Papa je ne serai pas médecin, mais couturière

C’est l’histoire d’une fille qui vivait en Asie et qui avait une vie difficile. Elle a grandi dans une famille où enfant, le choix n’existe pas, c’est la famille qui choisit pour toi. Jamais elle n’a appris à choisir, elle doit penser à ce que pensent les autres avant d’agir. Dans sa famille, les filles n’ont pas le droit de faire ce qu’elles veulent. Plein de rêves resteront des rêves car ce qui importe, c’est l’opinion des autres.

Elle, elle aime la couture. Mais dans son pays, c’est un métier banal. Presque tout le monde sait coudre à la machine, même les hommes. Dans chaque maison, au moins une ou deux personnes savent le faire. Les femmes ne travaillent pas trop à l’extérieur de la maison. Si une fille veut se marier avec un garçon, c’est bien qu’elle sache coudre, comme ça elle peut coudre les vêtements de la famille de son mari.

Devenir couturière

Un jour, sa famille décide de venir en France. Elle arrive à 14 ans, avec une culture et une manière de penser différente, et avec son rêve de devenir couturière. Elle entre dans un collège à partir de la quatrième et commence à apprendre la langue française. Elle ne connaît personne en France, c’est compliqué de s’adapter. En troisième, sa prof principale lui demande ce qu’ elle voudrait faire plus tard. C’est la première fois que quelqu’un veut savoir ce qu’elle veut faire. Elle hésite à dire qu’elle veut devenir couturière car c’est à sa famille de choisir.

Elle en parle donc avec sa famille et leur explique qu’elle aimerait travailler dans les métiers de la mode. Mais sa famille est contre ce choix. Une partie de sa famille partie à l’étranger a choisi des métiers comme dentiste ou opticien. Son père veut qu’elle fasse quelque chose comme eux, voire mieux. Il veut qu’elle travaille dans le commerce, la gestion-administration ou qu’elle fasse médecine. Mais elle n’en veut pas, de ces métiers-là ! Pour lui faire plaisir, dans la fiche d’orientation, elle fait deux propositions : le premier choix est la mode et le deuxième gestion-administration. Comme ça, son père a une chance aussi.

Un doute sur son choix

Heureusement, elle est acceptée en mode ! En seconde, elle a toujours des difficultés avec la langue française, mais elle est motivée et aime ce qu’elle fait, ça lui permet d’avancer. Seulement, son deuxième stage ne se passe pas très bien. En plus, elle est la plus vieille de sa classe, ce qui ne l’aide pas à trouver sa place. Elle pense que personne ne l’aime parce qu’elle est différente. Elle se compare aux autres aussi, ce qui la met beaucoup en pression. Elle devient trop dure avec elle-même. Elle se démotive, perd confiance et doute de son choix d’orientation. Elle qui était une fille souriante qui parle trop et tout le temps est devenue une « cry-baby », complètement silencieuse et très sensible.

Elle se questionne sur ses choix car ses proches et sa famille lui disent : « Il n’y a pas d’avenir dans la mode » ; « La couture c’est facile, même l’enfant sait coudre chez nous et ce n’est pas vraiment un métier, on ne peut pas survivre avec ce métier-là » ; « Tu va avoir mal aux yeux et au dos »

Sa famille est fière

À la fin de son année de seconde, elle parle avec son père : « Si tu veux, je vais changer mon projet de métier. » Il lui dit : « Je t’avais dit que ton choix n’était pas une bonne chose. Et voilà, maintenant tu veux le changer. Donc tu peux refaire un choix de gestion-administration ou commerce. » Ses profs, eux, ne sont pas d’accord. Ils savent qu’elle aime ce métier. Ils lui redonnent la confiance de continuer et en parlent avec son père.

Aujourd’hui, en fin d’année de première, elle a regagné confiance en elle et a retrouvé sa motivation. Elle a traversé une période difficile de sa vie. Même sa famille est fière d’elle maintenant. Elle lui montre rarement, mais ce n’est pas grave, c’est mieux que de ne rien lui montrer du tout.

Cette fille, c’est moi.

Sana, 19 ans, lycéenne, Toulouse