Aïcha F. 12/10/2023

Obligée de croire en cachette

tags :

Il y a quelques mois, Aïcha a décidé de se convertir à l’islam. Pour sa famille kurde et alévie, c’est hors de question.

J’ai une cachette chez moi. Là où je cache mes voiles et mes abayas. Je les range dans un tiroir, et par-dessus je mets des vêtements. Ma grand-mère m’a déjà fait la menace : si elle découvre que je remets le voile, elle me jette de la maison.

Depuis petite, j’ai toujours pensé que je suis musulmane. Mon père m’a enseigné des choses en rapport avec la religion musulmane et m’a appris la prière. Quand on était ensemble, je me sentais heureuse. Jusqu’au jour où mes parents ont divorcé. Je suis partie vivre avec ma mère. Depuis le jour du divorce, ma mère et moi n’avons plus eu de discussion en rapport avec la religion.

J’ai donc arrêté ma pratique, jusqu’au moment où je me suis beaucoup trop égarée. Je me sentais mal et j’ai demandé à Dieu de m’aider. J’avais une relation qui se passait mal et la personne m’avait bloquée de partout. Je me suis mise à prier comme les musulmans et, le soir même, j’avais mes réponses. J’ai fait encore plus de recherches sur l’islam et lu le Coran. Alors j’ai eu le déclic. Je me suis sentie légère, comme si tout le poids de mon corps était parti et comme si tous mes problèmes s’étaient évaporés. Je me suis convertie le 1er juillet 2022 et voilée le 9 septembre.

Acheter mes voiles en cachette

Depuis, je pratique tout en cachette. Ma famille est malheureusement islamophobe et raciste. Dans ma famille kurde, être musulman est considéré comme être arabe, donc être menteur, voleur, terroriste, tous les clichés possible.

Ils sont de religion alévie, qui n’a aucun rapport avec l’islam. Beaucoup de musulmans disent que l’alévisme est une branche de l’islam mais non, ça n’a aucun rapport. Les alévis croient en Dieu mais ils ne pratiquent pas. Ils disent qu’il n’y a pas besoin de pratiquer, qu’il suffit juste d’être de bon cœur. Ils ne croient ni au paradis, ni à l’enfer, ils ne croient pas en l’au-delà. Il n’y a ni livre sacré, ni preuve que c’est la religion qu’il faut suivre.

Tous les jours, je reçois des critiques de ma famille. On me dit que je suis une terroriste, que je vais aller vivre en Syrie ou en Afghanistan. On jette à la poubelle mes affaires religieuses, ou on les déchire, ou on brûle mon Coran, mes abayas, mes voiles, mon tapis de prière. C’est très compliqué de vivre avec cette pression. Je me sens rejetée, comme si j’étais une personne différente d’eux, comme s’ils me détestaient. Je me sens surtout sans affection de la part de ma famille.

Laura cache sa foi à ses parents à cause de leurs préjugés sur l’islam. Au lycée, elle a assumé sa conversion mais ses camarades l’ont jugée, voire rejetée.

Capture d'écran de l'article "Convertie à l'islam, mes proches en font un drame". Sur la photo, une femme voilée convertie prie dans le noir devant une fenêtre.

Grâce à l’argent de la cantine que ma mère me donne, je pars acheter mes voiles et mes abayas. Pour un budget d’à peu près 30 euros au total, je pars les acheter à Aya Mode, qui se trouve à Aulnay-sous-Bois, ou alors à Souk Dubaï, toujours à Aulnay. Pour « manger à la cantine », je me fais un petit sandwich avec les produits de la maison. J’ai des copines qui sont là pour moi quand j’en ai besoin. Elles m’aident et font le maximum pour moi, en me réconfortant et en me donnant des voiles.

Dans la rue aussi, beaucoup de personnes me regardent mal et me dévisagent. Niveau scolarité, en stage, on ne me prend pas et c’est dû à mon voile. Le matin, je dois sortir sans, puis le mettre en cachette. Tout comme au retour, je dois l’enlever devant chez moi et le cacher au fond de mon sac.

Aïcha, 16 ans, lycéenne, Tremblay-en-France

Crédit photo Pexels // CC Ayna

Partager

Commenter