Melvin C. 19/05/2025

Une absence omniprésente

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Melvin a grandi sans père, avec un sentiment de vide et des questions sur son identité. Pour combler ce manque, il a entamé une quête sur ses origines marocaines.

La seule fois où j’ai vu mon père, j’avais 6 ans. Un dimanche soir, il est venu nous rendre visite, à ma mère et moi. L’échange a été bref, juste le temps pour moi de comprendre qui il était. Avant de repartir, il a promis de revenir. Mais il ne l’a jamais fait. Alors j’ai appris à me construire sans lui.

Le vide qu’il m’a laissé a toujours été dur à vivre. À l’école, quand tous les enfants préparaient les cadeaux pour la fête des pères, je n’avais rien à faire. Ces moments-là me faisaient mal et ouvraient cette plaie que j’essayais de fermer.

Une absence culturelle

J’ai dû apprendre à être autodidacte. Nouer une cravate, raser mon premier duvet, apprendre à gérer ma puberté… J’ai appris ça tout seul. Même si ma mère était présente à mes côtés, il y avait un vide impossible à combler.

Ce vide, c’était celui de ma culture. Comment expliquer ma peau mate et mes cheveux bouclés alors que ma mère est française d’origine allemande ? En grandissant, j’ai commencé à trouver une partie de la réponse en découvrant le pays d’origine de mon père : le Maroc.

Partout où j’allais, on me demandait d’où je venais. Je répondais « du Maroc ». Mais dès que les questions allaient plus loin, sur ma famille ou ma région d’origine, je bloquais. C’était toujours un moment gênant, comme si je devais justifier un vide dans mon histoire. Finalement, j’ai préféré dire que j’étais corse. Ça attirait moins les questions.

La quête identitaire

Un jour, j’ai décidé d’arrêter d’esquiver. En 2021, à 17 ans, j’ai fugué de chez moi, à Angoulême. Pas pour retrouver mon père, mais pour découvrir sa culture. Pendant cette période, je me suis rapproché de personnes qui connaissaient le Maroc. J’ai beaucoup lu sur le pays de mon père grâce aux recommandations d’une de mes professeurs originaire de là-bas.

J’ai beaucoup appris sur l’histoire du Maroc et sur sa culture. J’ai découvert l’écrivaine Leïla Slimani qui a une histoire un peu similaire à la mienne avec sa double nationalité, française et marocaine. J’ai aussi vu beaucoup de films, dont Haut et Fort de Nabil Ayouch qui parle d’un centre social dans la banlieue de Casablanca.

Après cette « crise identitaire », j’ai continué à me rapprocher de ses origines. J’ai même pu faire un stage à l’Institut du monde arabe à Paris, un lieu de culture dédié au monde arabophone. Une vraie chance pour moi. Au fil de mes rencontres, je me suis construit un cercle de proches liés au Maroc.

Plusieurs fois, mes amis m’ont proposé d’y aller mais je n’y arrivais pas. J’avais un blocage. C’était étrange pour moi d’aller dans un pays où je sais que la famille de mon père ne veut pas me voir. J’ai besoin de vivre seul ce moment et aujourd’hui, pour la première fois, je me sens enfin prêt à franchir le pas. Ce voyage sera un moment crucial de ma vie, peut-être même le plus important.

Du côté de mon père, je sais qu’il ne reviendra pas. J’ai encore de la rancœur pour ses mensonges mais, aujourd’hui, je me suis fait une raison. Je ne suis plus naïf. J’ai tout de même beaucoup de questions. Sur ses parents, la région d’où il vient, sur sa vie… J’ai besoin de réponses avant qu’il ne soit trop tard.

Melvin, 22 ans, en recherche d’emploi, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Shiv Narayan Das

 

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