Safia R. 20/06/2025

2/2 « Au Pakistan, j’ai vécu ma meilleure vie »

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Titulaire d’un master en finance au Pakistan, Safia est devenue femme au foyer en s'installant en France avec son mari. Pour l'instant, son niveau de français ne lui permet ni de travailler ni d’élargir son cercle amical.

En France, je suis devenue femme au foyer. Je ne travaille pas parce que je ne parle pas assez bien français. Jusqu’en 2019, je vivais à Okara, une petite ville à l’est du Pakistan. J’ai validé un master en finance à l’université du Pendjab central. Mon mari aussi a un master. Il a étudié l’économie. Il travaille dans un département de vente dans l’industrie, à Paris. 

Aujourd’hui, nous avons deux enfants, qui ont 4 ans et 2 ans et demi. J’ai 28 ans, mon mari 34 ans. Il y a cinq ans, j’ai décidé de me marier avec lui et d’aller vivre en France. Mon mari est un homme pakistanais, un ami de mon oncle. Il vit en France depuis l’âge de 10 ans. Il revenait régulièrement pour des vacances au Pakistan.

Je suis arrivée à l’aéroport d’Orly, la nuit. J’ai regardé dehors. C’était sombre. Dans mon esprit, c’était juste une forêt partout autour de moi. Mon mari m’a accueillie avec des fleurs.

Depuis, parfois je me sens bien et parfois c’est dur. La grande difficulté, c’est le français. Je prends des cours de français dans une association, à Avon. Cette langue est très différente de la mienne. J’y vais deux fois par semaine. J’ai passé le niveau A2. 

Pas d’amies françaises

J’aime parler et partager des expériences avec d’autres personnes. Je veux me faire beaucoup d’amis. Je veux socialiser et connaître les expériences de vie et la culture des autres, ce qui est impossible quand on ne parle pas bien français. Il y a aussi un problème avec certaines personnes qui agissent comme si une femme portant un hijab est un tueur en série ! Au quotidien, je ne parle donc à aucune femme française. 

Je connais beaucoup de femmes pakistanaises en France, mais à part elles je n’ai pas d’amies. Je parle à mon mari, à mes beaux-parents et à ma belle-sœur Jia. Ensemble, nous aimons cuisiner et tenter de nouveaux plats. Je parle aussi à mes parents au téléphone, tous les jours. Je leur raconte ma vie. Nous avons des conversations sur nos activités quotidiennes.

Parfois, je me sens triste parce qu’ils me manquent beaucoup. Je pense au temps où j’étais avec eux et mes deux frères, au Pakistan. C‘était la meilleure période de ma vie. J’étais entourée. Ils étaient très aimants. Ma mère est une femme au foyer. J’adorais sa cuisine. Nos parents faisaient de leur mieux pour nous fournir tout ce dont nous avions besoin. Ils nous soutenaient beaucoup, dans tous les domaines. Nous célébrions nos petits bonheurs et nos réalisations. Nous ressentions de l’empathie les uns envers les autres.

Femme libre 

Quand j’étais étudiante au Pakistan, j’ai vécu ma meilleure vie ! À l’université, nous étions un groupe de sept filles, comme une bande. Nous étions libres de donner notre opinion sur tous les sujets. Les femmes et les hommes étaient assis les uns à côté des autres. Il y avait aussi de nombreux professeurs hommes et femmes. 

Au Pakistan, j’étais libre de faire ce que je voulais en tant que femme. Je m’amusais avec mes amies. Nous sortions, nous allions au restaurant. Il y avait de nombreux centres commerciaux, restaurants et cinémas. Des clubs de golf et de cricket. Nous avions aussi organisé une campagne de dons pour collecter des fonds pour des étudiants qui ne pouvaient pas payer les frais de scolarité. 

Au Pakistan, les filles sont libres d’étudier et de travailler. Il y a beaucoup de femmes médecins, ingénieures… Certaines font du cinéma. Il y a aussi des chanteuses, comme Noor Jahan ou Abida Parveen. Les femmes et les hommes ont les mêmes droits. Les femmes ont le droit d’épouser l’homme de leur choix. 

Au Pakistan, chacun est libre de pratiquer la religion qu’il souhaite. Il y a de nombreux chrétiens et hindous. Il y a des églises et des temples. Lorsque j’étais à l’école, au collège puis lycée, je ne portais pas le hijab. C’est à l’université que j’ai décidé de le porter. C’était mon choix. Il y a aussi de nombreuses femmes qui ne se couvrent pas la tête. 

Au Pakistan, notre habit traditionnel est le shalwar kameez. Il s’agit d’une robe traditionnelle portée par les femmes et les jeunes filles du Pendjab. Elle se compose d’un pantalon appelé shalwar et d’un kameez, un haut long, ample et à manches longues. Mais de nombreuses femmes pakistanaises portent des jeans.

Au Pakistan, il y a aussi plein de femmes indépendantes qui font du business. Une de mes amies a fait du business après son master et elle a continué après le mariage. Je lui parle souvent. Nous bavardons au sujet de nos vies de mère. Nous partageons nos opinions. Nous allons nous revoir lorsque j’irai au Pakistan. 

J’y retourne régulièrement. Je revois mes parents, mes amies et ma famille. Lorsque nous nous retrouvons, mes amies et moi, nous nous amusons beaucoup et nous nous souvenons de nos vieux jours. Je ne me projette pas dans l’avenir. Je suis une personne qui vit dans le présent. On ne peut rien prédire !

Safia, 28 ans, femme au foyer, Avon

Crédit photo Flickr // CC Eric Favrelière

 

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Wajeeha est arrivée en France il y a trois ans avec son mari après avoir été enseignante à Oman. Si elle espère retravailler un jour ici, elle apprécie tout de même beaucoup sa nouvelle vie.

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