Nadia R. 30/03/2025

Violences conjugales : les enfants trinquent

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Les souvenirs d’enfance de Nadia sont faits de peur, de cris, de coups et d’injustice. La domination de son père et la soumission de sa mère lui ont appris à fuir les relations abusives.

Mon père était un homme colérique et violent. Un époux infidèle qui se souciait peu des conséquences de ses actes. Il trompait ma mère sans remords, et chaque fois qu’elle osait exprimer sa douleur ou son indignation, cela déclenchait des colères incontrôlables, souvent accompagnées de violences physiques.

Ces scènes se déroulaient sous les yeux de mon frère et moi, gravant en nous des images que nous aurions préféré ne jamais voir.

L’espoir

Malgré cette violence répétée, ma mère a toujours choisi de rester. Elle justifiait son choix par son amour pour nous, ses enfants, et par une croyance profonde qu’il fallait sauver les apparences d’une famille unie. Elle était animée par l’espoir que, peut-être, les choses s’amélioreraient un jour.

Cet amour profond pour mon père, même s’il était toxique, la poussait à accepter l’inacceptable. Elle portait seule le poids émotionnel et physique de la famille, abandonnant ses propres rêves pour subvenir à nos besoins dans un environnement hostile.

Elle avait dû renoncer à ses études, un sacrifice qu’elle assumait avec dignité malgré les difficultés. Être mère tout en évoluant dans une relation abusive était un fardeau colossal. Elle était souvent seule à nous élever, mon père étant présent physiquement mais absent sur tous les plans qui comptent. Sa présence occasionnelle ne faisait qu’accentuer le sentiment d’isolement de ma mère.

Une carapace

En tant qu’enfants, mon frère et moi étions des témoins impuissants de ces scènes de violence et de souffrance. Voir notre mère pleurer, subir des coups ou être humiliée était une expérience traumatisante qui nous marquait chaque jour un peu plus. Ces épisodes nous ont contraints à grandir plus vite, à nous forger une carapace pour affronter la réalité.

La peur, la tristesse et parfois la colère étaient nos compagnons silencieux. Nous étions trop jeunes pour comprendre pourquoi notre mère restait, pourquoi elle acceptait cette douleur. Mais avec le temps, j’ai compris qu’elle était prise au piège d’un amour sacrificiel et d’un système qui valorise souvent l’image de la famille au détriment du bien-être individuel.

Force intérieure

Aujourd’hui, en regardant en arrière, je mesure à quel point ces événements ont forgé la personne que je suis devenue. Bien que cette période ait été marquée par une souffrance immense, elle m’a également enseigné des leçons précieuses. 

J’ai appris à reconnaître les signes précurseurs d’une relation toxique, à refuser que l’amour serve de prétexte à la souffrance, et à comprendre l’importance des relations fondées sur le respect et la bienveillance. Les cicatrices de cette enfance restent présentes, mais elles ont également donné naissance à une force intérieure. Cette force me pousse à aspirer à une vie différente, où l’amour est synonyme de respect mutuel et non de sacrifices unilatéraux.

Il est primordial de sensibiliser les enfants, les parents et la société toute entière à l’impact dévastateur des violences conjugales. Ces actes ne sont jamais justifiés et aucun enfant ne devrait grandir dans un climat de peur et de souffrance. Des ressources existent, et demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, mais de courage.

Nadia, 18 ans, lycéenne, Brest

 

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7 réactions

  1. Ce récit m’a profondément touché et bouleversé. Certaine expérience nous brisent, mais font parties intégrante de nous, notre vécu. Il faut essayer de ne garder que le positif même ci cela paraît impossible. Une jeune fille très courageuse. Bonne continuation et bon courage.

  2. Je tiens à souhaiter bon courage à Nadia et à son frère. Ils ont dû grandir vite malgré eux. Comme elle l’a dit, cette expérience douloureuse lui a permis de reconnaître les signes toxiques d’une relation, et de comprendre qu’on ne doit jamais excuser la douleur au nom de l’amour. J’ai compris que Nadia ne fera pas partie de celles qui perpétuent le cycle de la violence conjugale ; au contraire, elle fait partie de celles qui le combattront.

  3. Franchement, j’ai eu un nœud à l’estomac en lisant ça. Ce que Nadia raconte, c’est dur, c’est violent, mais c’est aussi incroyablement fort. On sent qu’elle a grandi trop vite, qu’elle a porté un poids qu’aucun enfant ne devrait avoir à supporter. Et malgré ça, elle écrit avec une telle lucidité, une telle force intérieure… C’est impressionnant.

    Ce qui me frappe surtout, c’est l’amour silencieux de sa mère, son sacrifice, sa solitude. C’est bouleversant. Et en même temps, ça fait mal de voir à quel point certaines femmes se perdent en pensant sauver leur famille.

    Nadia aurait pu sombrer, mais elle a choisi de comprendre, de guérir, et d’en faire une force. Ce genre de témoignage, ça devrait être lu dans tous les lycées. Pas pour choquer, mais pour éveiller les consciences. Pour dire que ça existe, que ça détruit, mais qu’on peut s’en relever.

    Merci à elle d’avoir mis des mots sur ce que tant d’autres vivent en silence.

  4. Courage à toi ma chérie, soit forte comme tu l’a toujours été. J’espère que la situation s’est améliorée.

  5. L’histoire m’a énormément touchée, non seulement par son contenu, mais aussi du fait que Nadia ait pu en tirer que du positif, jusqu’à prendre son courage à deux mains et l’exposer à des fins de sensibilisation… C’est très inspirant, bravo <3

  6. Ça a vraiment été courageux de sa part et je lui en félicite,malgré tous elle tien le coup et franchement bravo !

  7. Je souligne votre courage et la détermination pour ce témoignage courage nadia

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