3/4 Le trouble anxieux, un combat au quotidien
Imagine que tu te réveilles un matin et que ton esprit est parasité par des millions de pensées. Imagine que tu n’arrives pas à y mettre de l’ordre. Tu te mets à angoisser pour tout et rien. Une fois que ton esprit est un peu plus clair, tu te lèves et tu essaies de parler à tes proches, à tes amis et à ta famille, qui te met consciemment ou non de côté, avec des remarques du type « on ne peut rien faire avec lui » ou « t’es qu’un autiste ». Tu n’arrives pas à être toi-même. Tu es comme bloqué. Le moindre effort social te paraît insurmontable. Personne ne comprend pourquoi tu ne parles pas. Pourquoi tu n’arrives pas à être à l’aise.
J’espère que tout cela t’aide à imaginer comment vivent les personnes qui ont un TAG : un trouble anxieux généralisé. En gros, c’est un état d’angoisse permanent auquel nous, personnes anxieuses, devons faire face, et que nous devons combattre chaque jour. C’est un handicap à ne pas prendre à la légère. Beaucoup pensent que l’anxiété est un simple stress. Ils pensent aussi qu’une dépression, c’est le fait de ne pas avoir le moral. C’est bien plus intense que ça.
Conflits entre parents
Un jour, j’étais au collège et, au moment d’entrer dans la salle de cours, j’ai eu une soudaine montée de stress. J’étais paralysé, à côté de ma chaise, toujours avec mon sac sur le dos. Je suis resté debout toute l’heure, sans pouvoir parler ou regarder autour de moi. Mon cœur battait vite, ma respiration était rapide. J’étais obnubilé par mes pensées. Elles se mélangeaient tellement que je n’arrivais pas à les trier. C’était un brouillard.
Cette crise a pris fin lorsque la sonnerie a retenti. Ça a fait comme un réveil. Les autres n’ont pas dû comprendre. Pour beaucoup – notamment des personnes de ma famille – j’étais autiste. Alors que ce n’est pas le cas. Il n’y a pas vraiment d’âge où tout ça a commencé, mais je pense que c’est dû aux conflits trop violents entre mes parents, quand j’étais tout petit. Même quand j’étais encore dans le ventre de ma mère.
Énergie sociale limitée
Toute ma scolarité, le TAG a eu pour conséquence de m’isoler. Pendant ma seconde, j’étais seul au lycée. Ma classe était plus jeune que moi. Il y avait un décalage, je ne me sentais pas intégré. Ça m’a poussé à arrêter le lycée. Après avoir arrêté, je n’ai rien fait.
En fait, cet handicap m’empêche d’aller vers les autres. J’ai toujours peur qu’ils me jugent ou que je les ennuie. J’ai peur d’être le mec lourd qu’on veut éviter à tout prix. Le peu de fois où je vais vers des personnes que je ne connais pas, ça use une grande partie de mon énergie sociale. Lorsque cette « batterie » est vide, je dois me retrouver seul pour la recharger.
Avant, je ne connaissais pas l’acronyme TAG. C’est un psychologue qui m’a diagnostiqué. J’ai pris la décision de consulter parce que j’étais au fond du gouffre mentalement. Une fois qu’il m’a expliqué ce que c’était, ça a mis la lumière sur des années de doutes. Ça m’a soulagé. J’étais conscient de mes difficultés, mais ça m’a permis de mettre des mots sur ce que j’ai et, quelque part, de mieux me connaître moi-même. Depuis, je peux me battre plus efficacement contre l’anxiété. Je peux aussi répondre concrètement lorsque des personnes bienveillantes me demandent ce que j’ai.
Je trouve ça dommage que ce terme ne soit pas connu de tous. Ça m’aurait évité des jugements. Ça aurait aussi permis aux personnes qui ne connaissent pas ce handicap de pouvoir créer plus facilement du lien avec des personnes anxieuses.
Des objectifs chaque jour
Aujourd’hui, je prends un traitement. Ce suivi psychologique m’a énormément aidé. Ça m’a fait faire des exercices de contrôle des émotions, en établissant des objectifs que je devais faire tous les jours, et en m’aidant à gérer les conflits familiaux. Ça m’a montré le chemin que je dois prendre pour avoir plus confiance en moi.
Les formations d’élaboration de projet auxquelles j’ai pu participer m’ont aussi aidé à sortir de ma zone de confort. Je me suis habitué à côtoyer du monde de manière récurrente. J’ai aussi pris le temps de réfléchir au métier qui me rendrait heureux, et donc, pour une fois, de penser à moi. Ça m’a permis de ne pas rester tout seul dans ma chambre, devant ma console.
Je tiens à adresser un message d’espoir à toutes les personnes anxieuses qui ont un TAG comme moi. Même si tu ne peux pas totalement t’en débarrasser, il existe des solutions pour apprendre à vivre avec, ou au moins réduire l’impact que ce handicap peut avoir sur toi. Des professionnels peuvent t’aider, tout comme des livres écrits par des personnes anxieuses qui aident à adopter les bons réflexes en cas de situation d’angoisse. Je conseille notamment Bonjour anxiété de Marco Coiffard.
Ça ne sera pas facile tous les jours, mais crois-moi, chaque petit effort te rendra fier et t’aidera à avoir confiance en toi. Cela facilitera ton évolution dans ce combat contre l’anxiété. Si je devais te dire une seule phrase, ce serait : « Arrête de te sentir coupable de ressentir ce que tu ressens. »
Erwan, 25 ans, en formation, Brétigny-sur-Orge
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)
Série Vivre avec des troubles psy, récit 4/4 : TDAH et tics impossibles à calmer
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