Thomas L. 30/06/2023

Un chien-guide pour soigner mes peurs

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Malvoyant depuis l’enfance, Thomas a développé plusieurs angoisses sur ce qui échappe à sa vision. Son chien l’aide à vivre sereinement.

Depuis ma naissance, j’ai un handicap qui n’est pas perceptible au premier abord. Jusqu’à mes 7 ans, je n’ai porté aucun signe distinctif d’une personne déficiente visuelle. Que ce soit à l’école ou dans la rue, je n’utilise pas encore de canne blanche. Mais ma malvoyance est une maladie évolutive. Ma vue peut encore diminuer, se stabiliser. Jamais elle ne sera meilleure. J’ai dû m’habituer très jeune à vivre avec ce handicap.

Chaque matin, quand je me lève et chaque soir quand je me couche, c’est le même rituel depuis vingt ans : une goutte dans chaque yeux. Et surtout des rendez-vous médicaux réguliers. L’un d’entre eux est obligatoire tous les six mois. Je dois voir une chirurgienne-ophtalmo, une spécialité rare. À chaque rendez-vous, c’est le stress. Elle me dit comment évolue la maladie. Elle est à Caen, à environ 200 km de la maison de mes parents, soit trois heures de route. Il n’y a pas de spécialistes de la malvoyance et des maladies des yeux plus proches de chez nous.

Mon handicap provoque du stress

Il y a aussi d’autres sources de stress et de peur provoquées par ce handicap. Des peurs ancrées depuis l’enfance. Elles me freinent et m’empêchent de m’épanouir sereinement. Une peur en particulier m’habite : je n’ose pas aller dans le jardin seul au-delà de la terrasse de la maison de mes parents. C’est un obstacle qui me paraît infranchissable.

Pour beaucoup, cette frayeur n’en est pas une et c’est anodin de pouvoir circuler seul, sans y penser. Mais croyez-moi, lorsqu’on ne voit pas plus loin qu’un mètre ou deux en face de soi, on a peur à chaque instant de ce qui peut surgir. Je me fais plusieurs films dans ma tête de ce qu’il peut y avoir, et souvent j’imagine des inconnus entrer par effraction chez nous, sans que je ne puisse les voir à temps. Je pense aussi aux cailloux qui traînent par terre et que je ne vois pas. C’est aussi frustrant de ne pas voir une personne au loin de l’autre côté du portail alors qu’elle, elle me voit et me parle. Impossible pour moi de savoir où elle est exactement et qui elle est.

Pour remédier à ces peurs et m’aider à les affronter, mes parents décident de faire appel à une psychologue. Nathalie me suit depuis quinze ans. Je la vois tous les deux ou trois mois depuis que je suis en primaire. J’étais très réticent pendant les premières consultations. Je n’osais pas parler de mes problèmes ou de mes peurs devant une inconnue et je me taisais. Mes parents parlaient pour moi. Puis au fil du temps, une confiance s’est installée.

C’était mon rêve d’avoir un chien

Je lui ai parlé de cette terrasse infranchissable et elle m’a donné des conseils. Ce sont mes parents qui m’ont aidé dans un premier temps. Ils faisaient le tour de la maison avec moi pour que j’acquière des repères. Chaque jour, je suis allé un peu plus loin, jusqu’à atteindre le portail, puis la boîte aux lettres à une cinquantaine de mètres de la maison. Mais, seul, impossible d’y aller ! Nathalie a donc proposé une autre stratégie : l’aide d’un chien de compagnie. À cet instant, mon visage rayonne. Comme beaucoup d’enfants de mon âge, c’est mon rêve d’alors d’avoir un chien. Mais je n’avais jamais imaginé qu’il puisse m’aider à dépasser mes peurs.

Mes parents sont sceptiques, mais Nathalie sait leur mettre en évidence les bienfaits de l’animal de compagnie. Il s’appelle Flash, il vit avec nous depuis dix ans maintenant. C’est un labrador chocolat de 3 mois qui a fait ses premiers pas dans la maison. Son arrivée était le plus beau jour de ma vie ! Je me souviens : on lui achète plusieurs jeux, sa gamelle pour manger et celle pour boire, son panier, et plusieurs friandises pour mener à bien son éducation chaque jour, pendant 30 minutes ou une heure, selon sa concentration.

Ça peut paraître bizarre mais j’ai l’impression qu’au fil du temps, nous avons appris mutuellement à nous connaître. J’ai compris que cette petite bête de poil savait que j’avais un problème visuel. De temps en temps, quand je cherche un objet au sol, ou un de ses jouets, il s’assoit devant et attend, pour que je puisse le voir. Je continue à expérimenter cette facette de notre rapport. Aujourd’hui, dès que je dis de chercher tel objet ou telle personne, Flash sait m’indiquer l’emplacement et la direction à suivre. Il m’a enlevé cette peur de voir des personnes, au-delà du portail. Maintenant, dès qu’il y a quelqu’un de l’autre côté, il me prévient puis on se rapproche du portail ensemble. Grâce à Flash, j’ai dépassé ma peur d’aller plus loin que la terrasse. Je l’ai finalement oubliée, alors qu’elle paraissait insurmontable. Aujourd’hui, je gambade seul avec mon très fidèle chien.

Thomas, 20 ans, étudiant, Saint-Malo

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1 réaction

  1. Bonsoir Thomas
    Je suis ému après la lecture de ce texte si émouvant car tu retraces si simplement ce que tu vis au quotidien. Je Comprends pourquoi ton fidèle chien t’es si précieux !! Merci encore pour ce beau texte
    A bientôt
    Amitiés
    Jackie

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