Quand danse rime avec bienveillance
« C’est bien ce que tu fais ! Essaie de tendre un peu plus ta jambe, comme cela. Oui, exactement ! » Voilà ce que disait la professeure de danse, très bienveillante, à l’écoute des enfants, et très douce, lorsqu’un des jeunes était en difficulté. J’ai effectué mon stage de troisième au sein d’une plateforme d’accompagnement pour jeunes aveugles et malvoyants. J’ai passé une semaine aux côtés de professionnels de santé. Le mercredi, nous nous sommes rendus dans une salle de danse assez petite où nous avons retrouvé cinq enfants, de 9 à 14 ans. Nous avons passé une heure avec cette professeure de danse.
J’ai pu observer les différences avec les cours de danse contemporaine et moderne auxquels j’ai moi-même participé au conservatoire pendant onze ans. Le rythme du cours était plus lent que ceux que j’avais suivis. Il y avait souvent du temps pour que les enfants échangent entre eux et puissent s’entraider. Lorsqu’un élève ne suivait pas bien le parcours, un autre prenait sa main et le guidait. Cela permettait de les mettre en confiance et de les pousser à s’investir à 100 %. Dans mes cours, il n’y avait pas un tel lien entre les danseuses.
Des pédagogies opposées
Les enfants faisaient des sauts, des tours, tombaient, se relevaient, rien ne les arrêtait. Lors des exercices d’improvisation, ils fermaient par moment les yeux, comme s’ils voulaient montrer que la danse se pratique certes mais se ressent aussi. Ils dansaient comme s’ils n’avaient pas de déficience. La professeure adaptait les exercices en utilisant des cerceaux de couleur voyante pour faciliter l’apprentissage, en baissant la luminosité de la pièce pour ne pas donner mal à la tête à ceux très sensibles des yeux.
Au conservatoire, je faisais de la danse classique et, en accord avec le cliché, ma professeure était sévère et malveillante. Il y avait des examens à chaque fin d’année. Une de mes copines et moi-même étions les seules à être en dominante « contemporaine ». C’était donc normal que nous ayons plus de mal à maîtriser la chorégraphie de l’examen que les élèves en dominante « classique ». J’avais des trous de mémoire. L’enseignante nous rabaissait au moindre faux pas. Elle ne s’intéressait pas à notre erreur et ne nous aidait pas à la rectifier. Elle disait que je ne faisais aucun effort, elle me culpabilisait jusqu’à ce que je pleure. C’est ce qui m’a poussée à arrêter la danse classique.
Pas de personnes en situation de handicap
Avec le temps, j’ai aussi pu constater qu’il y avait des critères de sélection bien précis. Il ne suffit pas de bien danser ou d’être passionnée, il est nécessaire d’avoir un corps fin, peu de formes et de ne pas être trop grande. J’ai vu tellement de jeunes filles complexées par leur physique à cause des réflexions d’un professeur. Nombreuses ont d’ailleurs quitté le cours en raison de la souffrance qu’elles ressentaient. Pendant mon stage, je me suis dit qu’au conservatoire, on ne verrait jamais de personnes présentant un handicap ou que si cela arrivait, elles se sentiraient exclues pendant toute la séance.
Cette expérience m’a permis de me rendre compte que la danse peut être accessible à tous. Il suffit de s’intéresser aux besoins de chacun. Ça m’a rendue heureuse de voir que des professeurs bienveillants existaient. Ça m’a donné espoir en l’inclusion des personnes handicapées, qui méritent tout autant que les autres d’avoir accès au sport de leur choix. Je sais à quel point la danse provoque un sentiment de liberté et je suis heureuse de voir ces jeunes en profiter. Leur investissement durant le cours était tel que la professeure a même proposé à une jeune d’intégrer le cours de danse normal. Je me souviens encore du regard de la petite. Elle avait l’air très fière.
Ana Clara, 16 ans, lycéenne, Saint-Germain-en-Laye
Crédit photo Pexels // CC Budgeron Bach
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