’OPJ, il me répète que je vais rester six heures en GAV. Six heures plus tard, ils ne m’avaient toujours pas fait sortir.
L’endroit est grand, c’est vieux. J’ai parlé avec la personne de l’accueil et l’OPJ est venu me chercher. On est passés dans un long couloir où il y avait plein de bureaux. Je suis entré dans un petit bureau, je me suis installé. L’OPJ et moi, on a discuté pendant 30 minutes. Ils m’ont montré des vidéos où la personne caillassait le policier et ils m’ont demandé si c’était moi. Je leur disais non mais ils ne me croyaient pas. Ils étaient plusieurs à caillasser mais j’étais le seul à être interpellé.
Comme ils ne m’ont pas cru, ils ont dit que j’allais rester six heures de plus, pour voir si c’était vraiment moi dans la vidéo. Ils me parlaient mal, en me mettant des coups de pression. Ils pensaient que je mentais et me disaient que je n’avais « pas de couilles » parce que je n’avouais pas. Après, on est descendus en bas. On a pris les escaliers et on est arrivés devant la verif. Il y avait un bureau, des policiers et le chef de poste. Ils m’ont donné une feuille de GAV. J’ai signé et après ça, ils m’ont fouillé.
Injuste mais je ne pouvais rien faire
Avant d’entrer en cellule, je suis parti voir le médecin pour voir si j’étais en bonne santé. Dans la salle, y avait un lit, un robinet, des médicaments. Quand il a vu que j’étais en bonne santé, le chef de poste m’a emmené en GAV. Il y avait d’autres personnes dans des cellules à côté mais on ne s’est pas parlé, même si certains avaient mon âge parce j’étais du côté des mineurs. La salle était beige, les murs étaient sales et il y avait des traces noires. Il y avait un lit, un robinet, des toilettes et une petite vitre pour voir le jour et la nuit. Je me suis allongé sur le lit. J’étais mal et je pensais à ma mère. Pour me rassurer, je me suis dit de rester calme, que je sortirai le lendemain. Je parlais tout seul. Je trouvais ça injuste mais je ne pouvais rien faire.
Finalement, je suis resté en garde à vue pendant 24 heures. Le lendemain, j’étais transféré au dépôt. J’y ai passé 8 heures et je suis sorti avec une convocation devant la juge. Deux mois plus tard, mon frère m’a accompagné au tribunal. Ça s’est bien fini, ils ont dit que j’étais non coupable. Les policiers m’ont accusé pour rien. Depuis le début, je ne voulais pas aller en garde à vue. Je savais que j’étais innocent.
L’OPJ voulait juste jeter la faute sur moi parce qu’il n’arrivait pas à identifier les personnes qui avaient caillassé la police. Je ne sais pas pourquoi c’est tombé sur moi, je n’ai jamais eu de problème avec la police, même pas un contrôle d’identité. L’OPJ a mélangé les affaires pour finir vite son enquête. Maintenant, je me méfie de la police.
Lassana, 17 ans, en service civique, Évry-Courcouronnes