Petit streamer deviendra grand
Depuis que je joue, j’ai gagné 7 300 euros. Ça fait trois ans que je suis pro-gamer. Je suis payé pour jouer. Je suis dans une team e-sport : je fais de la compétition sur Fortnite. J’avais 15 ans la première fois. C’était lors d’une grande compétition européenne. Il y avait 100 joueurs qualifiés en finale, dont moi et mes deux coéquipiers. Je les ai rencontrés en jouant. L’un vit à Lyon et l’autre à Paris, nous ne nous sommes encore jamais rencontrés dans la vraie vie. On a terminé vingt-quatrième, ce qui nous a permis de gagner 4 500 euros chacun.
J’étais comme un fou. On a tous crié en même temps en vocal, et j’ai fait des vidéos sur YouTube pour partager ma joie. Ma mère ne voulait pas me croire au début, jusqu’à ce qu’elle reçoive la somme – le versement devait être fait sur son compte à elle comme je suis encore mineur. J’étais en train de dormir quand il est arrivé, elle m’a réveillé pour me prévenir. On avait particulièrement besoin d’argent à ce moment-là, j’étais super content de pouvoir aider ma famille.
Ça m’a encouragé à jouer encore plus sérieusement. Depuis, je fais des lives à la demande d’autres joueurs. Je me filme en train de jouer, pour qu’ils voient mes techniques. Toutes les semaines, je participe à des compétitions qui durent entre trois heures et un week-end entier.
Trouver un autre métier à côté
Maintenant, j’arrive à gagner de l’argent tous les mois, entre 100 et 2 500 euros. On s’entraîne entre bons joueurs pour progresser. Il y en a, avec qui je joue en ligne, qui ont mon âge et qui gagnent parfois 90 000 euros.
Je veux donner une place importante au jeu dans ma vie, mais je ne veux pas dépendre exclusivement de ça financièrement, parce que c’est trop aléatoire. J’ai arrêté l’école à 16 ans parce que je n’aimais pas ça. Depuis, j’ai beaucoup joué, mais depuis que j’ai 18 ans, je cherche à m’investir dans un métier pour avoir une sécurité à côté : je pense à peintre en bâtiment, plombier ou électricien. Mais les horaires de travail peuvent vite être un problème. C’est important que je puisse être libre au moment où les compétitions démarrent. En général c’est à 19 heures, mais parfois c’est plus tôt.
Julien est accro aux jeux vidéo. Malgré les reproches, il est convaincu que ça lui a aidé à acquérir des compétences utiles pour ses études.
Pour l’instant, je donne tout l’argent que je gagne à ma mère parce qu’elle en a besoin. On en met aussi un peu de côté pour que je passe mon permis. À terme, j’aimerais m’acheter du matériel : certains types d’écran plus réactifs, une bonne caméra et un bon micro pour les streams, un bon PC. En tout, il faut compter un investissement de 5 000 euros pour avoir un bon set-up.
Mon prochain objectif de e-gamer, c’est de devenir un grand streamer : ça veut dire que tu as 5 000 viewers qui se connectent pour te regarder jouer à chaque fois que tu fais un live. Si j’y arrive, je gagnerai 3 000 ou 4 000 euros par mois grâce aux publicités, mais aussi grâce aux subs (ce sont des abonnements mensuels de joueurs pour que tu leur donnes des conseils et répondes à leurs messages) et aux beats (des donations ponctuelles). Certains grands streamers font beaucoup plus, ils ont 30 000, 40 000 viewers. Moi, j’en ai tout juste 100. J’ai encore de la marge.
Miquael, 18 ans, volontaire en service civique, Nantes
Crédit photo Pexels // CC Alena Darmel