Nos patients ne sont que des numéros
« Chambre 324 ? Chambre 237, l’autre qui déambule dans l’hôpital, le fou du troisième. » En arrivant à mon stage, à la fin de ma première année d’école d’infirmière, j’ai été choquée. Moi, je croyais qu’ils avaient des noms tous ces gens. Mais apparemment non. C’est la première chose que j’ai comprise en arrivant à la clinique où je faisais mon stage. Je ne pensais pas me prendre une telle claque.
Toute l’année, durant ma formation, on nous a répété des mots comme « humanisme », « soin », « bienveillance », « attention ». En moins d’une demi-journée, je vois que ces mots n’existent pas dans la vraie vie. Celle de l’hôpital.
J’arrive donc au service SSR gériatrie (soin de suite et réadaptation), en tant qu’étudiante infirmière. Le personnel d’accueil est super gentil. Ils me mènent vers mon service, au quatrième étage.
J’enfile ma tenue professionnelle, blanche avec des poches. Je me dirige vers la salle que m’a indiquée l’aide-soignante. C’est celle du repas des patients. Cette salle est dans les tons rose-orangé, un peu comme un coucher de soleil, avec des dessins de fleurs accrochés au mur. Ça rend la pièce plus accueillante.
On soigne comme des robots
Le premier jour commence. L’aide-soignante qui m’encadre me montre les gestes d’hygiène, la pesée, les changes, la douche, le stock, tout ce que je dois connaître pour mon stage. Elle m’informe que pour la première semaine, je serai en observation. Du coup, je suis souvent dans le poste de soins, là où le personnel se réunit pour parler, entrer les données de leurs soins, etc.
Puis, les choses se gâtent. Un jour, l’aide-soignante délaisse complétement une patiente atteinte de démence et de trouble psychomoteur. Elle la laisse avec une couche avec des selles, une chambre avec une odeur désagréable, un lit jamais fait. Quand elle passe devant elle, elle ne lui parle pas. Comme si elle considérait la patiente comme un poids.
En plus, elle ne parle pas avec les patients. Elle fait simplement le change sans discuter, sans demander si l’eau est chaude ou froide pendant la toilette, sans demander leur avis. Elle s’exécute comme un robot. Elle parle d’eux comme si c’étaient des objets, les appelant par leur numéro de chambre, ou avec des « l’autre », mais rarement avec par leur nom de famille.
Elle faisait fuir des patients
J’avais une patiente de 74 ans. L’aide-soignante lui parlait très mal. La patiente ne voulait même plus la voir ou l’entendre. La pauvre, elle en est même venue à pleurer dans mes bras. Elle voulait partir sans être entièrement guérie. Elle s’est confiée à moi, en me racontant que l’aide-soignante l’avait laissée toute mouillée à la sortie de la douche en la laissant s’habiller seule alors qu’elle avait de l’herpès circiné aux pieds.
Dans son dos, elle l’appelle la « patiente chiante » – pour reprendre les mots de ma collègue. Pour moi, ce qu’elle fait, c’est une trahison du patient qui lui fait confiance et qui n’est pas là pour se faire traiter de la sorte.
Une aide-soignante, à mes yeux, doit être heureuse de faire ce métier et d’aider les patients dans leur vie de tous les jours. Son travail ne consiste pas juste à faire des soins, ou apporter leur nourriture. Il faut aussi être un soutien dans cet endroit inconnu pour eux. Certains n’ont pas ce comportement à l’égard de leurs patients.
Clémentine, 21 ans, en recherche de formation, Paris