3/4 Jetée sur le bord de la route
Je sortais d’une relation à cause de laquelle je vivais un réel chagrin d’amour et je ne voulais plus jamais avoir d’hommes dans ma vie. Bref, une ado qui vit une déception amoureuse. Le temps passe et je rencontre Youssef. Il me fait oublier mon premier amour. Il me fait énormément sortir et rire. C’était l’homme parfait à mes yeux.
Un jour, il a commencé à avoir les mains baladeuses. Je l’ai stoppé, mais il a continué à me toucher sans mon consentement. Jamais je ne m’étais sentie aussi sale. J’ai eu tellement peur, j’étais trop angoissée. Je n’ai pas dormi de la nuit. Je n’arrivais pas à avaler quelque chose, j’étais très triste. Je l’ai bloqué de partout, mais il m’a forcé à lui parler. Il me harcelait en utilisant des numéros de téléphone différents.
Il est même venu sur mon lieu de travail avec une paire de boucles d’oreille et une paire de chaussures. Pour éviter qu’il revienne, j’ai accepté de lui donner un rendez-vous. Personne n’était au courant, il pouvait m’arriver n’importe quoi. Plus je m’approchais du rendez-vous, plus j’étais stressée. Mes jambes tremblaient, j’avais du mal à respirer. Quand je l’ai vu, j’ai eu envie de faire demi-tour. Le pire, c’est qu’il souriait en me voyant.
Il m’a dit qu’il était fou amoureux de moi, que j’étais la femme de sa vie. Moi, je ne voulais rien savoir. J’attendais ses explications. Il a justifié son comportement en prétextant qu’il avait fumé avec ses potes, qu’il avait dérapé car il aimait trop mon physique et qu’il n’était pas lui-même. Il s’est mis à pleurer en me disant qu’il n’allait plus jamais recommencer.
J’ai eu de la peine pour lui. Je lui ai pardonné car il me faisait déclaration sur déclaration, je le croyais sincère. J’ai retrouvé le Youssef du début. Il était doux et gentil comme au début. Les mois ont passé, tout allait bien.
Des insultes, des coups et un poignet cassé
Un jour, mon ex m’a ajouté sur Snap. Youssef s’est énervé, il m’a dit de changer de compte Snap, mais j’ai refusé. Puis, un froid s’est installé entre nous. Il est devenu parano. Quand je me maquillais, il disait que j’allais voir des garçons. Il voulait absolument les mots de passe de mes réseaux. Quand on sortait, il me disait que je regardais les hommes, alors que non. Il ne voulait plus que je sorte avec mes amies. Mais je ne l’écoutais pas.
Quand j’ai mis une photo de moi et mon meilleur ami dans ma story, le jour même il m’a envoyé un message pour me voir. J’y suis allée, il m’a demandé ce que je faisais avec un garçon. Je n’ai même pas eu le temps de répondre. Il m’a rouée de coups jusqu’à me casser le poignet, en m’insultant de « put* de salo** ». Il m’a jetée au bord d’une route comme un pauvre chien qu’on abandonne. J’étais en pleurs, j’avais trop mal au poignet, je voyais flou. J’avais tellement mal, je saignais du nez, j’avais du sang partout. Un homme s’est arrêté et m’a demandé si j’avais besoin d’aide, je lui ai demandé d’aller à l’hôpital.
Un médecin m’a appelée pour m’ausculter. Je lui ai aussi tout expliqué. Il m’a dit d’aller au commissariat pour porter plainte. Il m’a fait passer en urgence une radio du bras et des côtes. J’ai eu une côte fêlée et le poignet fracturé. Ils m’ont gardée la nuit, je suis sortie le lendemain en fin d’après-midi.
Se faire justice soi-même
Je suis allée au commissariat deux semaines après car j’étais trop triste, et j’avais trop mal. Une dame m’a accueillie en me demandant ce qu’il s’était passé. Elle notait tout sur son ordi. Elle m’a posé des questions du genre : est-ce que je l’ai provoqué ? Le jour où il m’a fait des attouchements, j’étais habillée comment ? Est-ce qu’à l’hôpital, j’ai dit ce qu’il s’était passé ? Pourquoi je lui ai pardonné ? D’un air agacé. C’était court, elle allait me rappeler. C’est ce qu’elle m’a dit. Je n’ai jamais eu d’appel.
Youssef m’a harcelée, il est même allé voir mon père pour lui demander ma main. J’ai refusé, puis il a commencé à me menacer de viol. Il m’a dit qu’il allait me tuer. J’ai ignoré tout ça, puis j’ai décidé de me faire justice moi-même. J’ai tout expliqué à mon meilleur ami. Il s’en est occupé. Je n’ai plus jamais eu de nouvelles de Youssef, je ne sais pas ce qu’il s’est passé.
Aïcha, 20 ans, en recherche de formation, Paris
Illustration © Camila Plate
Série Violences conjugales jeunes : quitter le mâle, récit 4/4 : Douze heures de stage pour des mois de violence
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