Ma sœur et moi, ensemble dans l’exil
J’ai toujours été avec ma sœur. Depuis toute petite. Un jour comme les autres, on s’est réveillées, âgées seulement de 8 et 9 ans. On pensait qu’on irait prendre un petit déjeuner et aller jouer. Mais, c’est ce jour du mois de février que ma mère nous a fait prendre la route pour l’Europe, avec mes deux grands frères, ma sœur et moi.
On a été obligés de quitter nos terres où la dictature et la tyrannie régnaient. Le pays où on habitait était dangereux pour nous : mariages forcés, violences. Ce n’est pas ce que ma mère voulait pour ma sœur et moi. Elle voulait qu’on fasse les études qu’on souhaite et que l’on soit heureuse.
Je ne savais pas où j’allais. Je savais juste qu’on partait parce qu’il fallait qu’on parte. Est-ce que j’allais pouvoir revenir ou est-ce que je partais pour toujours ? J’étais sûrement trop petite pour me poser ce genre de question.
Le voyage a été long. C’était la première fois que je passais autant de temps dans un train, mais nous nous sommes occupées comme nous pouvions avec ma sœur. On avait quelques jouets avec nous et on passait notre temps à jouer.
Une protection face au monde
En mars 2013, nous sommes arrivés dans une petite ville au bord de la mer, en France. Nous avons passé beaucoup de journées dehors, dans le froid. La seule chose dont je me souviens, c’est que j’avais froid aux pieds. Je n’avais pas peur. Je me sentais en sécurité à côté de ma mère. De plus, j’avais ma sœur. Grâce à elle, je ne me sentais pas seule, ni à l’étranger. Elle était comme moi. Elle parlait la même langue. Elle pensait comme moi. Et surtout, elle était plus forte et avait plus de caractère. Elle ne se laissait jamais faire. Elle était comme une protection pour moi. Je me sentais toujours un peu chez moi grâce à elle, et je n’ai jamais oublié ma langue maternelle car on la parlait toujours entre nous, même à l’école.
Quelque temps après notre arrivée, nous avons été scolarisés. Ma sœur et moi dans une classe spéciale pour les enfants étrangers qui doivent apprendre le français, et mes deux frères au collège. Nous étions à nouveau dans la même classe et, pour moi, c’était normal que je sois avec elle. C’est encore ma mère qui avait demandé à ce qu’on soit ensemble. Cela me rassurait beaucoup de l’avoir auprès de moi.
S’adapter ensemble à une nouvelle culture
Nous ne parlions pas du tout le français et, pour nous, les gens étaient bizarres. Des femmes en pantalon, on n’en avait jamais vues avant. Nous avions d’autres élèves, dans la classe, de la même origine que nous. Mais eux, ils étaient habitués. Ça faisait longtemps qu’ils étaient en France. On s’est fait des copines et on a vite commencé à parler français.
Nous avons fait presque toute notre scolarité ensemble. C’est en seconde, au lycée, que nous nous sommes séparées car nous avions deux filières différentes. Mais on est restées dans le même lycée. Ça faisait cinq ans que nous étions en France. On s’était déjà habituées. Mais quand même… Au début, ce n’était pas facile mais on se voyait sur le temps du midi et à chaque récréation. Nous avons toutes les deux terminé le lycée avec notre bac en poche.
Nous habitons toujours ensemble avec toute la famille et je sais, qu’un jour, nous allons nous séparer. Mais je ferai tout pour ne pas être très loin d’elle. C’est avec elle que j’ai évolué, que je suis devenue plus forte. J’aurai toujours besoin d’elle.
Safya, 18 ans, étudiante, Rennes