Couper le cordon avec sa jumelle
Ma sœur jumelle, c’est mon bras droit. Notre relation est très fusionnelle mais j’ai décidé de vivre ma vie d’étudiante, loin d’elle. D’origine rennaise, je suis partie à Brest en septembre 2023. Une décision difficile, prise sur un coup de tête.
Je suis en BTS services et prestations des secteurs sanitaire et social pour être plus tard responsable de secteur à domicile. J’ai demandé sur Parcoursup ce BTS partout en Bretagne mais j’ai choisi volontairement d’aller à Brest, à 200 km de ma sœur. Avec elle, on a toujours avancé ensemble dans la vie. Que ce soit à l’école ou en dehors. Depuis toujours, on a le même groupe d’amis. On a le même projet pro. En job étudiant, on a travaillé deux ans dans le même MacDo. Là-bas, on nous confondait. Partout d’ailleurs, sauf dans la famille.
Chacune sa personnalité
Pourtant, nous sommes un peu les opposées. Ma sœur jumelle a redoublé le CE2 tandis que moi, j’étais considérée comme l’intello de la famille. Elle est plus fragile physiquement que moi. Elle est renfermée sur elle-même et assez aigrie. Elle ne sort que pour aller à l’école ou pour son travail, alors que moi, je sors tous les week-ends !
Notre point commun ? Notre histoire familiale compliquée. Nos parents ont divorcé quand on avait 6 ans. En 2021, on a toutes les deux rompu tout contact avec notre père. Le jour de nos 18 ans, nous avons reçu comme message de sa part : « J’ai cueilli deux fois 18 fleurs en douceur pour vous, joyeux anniversaire. » Il a trouvé ça sur internet, on en est sûres. De toute façon, on s’en foutait de son message. On n’avait qu’une seule envie, c’était de l’incendier.
Nous n’avons pas répondu à notre père par fierté. Il nous a tellement fait souffrir par le passé. Le fait de ne plus avoir de père et le fait que ma mère ait souffert a renforcé notre lien. Avec ma sœur, si quelqu’un nous fait une remarque ou nous juge, ça ne nous atteint pas. On se dit qu’on a vécu pire, on ne retient que le positif de notre vie. Le mal, on le cache aux autres et on le garde pour nous.
Notre lien était tellement fort que je ne pouvais pas vivre pleinement ma vie. Limite, elle jouait un rôle de mère pour moi. Quand je sortais, c’est elle qui me demandait où j’allais, avec qui, comment, l’heure à laquelle je rentrais. Elle est plus sérieuse que moi. Elle se méfie de tout, et moi de rien. Elle me dit de faire attention à mes fréquentations, elle veut toujours me protéger.
Même au niveau des dépenses, elle regardait constamment ce que j’achetais, enfin surtout le prix. Quand on se baladait et qu’une personne bizarre s’approchait, elle me prenait la main pour qu’on se dirige vers une autre direction, alors que moi rien ne me faisait peur.
Partir pour voler de ses propres ailes
En juin, j’ai donc pris cette décision de quitter Rennes contre l’avis de ma mère et de ma sœur. C’était la première fois que je faisais mes démarches toute seule : ma lettre de démission de chez MacDo, trouver un logement à Brest, mon dossier de bourse, mon dossier Caf…
Ma sœur, qui est en terminale, est restée chez ma mère. Elle a mal pris mon départ. Je reçois des remarques de sa part telles que : « Retourne à Brest si t’es pas contente. T’avais qu’à rester à la maison » ; « Bah non je travaille, ça sert à rien que tu viennes ce week-end. » C’est dur pour moi.
Je savais que je devais prendre mes distances avec ma sœur mais aujourd’hui je regrette notre complicité. Quand je reviens le week-end à Rennes, je remarque qu’elle ne me demande plus mon aide pour ses devoirs. Elle ne me parle plus du MacDo. On ne va plus faire les boutiques ensemble. Je ne regrette pas mon choix mais j’aimerais retrouver notre complicité. Je pense que cette étape de séparation est nécessaire. J’espère qu’elle aussi va vivre sa vie loin de moi, pour mieux qu’on se retrouve.
Chloé, 18 ans, étudiante, Brest
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